Gonet: l'actualité des marchés au 12 janvier

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

5 minutes de lecture

Dow +0,04%, S&P 500 -0,07%, Nasdaq -0,00%, Russell -0,75%, SOX +0,47%, Eurostoxx -0,60%, SMI -0,90%.

À mon avis, si Wall Street se présentait à «America’s got talent», elle gagnerait haut la main. L’inflation américaine progresse plus que prévu au mois de décembre, le marché des actions rend donc une partie des gains récents? Que nenni! Les ours y croient deux petites heures, puis les taureaux les renvoient à leurs études sans ménagement. On va tenter de comprendre ce phénomène un peu plus bas, dans l’intervalle notons que les principaux indices d’actions clôturent quasiment au plus haut de leur séance, que le Dow Jones et le Nasdaq100 (NDX) grappillent un petit peu de terrain tandis que les autres indices limitent clairement la casse supposée se produire. Les lignes bougent comme prévu juste après la publication de l’indice américain des prix à la consommation, qui montre que le ralentissement de cette dernière ne se fait pas au rythme espéré, même s’il perdure. Du coup tous les regards se tournent vers le rendement du 10 ans US, qui commence par décoller et passe d’un coup de 3,98% à 4,07% (rappelez-vous que de nombreux traders sont longs des options de couverture à partir de 4,10%, échéance ce soir 22h). Le niveau de 4,07% ne tient que quelques minutes, le marché tergiverse ensuite jusqu’à 20h30, puis se remet la tête à l’endroit et renvoie le 10 ans à… 3,96% ce matin. Tout ça pour ça me direz-vous…Je note ceci dit que le spread 2 / 10 ans n’est plus inversé que de 30 points de base ce matin, on n’avait plus vu un tel resserrement depuis novembre et cela indique une détente généralisée dans le marché obligataire face aux craintes de récession. Notons aussi que l’indice MOVE (le grand-frère obligataire du VIX – volatilité du SPX), se détend aussi considérablement, il est de retour juste au-dessus des 100 points, en mars 2023, durant la crise de confiance envers les banques régionales américaines, saupoudrée d’un zeste de Credit Suisse, le MOVE était monté à presque 200 points.

Pas grand-chose à signaler sur le front des actions, les mastodontes de la tech sont partagés, on notera la faiblesse de Tesla (TSLA -2,87%) et aussi que Microsoft passe brièvement devant Apple en termes de capitalisation boursière, mais ne parvient pas à conserver sa pole position à la cloche. Cette deuxième semaine de trading de l’année s’annonce sous le sceau de la hausse, à moins d’une catastrophe aujourd’hui, ce qui permet aux taureaux de relever la tête et espérer un mois de janvier positif, on garde en tête l’adage boursier «As goes January, so goes the year». Bon… Si je vous cite cela, c’est qu’il n’y a vraiment pas grand-chose à dire sur le front des actions ce matin, notons tout de même que le VIX continue sa lente glissade, clôture à 12,44 et voit un support solide à 11,81. Le dollar est plutôt stable, la death cross du Dollar Index (DXY) s’est produite hier, la paire EUR/USD ne parvient pas à profiter de rapport sur l’inflation, elle traite ce matin à 1,0981, la configuration technique du billet vert semble bien fragile à court terme. L’or stagne à 2039 dollars par once, le pétrole tente un rebond, le baril de WTI Light Crude remonte à 73,92 dollars, les frappes américano-britanniques au Yemen n’y sont probablement pas étrangères.

Sur le front des taux de la Fed, la patronne de la Réserve Fédérale de Cleveland, Loretta Mester, écarte l’idée d’une baisse de taux en mars, indiquant que le travail contre l’inflation n’est pas terminé. Madame Mester est une faucon notoire, ses propos sont donc à relativiser, ce que le marché fait apparemment, les Fed Funds prévoient ce matin 70% de probabilités d’une première baisse de 25 points de base par la Fed le 20 mars, contre 62% il y quelques jours. Pour la réunion de mai on est à 100%.

Revenons à Wall Street et son talent manifeste de prestidigitatrice (je l’ai écrit du premier coup!). Pourquoi diantre le marché n’a-t-il pas baissé sur l’annonce? Tentative d’explication. 

Le département du travail indique hier que les prix à la consommation ont augmenté de 0,3% en décembre par rapport à novembre, ce qui représente une hausse de 3,4% par rapport à l'année précédente. Ce chiffre est à comparer à l'augmentation de 3,1% en novembre, d'une année sur l'autre. Toutefois, les prix de base, qui excluent les produits alimentaires et énergétiques souvent volatils afin de mieux saisir la tendance sous-jacente de l'inflation, ont augmenté de 3,9% par rapport à l'année précédente, c’est la première fois qu'ils progressent de moins de 4% depuis mai 2021. La tendance au ralentissement de dame inflation semble donc se poursuivre. L'une des raisons en est que la mesure des coûts du logement par le département du travail pour les propriétaires et les locataires est dérivée des loyers, mais qu'elle accuse un retard important par rapport à ce qui se passe avec les loyers des nouveaux baux signés. Or, on sait que les prix des nouveaux loyers ont récemment considérablement baissé, comme le montrent les données de fournisseurs privés tels que Zillow, ainsi que l'indice des loyers des nouveaux locataires que le ministère du travail a commencé à produire. 

Ce phénomène ne s'est pas encore pleinement manifesté dans la mesure des prix des logements du rapport sur l'inflation, qui a augmenté de 6,2% par rapport à l'année précédente en décembre, ce qui représente 2,1 points de pourcentage de l'augmentation de l'ensemble des prix. Elle se manifestera dans les mois à venir, ce que les responsables politiques de la Réserve fédérale savent et c’est probablement notamment pour cette raison qu'ils ont mis fin à leur campagne d'augmentation des taux et qu'ils envisagent à présent d'éventuelles réductions. Contrairement à ce que la lecture du CPI d’hier pourrait laisser penser, la Fed serait apparemment de plus en plus à l'aise avec l’idée de baisser ses taux. Le Wall Street Journal nous explique que l’une des raisons en est que l'inflation de ces dernières années n'a jamais été fortement ancrée dans le comportement des gens et que les attentes des Américains en matière d'inflation ont récemment commencé à diminuer. En début de semaine, la Banque fédérale de réserve de New York a indiqué que, parmi les consommateurs interrogés le mois dernier, la médiane des prévisions d'augmentation des prix au cours de l'année suivante s'élevait à 3%. Ce chiffre est inférieur au pic de 6,8% enregistré par l'enquête mensuelle en juin 2022 et n'est pas très éloigné de la moyenne.

Les prévisions d'inflation à plus long terme sont également en repli: l'enquête de la Fed de New York montre que les prévisions d'inflation pour les trois prochaines années s'établissaient à 2,6% le mois dernier, contre un pic de 4,2% en octobre 2021. Le résultat du mois dernier était légèrement inférieur à la moyenne pré-pandémique. Or, Jerome Powell et ses collègues s'intéressent aux anticipations d'inflation parce qu'ils pensent que ces attentes peuvent alimenter l'inflation réelle. Si les travailleurs pensent que l'inflation élevée est là pour durer, par exemple ils réclameront des augmentations de salaire supérieures aux hausses de prix qu'ils ont déjà subies. De même, les entreprises augmenteront leurs prix pour tenter d'éviter la compression des marges à laquelle elles s'attendent. C'est ainsi que l'inflation devient une prophétie auto-réalisatrice. Le WSJ conclut que si les Américains s'attendent à moins d'inflation, il devient plus raisonnable de s'attendre à ce que la Fed réduise ses taux. Voilà probablement pourquoi au final hier soir Wall Street s’en est fort bien sortie.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont lancé des frappes aériennes conjointes contre des cibles houthies au Yémen. Ils ont frappé des installations radar et des sites de stockage et de lancement de drones et de missiles, selon des responsables américains, dans le but d'affaiblir la capacité des Houthis à attaquer les navires en mer Rouge. Les Houthis ont déclaré qu'ils continueraient à cibler les navires israéliens ou ceux qui se dirigent vers Israël, selon la chaîne de télévision Al-Masirah. 

Les responsables de la BOJ devraient discuter de la réduction de leurs prévisions d'inflation et de croissance lorsqu'ils se réuniront ce mois-ci, selon l’agence Bloomberg. Ils envisagent d'abaisser leurs prévisions de prix à la consommation à environ 2,5% pour l'année.

Christine Lagarde avertit que le premier mandat de Donald Trump en tant que président soulève des inquiétudes quant à son retour potentiel au pouvoir en 2025. Ses politiques sur les tarifs commerciaux, l'engagement envers l'OTAN et la lutte contre le changement climatique «ne sont pas alignées sur les intérêts européens.» Par ailleurs, Mme Lagarde indique que la BCE commencera à abaisser ses taux une fois qu'elle sera convaincue que l'inflation se rapproche de son objectif de 2%.

La Commission européenne est prête à concéder certaines des exigences de la Hongrie afin d'obtenir un plan de soutien de 50 milliards d'euros pour l'Ukraine, selon le FT. Elle est prête à donner au premier ministre Viktor Orban l'occasion, en 2025, d'arrêter le financement à mi-parcours, afin de le persuader de renoncer à son veto.

Au menu macro-économique du jour, la France publie la seconde lecture de son inflation de décembre à 8h45, avant que les Etats-Unis ne dévoilent à 14h30 l'évolution de leurs prix à la production du mois dernier.

Airbus a livré 735 avions commerciaux en 2023, un record, pour 2094 commandes nettes. Partners Group enregistre une hausse de ses actifs sous gestion en 2023. La FAA lance une (nouvelle) enquête sur Boeing après les derniers événements sur le B737MAX 9. Microsoft dépasse la capitalisation d'Apple en séance, une première depuis 2021. Apple qui va proposer la candidature de Wanda Austin pour son conseil d'administration, alors que Al Gore et James Bell prennent leur retraite. Tesla Berlin interrompt la majeure partie de sa production pendant deux semaines en raison des perturbations en mer Rouge. Par ailleurs, le groupe baisse les prix de certaines nouvelles voitures Model 3 et Model Y en Chine. Novartis renonce à racheter Cytokinetics, selon le WSJ. Hertz va vendre un tiers de ses véhicules électriques, demande insuffisante. L'antitrust français impose 19,6 milliards d’euros d'amendes dans l'affaire du cartel français du bisphénol A, à plusieurs entreprises dont Unilever, Andros et General Mills.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo ne s’arrête plus et progresse de 1,5% à la cloche, Hong Kong recule de 0,35%, Shanghai perd 0,16%, Séoul abandonne 0,60% tandis que le Nifty50 progresse de 1,1%. Le future SPX rend 4 points et l’Europe ouvre en hausse de 0,8%. 

Aujourd’hui débute la saison des résultats de sociétés au quatrième trimestre. On commence avec notamment Citi, Wells Fargo, JP Morgan, Bank of America, United Health, Blackrock et Delta. 

A lire aussi...