Une réduction drastique dès le début de l’investissement

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

En appliquant un premier filtre ESG, l’univers d’investissement est réduit des deux tiers par rapport à l’indice initial, souligne Alexandre Blein de CPR AM.

A l’instar d’autres secteurs de la finance, les aspects liés à la durabilité gagnent constamment en importance aussi dans le domaine des investissements thématiques. Comment concilier les deux aspects? Le point avec Alexandre Blein, gérant en actions thématiques chez CPR Asset Management (CPR AM), une société affiliée à Amundi Asset Management. CPR AM, qui gère quelque 50 milliards d’euros d’actifs et emploie 110 personnes, est le centre d’expertise pour l’investissement thématique au niveau mondial au sein du groupe.

Les fonds thématiques s’intéressent généralement aux «megatrends» qui s’orientent en fonction de tendances très larges. L’investissement d’impact peut-il aussi être considéré comme une forme d’investissement thématique – ou est-ce une approche beaucoup plus spécifique?

Au sein de chaque «megatrend», il y a toujours différents sous-thèmes qui peuvent être abordés d’une manière plus spécifique par les gérants. Il en va de même pour l’investissement d’impact. Par exemple, notre fonds consacré à l’action climatique se concentrera sur la thématique de la décarbonisation de l’économie. Un fonds axé sur l’éducation mettra, lui, l’accent sur d’autres critères. Ainsi, pour chaque sous-thème lié à l’investissement d’impact, on utilise d’autres critères de mesures, ou «metrics» en anglais, qui permettent d’évaluer l’impact de ces investissements en termes de durabilité sociale ou environnementale.

«On passe d’environ 2’800 titres
à moins de 700 dès la première étape.»
N’y a-t-il pas un risque de dévier du thème initial au fil des mois et des années?

En ce qui nous concerne, nous accordons beaucoup d’importance à la pureté du thème. Si on consacre un fonds à l’éducation, par exemple, toutes les positions incluses dans le fonds doivent avoir un rapport avec cette thématique.

Comment définissez-vous l’univers de départ des sociétés pouvant entrer dans la composition de votre portefeuille?

Dès le départ, notre univers d’investissement est réduit à hauteur des deux tiers par rapport à l’ensemble de l’indice MSCI All Countries. On passe ainsi d’environ 2’800 titres à moins de 700 dès la première étape, en appliquant un premier filtre qui tient compte notamment des critères ESG, des ratings fournis par l’organisation non-gouvernementale CDP avec qui nous avons conclu un partenariat, ainsi que des notations se rapportant à des controverses pouvant affecter certaines sociétés. CDP est une référence en matière de collecte de données environnementales auprès des entreprises et travaille en partenariat avec différentes organisations. Celles-ci incluent les grandes agences de notation, Sustainalytics ainsi que des sociétés d’analyse plus spécialisées comme South Pole, RepuTex ou Oekom Research. Il s’agit donc d’une réduction drastique dès le début du processus d’investissement. De notre côté, nous sélectionnons les titres qui entrent dans notre portefeuille en fonction de l’analyse fondamentale. Au final, nous investissons dans des entreprises qui peuvent être actives dans des secteurs très différents. C’est le cas par exemple de TJX, un distributeur d’articles de modes à prix discount qui a entrepris d’importants efforts en matière de réduction de la consommation d’électricité et d’émissions de CO2 lors des transports. Nous investissons aussi dans AT&T, une société qui a beaucoup investi dans les réseaux intelligents aux Etats-Unis et dans l’Internet des objets, une technologie qui permet à de nombreuses sociétés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

«Dans la phase de correction des marchés en février,
le fonds Climate Action a fait mieux que l’indice de référence.»
Qui dit investissements durables, dit aussi besoin de s’accorder sur leur définition. Que pensez-vous des efforts d’harmonisation entrepris par l’Union européenne à ce sujet?

Ces efforts vont dans le bon sens. L’UE travaille avec les acteurs de la place et tente de trouver un dénominateur commun pour définir ce qu’est l’investissement durable. Il y a en effet plein de manières différentes de concevoir la durabilité, compte tenu de la multitude de labels et d’organisations qui ont des approches très différentes en la matière. Le non-spécialiste a besoin de pouvoir s’appuyer sur une «taxonomie» commune.

Après des phases de fortes corrections sur les marchés, comme cela a été le cas fin février, les investisseurs restent-ils sensibles aux aspects liés à la durabilité ou s’inquiètent-ils avant tout de l’évolution de la valeur de leurs placements?

Il est bien évident que les investisseurs s’inquiètent de l’évolution de leur patrimoine, qu’il soit investi de manière responsable ou non. Dans la phase de correction des marchés en février, le fonds Climate Action a fait mieux que l’indice de référence, mais les performances passées ne préjugent pas de celles à venir.