Une nouvelle génération à la Banque Eric Sturdza

Nicolette de Joncaire

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Le fondateur ne se retire pas mais la transmission doit se préparer à l’avance. Entretien avec Eric, Michaela, Constantin et Christine Sturdza.

Michaela Zanello Sturdza, Eric Sturdza et Constantin Sturdza - ©Nicolas Schopfer

Michaela Zanello Sturdza assure le développement stratégique et les ressources humaines du Groupe Eric Sturdza, Constantin Sturdza cogère avec son père Eric le Sturdza Family Fund et Christine Sturdza dirige la communication et le sponsoring de la banque. «J’ai découvert que mes enfants avaient envie de travailler avec moi et en étaient extrêmement capables» explique Eric Sturdza. La banque est dans les mains de la famille Sturdza et le restera. Entretien à plusieurs voix. 

Comment envisagez-vous l’avenir de votre groupe?

Eric Sturdza: Au risque de me répéter, j’estime qu’une banque doit garder une taille humaine pour bien servir ses clients. Vous le savez, en d’autres temps, j’avais choisi de créer une deuxième banque plutôt que de faire grandir la mienne. C’est à une valeur vieillotte, l’honnêteté, que je suis profondément attaché et l’intégrité d’une structure est souvent compromise par sa taille. Nous entendons donc préserver une organisation de taille modeste, fondée sur des valeurs familiales, mais riche en expertises diversifiées sur quatre lignes de métier: la banque privée, l’asset management, le wealth management et le family office. Mes clients me demandent parfois «quand vas-tu passer la main?». Tant que j’en ai la capacité, je continuerai à me dédier à l’investissement mais, sans le leur avoir jamais demandé, j’ai découvert que mes enfants avaient envie de travailler avec moi et en étaient extrêmement capables, chacun dans son domaine. Parfois, on essaie d’imposer des dirigeants qui n’en ont pas le potentiel. Ici, ce sont mes collègues et mes collaborateurs qui m’ont suggéré de promouvoir Michaela au sein de la Direction Générale afin de mettre en place une transition générationnelle accompagnée dans le temps. Plutôt que n’être réduit à une simple présence au conseil d’administration en tant qu’héritiers, ils reprendront le flambeau avec l’assistance de tous les talents nécessaires. Au fond, ce n’est guère étonnant, Baring Brothers dont j’avais repris l’activité en Suisse, était aussi une banque familiale. 

«En matière de diversité des expertises,
je ferai appel aux principes que mon père a appliqués à la gestion d’actifs.»
Vous assumez aujourd’hui le développement stratégique du groupe Sturdza, tout en continuant à diriger Corraterie Gestion. Comment concevez-vous votre mission?

Michaela Zanello Sturdza: Nous appartenons nous-même à une famille qui gère un patrimoine et sommes donc très à l’écoute des familles qui doivent gérer le leur. Nos clients nous demandent souvent «et vous, comment faites-vous?». Notre réponse est de montrer comment nous nous y prenons et de quelle manière nous investissons, en leur proposant de nous suivre s’ils y croient. En matière de diversité des expertises, je ferai appel aux principes que mon père a appliqués à la gestion d’actifs: identifier les meilleurs, les plus compétents, et m’appuyer sur leur expérience. C’est exactement ce que nous avons fait l’an dernier pour les services aux family offices en nous associant avec Jean-Pierre Lagane en qui nous avons trouvé une parfaite adéquation. La mise en place d’un réseau d’expertises, internes ou externes, pour répondre aux multiples demandes – achats ou ventes d’activités, transmission générationnelle, investissements immobiliers, règlementation fiscale – permet de capturer toute l’intelligence nécessaire sans nécessairement alourdir la structure. Nous chercherons à offrir des solutions à 360˚, un service global à un prix convenu. Un family office est un incroyable outil de fidélisation car il accompagne la première, la seconde et la troisième génération d’une même famille dans toutes les questions de leurs vies. 

De par son nom, le Sturdza Family Fund que vous cogérez avec votre père est aussi un symbole fort. 

Constantin Sturdza: Ce fond reflète à la fois nos valeurs familiales dans l’investissement et les principes d’appel aux meilleures expertises évoqués plus haut par ma sœur. En premier lieu, il entend livrer une appréciation à long terme du capital par le biais d’une gestion active des actions internationales (de 51 à 80% du capital investi) et des instruments de taux (de 20 à 49%). Il cible des sociétés qui: (1) ont connu une croissance moyenne supérieure à celle du marché, (2) sont jugées capables de maintenir cette croissance supérieure, et (3) se traitent à des niveaux attrayants. La portion taux vise à réduire la volatilité en temps d’incertitude car les investisseurs n’aiment pas l’incertitude et tendent à vouloir sortir au bas des marchés alors que, typiquement, mieux vaut rester investi et attendre que passe la tourmente. Par ailleurs, fidèle aux principes d’expertises multiples, la gestion du fonds s’appuie sur des expériences très diversifiées donc celle de mon père et la mienne, assistée de David Haynal pour l’equity, celle d’Eric Vanraes, assisté de Pascal Perrone, pour les obligations et enfin, au cœur du dispositif, on retrouve mon père, moi-même et Marc Craquelin sur l’allocation d’actifs. 

«Parmi les nombreuses leçons du sport, le dépassement de soi
est un point crucial pour ceux qui cherchent à avoir des résultats.»
Vous êtes tous des sportifs, de haut niveau dans certains cas. Quelles leçons tirez-vous de votre passion pour le sport?

Christine Sturdza: C’est notre père qui nous a transmis cette passion avec le but précis de nous apprendre à mener des vies complètes, saines et constructives. Par exemple, parmi les nombreuses leçons du sport (à tout niveau d’ailleurs) le dépassement de soi est un point crucial pour ceux qui cherchent à avoir des résultats. Et c’est avec ce genre d’état d’esprit et d’alignements que l’on peut mener des vies saines et complètes au sens large.

Comment fonctionne la dynamique au sein de la famille?

Eric Sturdza: notre entente est exceptionnelle et nous fonctionnons dans la concertation avec un grand respect mutuel.
Constantin Sturdza: nous avons eu une chance incroyable. Les opportunités que nous offre notre situation exigent de notre part de savoir perpétuer ce qui existe.
Michaela Zanello Sturdza: il n’est pas facile d’être «fils ou fille de». Les enfants sont souvent sous-estimés et doivent savoir mériter leur place.

Le mot de la fin?

Eric Sturdza: Ce qui ruine les familles ce sont les méchants. Il n’y en a pas chez nous.

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