Route de la Soie, une tradition d’échanges unique au monde

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

La microfinance au service des PME en Europe de l’Est et en Asie Centrale. Avec Vincenzo Trani de Mikro Kapital.

Dans les pays de l’Est de l’Europe et d’Asie Centrale, les progrès sont souvent freinés par la faiblesse des investissements. Hors des prêts massifs consentis par le gouvernement chinois pour dynamiser la Route de la Soie, la microfinance reste le mode de financement le plus efficace pour doper le tissu économique dans des régions où l’exclusion bancaire reste la règle. Au-delà des retombées bénéfiques sur le plan social, la microfinance permet aussi de contribuer à diminuer l’empreinte carbone d’une agriculture bien souvent archaïque et de ce fait à forte émission de CO2. Lors de la quatorzième édition du Geneva Forum for Sustainable Investment (GFSI) du 14 septembre à Genève, Allnews a rencontré Vincenzo Trani, président de Mikro Kapital.

Compte tenu de votre focus sur l’Europe de l’Est, les deux dernières années n’ont pas dû être faciles. Pouvez-vous nous en dire plus?

Effectivement, ce ne furent pas des années simples. Nous étions plutôt contents des résultats de l’année 2020-2021, malgré la pandémie, et espérions qu’après le Covid, les choses redeviendraient plus fluides. Mais en raison de la guerre en Ukraine, ce ne fut pas le cas. Nous avons dû cesser tout investissement en Russie et Biélorussie et séparer nos deux fonds titrisés, Mikro Fund qui investit dans ces pays et Alternative qui investit dans les autres.

«Nous avons ouvert des activités au Kirghizstan, pays proche de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan où nous étions déjà présents.»
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’étaient ces deux fonds?

Il s’agissait de deux fonds luxembourgeois dont les sous-jacents sont des prêts de microfinance, titrisés en obligations. Le fonds Alternative est tourné vers 11 pays dont ceux de la CEI (Roumanie, Moldavie, Arménie) et les pays émergents d'Asie orientale, comme l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan ou désormais le Kirghizstan. Il concerne 194'000 prêts.

Avez-vous abordé de nouveaux territoires au cours de ces deux ans?

Nous avons ouvert des activités au Kirghizstan, pays proche de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan où nous étions déjà présents. Le Kirghizstan est proche de la Chine mais entretient d’excellentes relations avec l’Union européenne. L’équilibre difficile entre population croissante, pauvreté et insuffisance des emplois nous a amené à ouvrir une société de micro-leasing axée sur l’équipement agricole et le financement des petites boutiques. Nous avons également mené un développement important en acquérant une part majoritaire de la plus importante des institutions de microcrédit au Tadjikistan, Imon, de concert avec la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD). Imon fournit des services financiers à plus de 100'000 consommateurs et petites entreprises dans le pays dont 60% de femmes. L’inclusion sociale est l’un de nos chevaux de bataille.

En quoi les pays de la «Route de la Soie» sont-ils plus intéressants que d’autres si l’on exclut les investissements chinois proprement dits?

Il y existe dans cette région une tradition d’échanges et d’entreprenariat pratiquement unique au monde. Cette tradition a été paralysée par la mainmise de l’URSS pendant plus de 70 ans mais aujourd’hui, trente après sa chute, une nouvelle génération d’entrepreneurs est née, débordante de dynamisme. N’oubliez pas que nous ne prêtons qu’à des entrepreneurs, sur la base de cash-flows vérifiés. Nos agents locaux vérifient sur place les carnets de commande, les journaux de transactions et la tenue des stocks avant de donner le feu vert. Le processus est certes couteux mais nous avons moins de 1% de défauts. De toutes façons, s’il nous faut être profitable pour continuer à attirer les investisseurs, un impact social élevé est notre objectif prioritaire.

Quels rendements atteignez-vous?

Nos coupons sont de l’ordre de 8 à12,5% pour des micro-prêts consentis à des taux d’environ 20% en devise locale, très inférieurs à ce qui est pratiqué dans ces régions où le taux de prêts au consommateur atteint souvent 60%.

«Chaque année notre engagement en matière d'impact social et les principes selon lesquels nous opérons sont certifiés par l'OPIM et un évaluateur externe.»
Mesurez-vous votre impact social?

Oui, chaque année notre engagement en matière d'impact social et les principes selon lesquels nous opérons sont certifiés par l'OPIM et un évaluateur externe. De plus, nous publions un rapport ESG. En dehors de l’impact social dû à notre activité elle-même (prêts aux microentreprises dont une majorité de femmes), nous générons également un impact environnemental positif car nos leasings permettent à nos emprunteurs d’acquérir des équipements plus modernes et moins préjudiciables en termes d’émissions carbone. En vue du type de population à laquelle nous nous adressons, nous offrons également du leasing sur des équipements de deuxième main. Cela permet la modernisation mais pas nécessairement vers les modèles les plus récents.

Vos emprunteurs doivent-ils offrir des garanties?

Tous les prêts que nous consentons sont garantis; par de l’équipement, par de la marchandise ou par de l’immobilier. Nous prenons souvent plusieurs types de garantie simultanément pour diversifier le risque.

Que se passe-t-il en cas de non remboursement?

Bien souvent, nous ne saisissons pas les garanties mais demandons à l’emprunteur de vendre lui-même les biens en garantie pour nous rembourser. S’il fait un profit sur la vente, il peut le garder afin de relancer son affaire. Ce genre de situation s’est produit bien des fois pendant la période de la pandémie. Cela évite d’asphyxier les petites entreprises et contribue à maintenir le taux de défaut en-dessous de 1%.

Constatez-vous un ralentissement de L’initiative chinoise Belt & Road comme on l’entend parfois?

Pas le moins du monde. Elle ne nous concerne pas directement car elle cible des projets gigantesques financés par l’Etat chinois mais nous en ressentons les effets secondaires. Raison pour laquelle nous avons ouvert un bureau à Hong-Kong.

Vos activités sont-elles affectées par la déglobalisation?

Non. Nos projets sont – et ont toujours été – très locaux. Aucune des entreprises que nous finançons n’exporte vers les marchés internationaux.

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