Prendre en compte toutes les externalités

Yves Hulmann

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Selon Peter Michaelis de Liontrust, il est essentiel d’intégrer la dimension de durabilité dans toutes les activités et tous les secteurs.

L’investissement durable ne concerne pas que l’environnement ou la production d’énergie. C’est une approche qui s’applique à une multitude de secteurs d’activité, de la santé à la finance en passant par la IT, rappelle Peter Michaelis, directeur de l’équipe investissement durable auprès du gérant d’actifs britannique Liontrust. Il s’exprimait en marge d’une conférence virtuelle sur l’investissement durable organisée par Liontrust. L’événement a été suivi en ligne mercredi par plus de 700 participants.

Au cours de la conférence consacrée à l’investissement durable de Liontrust de mercredi, les intervenants ont abordé de nombreux sujets comme le changement climatique, l’évolution des espèces, l’efficience énergétique ou les inégalités sociales. Lequel de ces thèmes constitue selon vous actuellement le plus grand défi en matière d’investissement durable?

Une des spécificités de l’investissement durable est justement que vous avez besoin d’avoir une approche globale abordant les problèmes à tous les niveaux. Vous ne pouvez, par exemple, pas traiter uniquement l’aspect des émissions carbones et ignorer complètement d’autres aspects comme les inégalités sociales. Le but est de trouver des solutions qui tiennent compte de toutes les externalités environnementales et sociales. Cela étant dit, je pense tout de même que les thèmes du changement climatique et des émissions de gaz à effet de serre jouent un rôle clé, dans la mesure où elles font le lien entre plusieurs autres problèmes qui s’y rapportent. En effet, les émissions de carbone ont un lien avec l’agriculture intensive, qui est elle-même une des causes de la déforestation qui, à son tour, est responsable de la perte de diversité des espèces animales et végétales. Comme on le voit, toutes ces thématiques sont extrêmement interconnectées.

Votre processus d’investissement durable est organisé autour de 20 thèmes différents. Y a-t-il une hiérarchie entre ces différentes thématiques?

Non, nous n’établissons pas par rapport à notre processus d’investissement de hiérarchie entre ces différentes thématiques. Notre objectif est plutôt de diversifier au mieux notre portefeuille en sélectionnant chaque fois les titres qui correspondent le mieux à chacun de ces thèmes.

«A Los Angeles, un bâtiment consomme, en moyenne,
jusqu’à quatre fois plus d’énergie qu’à Copenhague.»
S’agissant de l’efficience énergétique, l’utilisation non optimale d’énergie au sein des infrastructures est un sujet qui a été largement évoqué mercredi. Comment expliquez-vous que ce sujet suscite moins de débats auprès du grand public que d’autres comme l’aviation ou la pollution automobile par exemple?

La consommation énergétique des bâtiments est effectivement un problème majeur et souvent sous-estimée. Certaines infrastructures consomment jusqu’à cinq fois plus que d’autres pour fournir la même prestation. En incluant le chauffage, l’éclairage et aussi les systèmes de refroidissement ou de climatisation, la consommation énergétique des bâtiments peut facilement représenter entre 20 et 30% du total de la consommation énergétique en fonction des villes et des pays. C’est aussi un aspect crucial dans de nombreux pays émergents et industrialisés compte tenu de la demande croissante pour des systèmes de climatisation. Les écarts sont considérables même entre différents pays industrialisés: à Los Angeles, un bâtiment consomme, en moyenne, jusqu’à quatre fois plus d’énergie qu’à Copenhague pour obtenir une même qualité de vie, voire qui est supérieure dans la capitale danoise.

Heureusement, il y a de nombreuses entreprises qui travaillent sur des solutions ou des produits permettant de réduire cette consommation. C’est le cas par exemple du groupe Kingspan, une société irlandaise de matériaux de construction qui permettent d’améliorer l’isolation des bâtiments.

Fournir des produits qui améliorent l’efficience énergétique se traduit-il aussi par une meilleure rentabilité?

L’exemple de Kingspan est très intéressant à ce sujet. Si cette société n’avait fabriqué que des briques classiques, ses résultats et activités auraient évolué en suivant la conjoncture du secteur du bâtiment. Or, justement, on a pu observer sur la durée que Kingspan a vu son chiffre d’affaires annuel croître davantage que les autres entreprises du même secteur d’activité. Non seulement, elle a contribué à améliorer l’efficience énergétique de nombreux bâtiments mais elle a aussi été capable de générer des rendements plus élevés pour ses actionnaires sur la durée. On peut aussi citer l’exemple de la société Autodesk qui permet d’améliorer l’efficience des processus dans la construction.

«Paypal contribue à une forme de stabilité dans le secteur financier.»
Outre les aspects liés à l’énergie, vos principaux fonds investissent aussi dans les domaines de la santé et même de la finance. Pourquoi ces secteurs sont-ils aussi intéressant du point de vue de l’investissement durable?

S’agissant du domaine de la santé, ce secteur va connaître une révolution au cours des prochaines années car les gouvernements ne pourront pas continuellement augmenter les dépenses consacrées à la santé. Le diagnostic ou la robotique sont des techniques qui gagneront en importance dans le secteur de la santé.

Et qu’en est-il du secteur financier?

Ici aussi, l’idée de contribuer à une société plus résiliente sur le plan financier également. C’est pourquoi Paypal figure parmi les principales positions figurant dans nos fonds. PayPal fournit non seulement des services de paiement mais elle permet d’établir un lien de confiance entre acheteurs et vendeurs. Un site de e-commerce peu sérieux ne gardera pas longtemps le logo Paypal sur son site. C’est pourquoi cette société contribue à une forme de stabilité dans le secteur financier.

Compte tenu de l’intérêt grandissant pour les placements durables, y a-t-il un risque que certains secteurs ou entreprises conformes aux critères ESG deviennent surachetés?

C’est une question intéressante car, lorsque nous avons commencé à investir de cette manière il y a près de vingt ans, personne ne s’est vraiment intéressé à ces thématiques pendant près d’une décennie. Et maintenant tout le monde veut investir en tenant compte des aspects ESG. Je pense que c’est positif, car cela signifie que la sensibilité des investisseurs pour ces questions a vraiment changé. De notre côté, cela signifie aussi que nous devons faire davantage attention à ce que nous achetons - et à quel prix.