Sans une remise sur de bons rails de la politique de l’Administration Trump, la volatilité prédominera. Un accent accru mis sur des entreprises de grande qualité et peu vulnérables aux incertitudes du moment est indiqué, juge Remo Rosenau, directeur de la recherche de Helvetische Bank.
Comment jugez-vous la situation actuelle des marchés des actions et suisse en particulier?
La politique menée par l’Administration Trump est erratique et nuit à la confiance des milieux d’affaires et des marchés financiers. L’introduction éventuelle de droits de douane substantiels est susceptible de provoquer une récession. De plus, les Etats-Unis doivent refinancer en 2025 pour environ 7000 milliards de dollars d’emprunts obligataires. Un tel environnement incite à la prudence. Certes, le marché suisse peut faire valoir un caratère plus défensif que ses homologues.
Quels sont les titres qui vous paraissent intéressants à cet égard?
Des modèles d’affaires plus défensifs et peu dépendants des exportations aux Etats-Unis sont actuellement à privilégier. Givaudan, le fabricant d’arômes et parfums, qui a une production locale et un pouvoir de fixation des prix, s’incrit dans cette lignée. De même qu’Aryzta, le fabricant de produits boulangers qui n’opère qu’en Europe et en Asie, ou Sika, leader mondial de la chimie de construction, qui produit partout localement, en particulier aux Etats-Unis.
Le consensus n’est-il pas trop optimiste au sujet d’Aryzta, dont l’action a gagné plus de 20% cette année?
Il est juste à notre avis. Aryzta, qui a enregistré une croissance organique de 1,6% de son chiffre d’affaires au premier trimestre 2025, affiche une performance solide. L’accent mis sur la croissance organique à travers l’extension des capacités de production et des produits innovants améliorera les marges d’Aryzta. Par ailleurs, ses coûts de financement baisseront encore cette année.
Aryzta se trouve désormais dans une phase de croissance stable après des temps difficiles et une phase de redressement. Cette entreprise est notre valeur favorite parmi les small caps du secteur alimentaire, avec un ratio EV/EBITDA (ndlr: valeur d’entreprise/excédent brut d’exploitation) d’environ 9x et un ratio EV/EBIT (ndlr: valeur d’entreprise/bénéfice d’exploitation) de l’ordre de 14x.
Que pensez-vous de Barry Callebaut, dont l’action a lourdement chuté?
Les dettes et surtout les coûts de financement ont augmenté encore plus fortement que ce qui était anticipé pour Barry Callebaut. Cela a eu pour effet une chute des bénéfices au dernier semestre et a surpris négativement le marché. Nous attendrions encore dans ce cas.
«Sika compte parmi nos favoris sur le marché suisse des actions.»
La valorisation boursière de Sika est-elle redevenue attractive?
Elle est redevenue intéressante à nos yeux, avec un P/E (ratio cours/bénéfice) 2026 d’environ de 22x; nous continuons de croire au potentiel de croissance à long terme de Sika et c’est pourquoi l’action compte parmi nos favoris sur le marché suisse des actions.
Sika a enregistré des ventes robustes au premier trimestre 2025, notamment avec la continuation de gains de parts de marché. Certes, les perspectives de croissance pour cette année, de 3% à 6%, ressortent quelque peu au-dessous de la moyenne visée à plus long terme en monnaies locales, de 6 à 9%; ce qui est compréhensible dans le contexte présent. La marge EBITDA devrait encore augmenter cette année.
Qu’en est-il de Givaudan?
Givaudan a très bien débuté l’année. Sa croissance s’est révélée forte au premier trimestre malgré une base de comparaison élevée. La dynamique de 2024 perdure. Les secteurs un peu plus cycliques comme la parfumerie de luxe et la beauté active continuent de bénéficier d’une demande très vigoureuse, alors que la demande d’affaires moins cycliques (environ 85% du chiffre d’affaires) reste à un solide niveau.
En outre, Givaudan est à peine touchée par des droits de douane, car cette entreprise produit pour la plus grande part localement et possède un pouvoir de fixation des prix considérable, ce qui s’est vérifié durant les années 2022/2023.
VAT Group, dont l’action a sensiblement baissé, est-elle redevenue une opportunité?
Les entrées de commandes au premier trimestre 2025 du leader mondial des soupapes à vide n’ont pas pu satisfaire les attentes. Cependant, dans une perspective de longs terme, nous voyons un potentiel significatif de revalorisation de l’action, compte tenu de perspectives fondamentales à moyen et long terme très prometteuses. Et ce en dépit des incertitudes causées à court terme par les discussions des droits douane qui auront des effets indirects sur VAT, ainsi que la baisse du dollar.
VAT parvient à générer des cash-flow records même en des temps plus difficiles et des rendements très hauts des capitaux investis, qui se situent toujours clairement au-dessus de 20%. Grâce à une structure de coûts très flexible, avec une part de sous-traitance de plus de 60%. Sans oublier l’excellence du management et la capacité à gagner des parts de marché.