Plusieurs entreprises apparaissent intéressantes, en raison d’une forte baisse du cours boursiers. D’autres demeurent des choix de long terme. Le point avec Remo Rosenau, directeur de la recherche de Helvetische Bank.
Quelle est la situation actuelle du marché suisse des actions?
Les banques centrales ont de nouveau viré vers une politique monétaire et fiscale plus souple, en raison du recul de l’inflation. C’est pourquoi beaucoup de marchés ont atteint un nouveau sommet en 2024. L’économie américaine demeure robuste; le climat de consommation s’est de nouveau amélioré au deuxième semestre 2024 et de nouvelles baisses des taux d’intérêt sont prévisibles en 2025, surtout dans la zone euro. Un tel mouvement devrait soutenir les marchés actions et offrir des opportunités.
D’un autre côté, l’appétence aux risque des investisseurs est de nouveau très élevée et l’ambiance confine à l’euphorie. Ce faisant, les valorisations des marchés ont atteint un niveau qui promet, pour ces prochaines années, une évolution plus modérée des cours boursiers. L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis crée des incertitudes quant à la mise en oeuvre de ses idées de politique économique et géopolitiques. Ces éléments pouraient causer une plus grande volatilité et présentent des risques.
Quelles sont les actions favorites de Helvetische Bank pour 2025?
Aryzta (agroalimentaire), Cembra Money Bank (crédits et financement), Dottikon (chimie fine), Forbo (revêtements de sol, bandes transporteuses), Geberit (technique sanitaire), Givaudan (parfums et arômes), Holcim (matériaux de construction), Metall Zug (groupe d’entreprises industrielles), Schindler (ascenseurs), SGS (test, inspection et certification), Sika (chimie de construction), SIG (solutions d’emballage), Straumann (implants dentaires) et VAT (soupapes sous vide), dans l’ordre alphabétique.
Les fabricants de produits alimentaires ont sous-performé le marché boursier; c’est pourquoi la valorisation de ce secteur défensif est à présent attractive.
Votre portefeuille d’actions suisses est-il resté stable?
Nous avons naturellement effectué des redéploiements tactiques durant l’année écoulée. Cependant, et cela étaie le choix susmentionné de titres, nous accordons notre préférence fondamentale à des entreprises qui sont leaders sur des marchés en croissance, possèdent un pouvoir de fixation des prix, dégagent un rendement élevé des capitaux employés (ROCE) et disposent d’un bon management. Cela n’a pas changé.
Plusieurs valeurs cycliques comme Bystronic, Schweiter Technologies, Forbo Adecco Group ou Swatch Group ont vu leurs cours boursier lourdement chuter en 2024. Cela offre-t-il des opportunités d’achat?
Nous disons oui s’agissant de Schweiter (matériaux composites), Bystronic (découpe laser, pliage, automatisation) et Forbo. Schweiter met désormais l’accent stratégique sur sa structure de coûts et la croissance organique; Bystronic a un nouveau management, qui change stratégiquement toute l’organisation et diminue la base de coûts. En ce qui concerne Forbo, le marché a simplement jeté l’éponge. Entretemps, l’action est devenue extrêmement bon marché.
En revanche, le modèle d’affaires à long terme d’Adecco (ressources humaines), ne nous plaît pas fondamentalement. De même, nous nous tenons à l’écart de Swatch Group et favorisons Richemont dans le secteur du luxe.
Le secteur de la consommation a également souffert. Est-ce le moment d’acheter des actions de Nestlé, Barry Callebaut ou Emmi? Quid d’Orior?
En fait, les fabricants de produits alimentaires ont sous-performé le marché boursier; c’est pourquoi la valorisation de ce secteur défensif est à présent attractive. Nos favoris y sont Aryzta et, avec un regard au-delà de 2025, Nestlé également. Barry Callebaut et Lindt & Sprüngli souffrent des cours volatils et records du cacao. Emmi, Orior et Bell Food Group exploitent plutôt des modèles d’affaires gourmands en capital, ce que nous goûtons peu.
Quel est votre avis concernant des cas particuliers comme ams Osram ou Stadler Rail qui ont fait couler beaucoup d’encre?
Nous nous tiendrions à l’écart d’ams Osram (solutions high-tech optiques) malgré la chute extrême du cours de l’action. Car trop de vaisselle a été cassée en quelque sorte. Et aucune prévision n’a encore été tenue.
Stadler (véhicules ferroviaires), pour sa part, est sans aucun doute bien gérée et effectue aussi un bon travail sur le plan opérationnel. Toutefois, cette entreprise opère dans une industrie très exigeante. En effet, il s’agit d’affaires de projet avec un cycle très long, dans lequel une durée de plus de cinq ans peut s’écouler entre l’attribution de la commande et la livraison de celle-ci. Or personne ne peut calculer cela avec fiabilité. Un mauvais projet peut ainsi détruire le bénéfice de cinq bons projets. En général, nous n’investissons pas dans de tels modèles d’affaires.
Des entreprises à fort avantage compétitif («strong franchise») comme Geberit, Belimo, Lindt & Sprüngli, VAT ou Schindler ne semblent plus bon marché. Est-ce vraiment le cas?
Ces actions ont rarement été «avantageuses» lors des 20 dernières années. La valorisation est cependant fonction de la croissance attendue, du rendement des capitaux investis (ROCE), lequel doit dépasser le coût du capital (WACC), du pouvoir de fixation des prix, de la qualité du modèle d’affaires et de celle du management. Or toutes ces sociétés satisfont pleinement ces critères. Aussi sont-elles plus chères que la moyenne.
En ce moment, Belimo (technique du bâtiment) est certes allée très loin. Car ce titre n’a jamais été aussi cher. Dans la même catégorie, c’est-à-dire des actions de grande qualité et au-dessus de la moyenne figurent également Ems-Chemie (spécialités chimiques), Givaudan, Interroll (logistique), Lonza (chimie fine), Sika, Sonova (aides et implants auditifs) et Straumann.