Le pic du chômage sera atteint durant le premier semestre de 2021

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Oliver Adler, chef économiste de Credit Suisse, anticipe une reprise modérée de l’économie helvétique l’an prochain.

Le pire sera évité cette année mais la reprise ne sera pas spectaculaire en 2021. C’est dans les grandes lignes le tableau brossé par Credit Suisse qui a présenté mercredi le «Moniteur Suisse» pour le troisième trimestre. Le point avec Oliver Adler, chef économiste chez Credit Suisse.

Pour l’année en cours, Credit Suisse se montre relativement optimiste, anticipant un recul du produit intérieur brut (PIB) helvétique limité à 4% en 2020. Pour 2021, vous prévoyez un rebond de la croissance de 3,5% dans le contexte d’une reprise en forme de «V oblique». Qu’est-ce qui vous incite à la prudence pour l’an prochain?

D’une part, il y a une raison presque mathématique à ce pronostic pour 2021. Si l’économie suisse chute moins fortement cette année que dans d’autres pays, le rebond sera logiquement lui aussi un peu moins prononcé qu’ailleurs l’an prochain. D’autre part, cette prudence s’explique aussi par le fait que nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire du Covid-19. Le virus est encore là et il ne partira pas si vite ! Même si un vaccin efficace est trouvé, il ne sera pas disponible immédiatement partout. Cela se traduira notamment par une mobilité restreinte. De plus, un certain climat d’incertitude général demeure aussi - notamment en ce qui concerne le marché du travail. Nous tablons sur une hausse du chômage et n’anticipons pratiquement aucune hausse de salaires.

Enfin, certaines questions restent ouvertes concernant la poursuite des mesures de soutien étatiques au cours des prochains mois. Tous ces éléments font que l’on peut s’attendre à une évolution timide de l’économie l’an prochain.

S’agissant du climat de consommation, vous constatez une divergence entre, d’un côté, l’évolution des dépenses courantes, qui ont rapidement rebondi après la fin du confinement, et, de l’autre, les achats plus conséquents qui, eux, n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant la crise. Faut-il s’attendre à ce que les gens repoussent leurs achats importants à 2022 ou au-delà?

On observe effectivement une certaine prudence des consommateurs concernant les achats importants. Certes, la plupart des travailleurs ne vont pas perdre leur emploi l’an prochain. Malgré tout, le climat d’incertitude qui persiste autour de la crise du coronavirus amène beaucoup de ménages à repousser à plus tard certaines dépenses importantes.

«Les entreprises restent hésitantes à embaucher
et elles le resteront certainement encore l’an prochain.»
Concernant l’emploi, Credit Suisse anticipe un taux de chômage qui passera de 3,2% en 2020 à 3,9% en moyenne en 2021 - et qui pourrait franchir le seuil des 4% en cours d’année prochaine. Quand le pic du taux de chômage sera-t-il atteint?

Côté négatif, on voit que beaucoup d’entreprises hésitent à embaucher du personnel. Côté positif, on observe qu’il y a beaucoup de créations d’entreprises. Dans l’ensemble, je ne suis pas trop pessimiste pour l’an prochain. Le pic du taux de chômage en Suisse devrait être atteint environ en milieu d’année prochaine.

Pour évoquer un sujet en rapport avec les prochaines votations, Credit Suisse s’attend à ce que le solde migratoire recule à environ 45'000 personnes en 2021, contre quelque 50'000 personnes estimées pour 2020, soit les plus bas niveaux observés depuis 2007. Quels sont les principaux facteurs à la base de ce pronostic?

Si l’on considère les principaux pays d’origine des personnes qui immigrent dans notre pays, on voit que l’Allemagne a, jusqu’à présent, plutôt bien surmonté la crise du Covid-19, ce qui devrait limiter l’attrait pour les Allemandes et Allemands de venir travailler en Suisse. Le Portugal a aussi relativement bien traversé la crise jusqu’ici. En revanche, la pression sera certainement plus forte du côté de l’Italie pour chercher un emploi en Suisse. C’est donc un tableau d’ensemble contrasté.

Maintenant, il faut aussi considérer la question du côté de la demande: ici aussi, les entreprises restent hésitantes à embaucher et elles le resteront certainement encore l’an prochain, ce qui freiner le recrutement de personnes provenant de l’UE. Dans l’ensemble, la situation actuelle n’est absolument pas comparable avec celle qui prévalait dans les années qui ont suivi la crise financière, où l’on avait vu affluer jusqu’à plus de 80'000 personnes par an en Suisse. On avait alors une combinaison entre, d’un côté, une nette reprise de l’économie helvétique contrastant avec une crise dans la zone euro de l’autre. Actuellement, l’évolution conjoncturelle en Suisse et en Europe est bien plus similaire.

Contrairement au début de la dernière décennie, c’est surtout le dollar qui a perdu de la valeur par rapport au franc récemment. Quel sera l’effet de l’appréciation du franc par rapport au dollar pour les entreprises suisses exportatrices?

Les exportations vers les Etats-Unis sont fortement dominées par l’industrie pharmaceutique. C’est un secteur qui est ainsi moins affecté par les variations des taux de change que ce n’est le cas pour l’industrie des machines, par exemple. L’appréciation du franc par rapport à l’euro avait fortement affecté les marges de nombreuses PME, jusqu’à mettre leur existence en danger. La dépréciation du dollar par rapport au franc et à d’autres monnaies observée ces derniers mois est plus graduelle et elle n’entraînera pas les mêmes problèmes que cela a été le cas avec l’euro.

A lire aussi...