La fidélisation décentralisée

Stéphane Gachet

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Qiibee n’est encore qu’une start-up, mais les ambitions sont élevées. Notamment dans le luxe et l’horlogerie. Le point avec le CEO Gabriele Giancola.

Qiibee présente le profil parfait de l’IT 4.0, le business plan caparaçonné de tout le wording du moment: écosystème, loyalty market, blockchain, cryptomonnaie. La société dont le nom est inspiré de l’abeille, bee, (le «Qii» n’est là que pour la consonance) a été créé en 2016 par Gabriele Giancola (CEO, 34 ans) et son frère Gianluca, avec siège à Zoug et une équipe décentralisée de 12 collaborateurs. 

Le financement est pour l’instant très suisse (business angels et venture capital), une seconde levée de fonds en passe d’être bouclée devrait marquer l’entrée d’investisseurs plus globaux – à suivre – et accélérer l’expansion, en particulier dans le secteur du luxe, en commençant plus spécifiquement par l’horlogerie.

La start-up entame sa seconde phase stratégique. Qiibee a commencé par développer des programmes de fidélisation spécifiques, pour les CFF, Burger King ou Zalando. L’objectif est maintenant de monter à l’échelon supérieur et de créer un écosystème complet, avec app et cryptomonnaie.

«Notre idée est de connecter les programmes de fidélisation
dans un écosystème où le client serait libre de circuler et d’échanger.»
Gabriele Giancola, commençons par une définition: qu’est-ce que le loyalty market?

Je le formulerais ainsi: c’est une manière de renforcer la valeur d’une relation entre un client et un fournisseur en récompensant certains comportements.

Le terme est sexy, mais n’est-ce pas juste une version up-to-date des programmes de fidélisations, cartes, points, coupons, qui existent depuis l’aube des temps?

Le principe est très traditionnel, en effet, mais l’évolution technologique est déterminante.

En quoi la technologie est-elle déterminante?

La technologie permet de faire de ce vieux principe une véritable expérience client, facile, agréable, évidente, fun. Exactement comme cela s’est passé dans le gaming: la technologie a transformé et professionnalisé ce qui n’était qu’un passe-temps.

J’imagine que l’ancrage dans le blockchain – terme incontournable – fait partie du concept. Qu’est-ce que cela amène vraiment?

On estime qu’il existe plus de 10'000 programmes de fidélisation dans le monde, tous construits sur leur propre base de données et leur propre système. Notre idée est de réunir ces programmes totalement fragmentés, de les connecter dans un écosystème où le client serait libre de circuler et d’échanger. La technologie blockchain rend cette transition possible.

Ce que vous décrivez existe déjà, non? Miles & More par exemple.

Bon exemple. Certes, Miles & More est un programme de fidélisation à grande échelle, mais qui reste exclusif, réservé à certaines compagnies. Avec une procédure d’intégration longue, compliquée et coûteuse. La procédure prend entre six et neuf mois et le candidat doit déjà avoir une certaine échelle pour être accepté.

«L’horlogerie est un secteur encore fortement centré
sur la tradition et il est possible de repousser les lignes.»
Donc votre idée est de casser les coûts?

Le premier objectif est de simplifier toute la procédure. L’implémentation ne prend que quelques jours et nous sommes capables de couper jusqu’à 90% des coûts d’intégration par rapport à un programme de fidélisation traditionnel.

Venons-en au cœur de l’affaire: les jetons de fidélisation. Vous utilisez le token, pourquoi le choix d’une cryptomonnaie?

En réalité nos tokens ne sont pas liés à la cryptomonnaie. Ces jetons sont créés pour une marque en particulier et ne sont utilisables que dans l’écosystème Qiibee. L’objectif est avant tout de se concentrer sur l’aspect business pour les marques. Nous n’intervenons pas auprès de la clientèle finale, nous n’apparaissons pas. Il s’agit au final d’une relation tout à fait classique entre un client et une marque.

Big players, PME: quel segment ciblez-vous?

Nous voulons travailler avec des marques d’une certaine taille, mais il est trop tôt pour définir un segment strict. L’objectif des 12-24 prochains mois est d’engranger des données et voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le marché de la fidélisation à travers la blockchain n’existe pas, nous sommes en train de le construire.

Un secteur semble pourtant vous intéresser plus spécifiquement: l’horlogerie. Pourquoi?

Parce que l’horlogerie est un secteur encore fortement centré sur la tradition et qu’il est possible de repousser les lignes. De mixer la tradition et l’innovation. Ceux qui achèteront des montres de luxe dans 10 ou 20 ans ont 25 ans aujourd’hui, mais jusqu’à quel point peut-on intéresser cette nouvelle génération en restant aussi conservateur? Plus de digitalisation, plus de fun!