La demande d’or bat tous les records

Emmanuel Garessus

3 minutes de lecture

La demande d’or s’est accrue de 5% sur base annuelle et la demande des investisseurs a même doublé, selon Krishan Gopaul, du World Gold Council.

 

Pour la première fois de son histoire, la demande d’or a franchi la barre des 100 milliards de dollars, selon le rapport trimestriel du World Gold Council. La demande s’est accrue de 5% en un an pour atteindre 1313 tonnes, avec une hausse de 3% de la production minière et de 11% du recyclage. En valeur, la demande s’est accrue de 35%, soit bien davantage qu’en volume. 

La demande des investisseurs, attirés par la forte hausse de cours de l’once, a même doublé pour s’élever à 364 tonnes. Les fonds sur l’or enregistrent pour la première fois depuis le premier trimestre 2022 un trimestre positif (95 tonnes). 

En revanche, la demande de barres et de pièces d’or a diminué de 9%, mais avec un volume total de 859 tonnes elle reste supérieure à la moyenne sur 10 ans, qui se situe à 774 tonnes. Le prix moyen s’est élevé à 2'474 dollars l’once durant le trimestre.

Les achats d’or des banques centrales se sont ralentis au troisième trimestre pour atteindre 186 tonnes. Avec un total de 694 tonnes cette année, leur demande correspond à celle de l’année 2022. La demande de bijouterie a diminué de 12% en volume mais s’est accrue de 13% en valeur. L’intelligence artificielle soutient la demande puis que cette dernière s’est accrue de 7% dans le secteur de la technologie. Krishan Gopaul, Senior analyste auprès du World Gold Council, répond aux questions d’Allnews:

Quelle est la corrélation entre le prix de l’or et la demande?

Les médias se sont fréquemment penchés sur le prix de l’or ces derniers mois. Le cours de l’once a d’ailleurs établi à près de 40 nouveaux records cette année. La performance de l’or a surpris beaucoup d’observateurs. Cette hausse est à double tranchant et elle dépend de la partie du marché qui est considérée. 

«Pour la première fois de son histoire, la demande d’or a franchi la barre des 100 milliards de dollars».

La hausse de la demande s’est élevée à 5% durant ce trimestre sur une base annuelle. Il apparaît que la demande d’investissement en ETF sur l’or et sur le marché de gré à gré est positivement corrélée avec le prix de l’or. Sur le marché de gré à gré, qui est dominé par les investisseurs les plus fortunés (UHNWI) et les institutionnels, la demande a également été forte. 

En revanche, la demande s’est ralentie sur le marché de la bijouterie parce que la hausse du prix de l’or a compliqué son accès auprès des personnes peu fortunées. 

Les banques centrales sont, elles, moins sensibles au prix de l’once d’or. Leur demande reste significative et saine, même si elle est en phase de consolidation par rapport aux premier et deuxième trimestres.

A quel point le marché de l’or est-il devenu un marché dominé par l’Asie?

L’Inde et la Chine représentent les deux premiers marchés. La demande a été encourageante en Inde après une baisse des taxes d’importation sur l’or parce que le prix du métal jaune a diminué, après déduction de ces taxes. Mais en Chine, le trimestre a été difficile, dans le sillage du ralentissement de la croissance. La demande s’est avérée plus faible en Chine qu’en Inde. L’image est contrastée.

Sur le marché des ETF, la demande est davantage dominée par les investisseurs occidentaux. On s’aperçoit ainsi qu’il est difficile de dresser un portrait au plan global. 

Est-ce que la demande d’or est plus forte dans le monde occidental ou en Asie?

La situation est équilibrée parce que la hausse du prix de l’or impact tout le monde. Il existe des points forts et des points faibles des deux côtés. En Asie, l’Inde a fait preuve d'une forte demande, la Chine moins. En Occident, la demande européenne s’est moins bien comportée qu’aux Etats-Unis.

Est-ce que l’offre d’or est supérieure dans le monde occidental ou en Asie?

La diversité géographique de l’offre est très équilibrée. La Chine est le premier producteur d’or au monde. L’Afrique de l’Ouest est aussi un producteur important, comme les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. L’Europe est un plus petit acteur. 

La demande chinoise de bijoux a diminué de 33%. Est-ce le miroir de l’économie ou du marché immobilier?

Le ralentissement économique, la moindre confiance des consommateurs, la faiblesse du marché immobilier local contribuent tous à la baisse de la demande de bijouterie. Il sera intéressant d’observer la réaction de la demande aux mesures de relance du Gouvernement. Ce plan devrait apporter un certain soutien.

«L’intérêt pour l’or est nourri par les nombreuses incertitudes, monétaires, économiques et politiques».

Est-ce que l’avenir de la demande d’or proviendra d’un processus de dé-dollarisation de l’économie, de la demande venant de la technologie, de l’investissement ou de l’intelligence artificielle?

Il faut remettre chaque segment de la demande dans son contexte. La majorité de la demande d’or (environ 50%) provient encore de la demande de bijouterie. Les plus grandes modifications pourraient venir de la demande des investisseurs, en fonction des résultats des élections américaines et de la tendance des taux d’intérêt dans le monde. Le niveau de l’incertitude économique, monétaire et géopolitique alimente la demande d’ETF et d’or sous forme de gré à gré.

La demande des banques centrales a certes diminué par rapport au début de l’année, mais les institutions demeurent de grands acheteurs d’or.  
La plus petite partie de la demande provient de la technologie et des investissements dans l’IA, même si elle croît. Je ne suis pas sûr que la part issue de la technologie deviendra un pilier majeur de la demande d’or à l’avenir parce que le métal jaune est un très petit composant des produits qui alimentent le boom de l’IA.

Comment qualifiez-vous le mouvement haussier de l’or? Une bulle spéculative ou un mouvement normal par rapport aux prix des actions?

Nous ne faisons pas de prévisions sur les prix de l’or mais nous évaluons les moteurs de la demande. Au début de l'année, nous avons observé une augmentation notable de l'intérêt des investisseurs occidentaux (ETF, UHNWI) pour le rôle des banques centrales.

L’intérêt pour l’or est nourri par les nombreuses incertitudes, monétaires, économiques et politiques. Les investisseurs constatent également que les banques centrales achètent et que le prix monte. Ils ne veulent pas rater le train de la hausse. Après la date de clôture du rapport, l’intérêt pour l’or est resté ferme.

A lire aussi...