Exploiter le véritable potentiel des small & mid caps

Yves Hulmann

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Pour Ebrahim Attarzadeh, directeur de MainFirst, la fusion avec Stifel fournira une assise plus large au groupe dans le courtage et la banque d’investissement.

A la tête de MainFirst Bank depuis plus de trois ans, Ebrahim Attarzadeh met en évidence le positionnement très spécifique de MainFirst dans le domaine du courtage et de la banque d’investissement en Europe. L’établissement, basé à Francfort, est désormais actif non seulement en Allemagne et en Suisse mais aussi au Royaume-Uni, en France et en Italie. S’y ajoutent également les Etats-Unis où le groupe était déjà présent à New York - une présence qui sera encore renforcée suite à la fusion avec la société américaine Stifel. Ebrahim Attarzadeh, qui travaille chez MainFirst depuis 2006 et est installé depuis dix ans à Zurich, explique quels sont les objectifs de l’établissement sur le marché suisse et en Europe. Entretien avec le directeur de MainFirst.

Quelles ont été les principales étapes de développement de MainFirst en Suisse et en Europe? 

Sur le marché européen, MainFirst s’est d’abord développé en procédant à plusieurs acquisitions qui sont souvent survenues lorsque d’autres établissements ont réduit leurs activités de courtage ou se sont défaits de certains secteurs d’activité. En 2011, MainFirst a racheté les activités de la Neue Zürcher Bank (NZB), et c’est aussi à ce moment que je suis venu en Suisse. Ailleurs, MainFirst a mis en place une équipe en Italie autour de l'ancien patron de Bear Stearns lorsque la banque américaine a été démantelée. En 2012, au plus fort de la crise dans une partie de la zone euro, nous avons repris en France une équipe de Cheuvreux. Un an plus tard, nous avons également constitué une équipe à Madrid autour d'anciens dirigeants de Kepler Chevreux mais nous ne sommes pas restés longtemps sur le marché espagnol. Bref, en l’espace de cinq ans, MainFirst a établi sa présence dans quatre pays européens – l’Allemagne, la Suisse, la France et l’Italie -, complétée par New York et Londres. En plus, nous avons aussi repris les activités européennes de Raymond James à Paris et à Londres en 2018. Il faut préciser à ce sujet que nous avons toujours constitué une équipe d’au moins une dizaine de personnes sur chaque site. Cela correspond à notre approche multi-locale. A l’inverse, nous avons renoncé à poursuivre notre expansion sur certains marchés comme ceux de la Scandinavie ou dans les pays du Benelux car nous pensons qu’il y a déjà suffisamment de concurrents actifs dans les domaines que nous couvrons.

Suite à la fusion avec l’américain Stifel, allez-vous conserver la marque MainFirst sur le marché européen? 

Non, et cela pour plusieurs raisons. D’une part, pour éviter une confusion avec la société allemande MainFirst qui est, elle, spécialisée dans la gestion d’actifs. Même si les deux sociétés ont une origine commune, les deux entités sont entièrement séparées depuis 2018. Le gérant d’actifs MainFirst Asset Management n’a ainsi plus aucun lien avec la nouvelle entité réunissant MainFirst et Stifel. D’autre part, Stifel jouit d'une excellente position aux États-Unis, dont nous pouvons bénéficier au sein de MainFirst. C’est pourquoi il a été décidé de garder une marque unique.

Quels sont les effectifs de MainFirst en Suisse et en Europe? 

En Suisse, MainFirst compte désormais 15 personnes à Zurich, plus 6 personnes à Genève qui sont issues de Stifel. En tout, MainFirst emploie 160 collaboratrices et collaborateurs. Cet effectif est constitué principalement de 50 analystes basés en Allemagne, en Suisse, en Italie, France et au Royaume-Uni. S’y ajoutent environ 40 personnes actives dans la vente ainsi qu’une vingtaine d’employés actifs dans l’exécution.

La fusion, y compris le changement de nom en Stifel Europe, aura lieu en novembre.
Que changera la fusion avec Stifel? 

La fusion, y compris le changement de nom en Stifel Europe, aura lieu en novembre. Evidemment, Stifel apporte une autre dimension à nos activités. La société américaine réalise 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont environ 2 milliards de dollars dans la gestion de fortune et 1 milliard de dollars issus de la banque d’investissement. Stifel dispose de 400 sites à travers le monde, en particulier aux États-Unis. En termes de recherche, ses équipes d’analystes couvrent plus de 800 valeurs, surtout des small & mid caps. Stifel est dans le top trois aux Etats-Unis en termes de capacités de recherche, et sera combiné avec la licence bancaire allemande et l'expertise locale européenne de MainFirst. Outre le seul aspect de la taille, Stifel met aussi l’accent sur certains secteurs comme les technologies, la medtech ou l’e-commerce. Cette combinaison n'existe pas encore sous cette forme sur le marché, et nous espérons qu'elle améliorera la perception de notre entreprise auprès des entreprises et des investisseurs. Le fait de travailler avec Stifel permettra aussi d’obtenir un plus large accès au marché américain.

La recherche, qui couvre aussi de nombreuses petites et moyennes capitalisations, est une des spécificités de MainFirst. Quelle doit être la taille minimale des entreprises suivies par vos analystes?

Concernant la taille, nous sommes relativement agnostiques. Il est certes moins fréquent que nous couvrions des entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à 100 millions de francs. Mais cela peut arriver lorsque nous pensons qu’une entreprise dispose d’un potentiel intéressant. Nous ne regardons pas seulement la taille d’une entreprise mais aussi sa qualité. L’univers des sociétés en Europe que nous suivons se présente de la manière suivante : MainFirst couvre quelque 430 sociétés, à quoi s’ajoutent 250 entreprises du côté de Stifel, soit un total de près de 700 valeurs. Parmi ces 700 valeurs, on compte plus de 500 petites ou moyennes capitalisations pan-européennes. Rien qu’en Suisse, cela représente un univers de 80 entreprises cotées en bourse, dont la moitié sont des petites et moyennes capitalisations. 

Pourquoi y a-t-il autant de petites et moyennes capitalisations en Europe qui sont aussi peu couvertes par les analystes – est-ce aussi en raison de l’influence des règles de MiFid II? 

Comme souvent, il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cette situation. Après la crise financière, la volonté du régulateur a été de faire que les petits investisseurs ne doivent pas payer trop cher pour le conseil et pour les produits d’investissement qu’ils achètent. Cette réglementation a toutefois eu indirectement d’autres conséquences. Premièrement, la couverture des petites et moyennes capitalisations a diminué. Deuxièmement, comme ces titres ont été désormais moins suivis par les analystes, les investisseurs institutionnels ont moins vendu et moins acheté de ces titres, ce qui a, à son tour, contribué à augmenter la volatilité des small & mid caps. Il en a ensuite résulté des coûts de refinancement qui sont plus élevés pour les petites et moyennes sociétés. A mon avis, cela n’a au final apporté aucun avantage, ni pour les petits investisseurs, ni pour les petites et moyennes capitalisations. 

Une des conséquences à long terme des changements réglementaires
est qu’il n’y a, aujourd’hui, plus aucune recherche pour beaucoup de sociétés. 
Suite à la crise du COVID-19, le régulateur pourrait-il assouplir ces règles? 

Dans un premier temps, le balancier est allé dans une seule direction. Maintenant, il repart un peu dans l’autre sens mais, à mon avis, on ne va pas revenir à la situation d’avant la crise financière. Une des conséquences à long terme de ces changements réglementaires est qu’il n’y a, aujourd’hui, plus aucune recherche pour beaucoup de sociétés. Il y a maintenant des entreprises de petite et moyenne taille qui viennent vers nous pour nous demander de couvrir leur titre. Sur près 190 demandes de ce type, nous n’en avons accepté que 60, car nous ne pouvons de toute façon pas tout faire. Maintenant, à savoir si les choses vont s’améliorer à l’avenir à ce sujet, je reste très prudent. D’un côté, les banques supportent des coûts qui restent élevés, de l’autre, beaucoup d’investisseurs n’ont pas envie de payer pour la recherche. Des études ont démontré par le passé que les small & mid caps tendent à surperformer les grandes capitalisations sur le long terme.

Pourquoi n’y a-t-il pas davantage d’intérêt du côté des investisseurs, notamment institutionnels? 

Oui, effectivement, il est plus vraisemblable qu’une petite ou moyenne capitalisation parvienne à doubler sa valeur en bourse en quelques années que ce n’est le cas pour un poids lourd du SMI. Toutefois, les investisseurs institutionnels doivent aussi tenir compte de certains paramètres de risques et de liquidités qui les empêchent d’investir dans des entreprises dont la capitalisation est inférieure à un certain niveau. En conséquence, il y a des volumes d’échange moindres sur les small & mid caps et davantage de volatilité.

Les caisses de pension sont-elles conscientes de cette problématique? 

A ce sujet, j’ai l’impression que certaines caisses de pension affirment qu’il est important d’investir dans les PME ou les small & mid caps pour favoriser les entreprises locales mais qu’elles n’agissent pas vraiment en conséquence. Pour inverser la tendance, il faudrait qu’une initiative soit prise à un plus haut niveau. Par exemple, via la mise en place d’une initiative pan-européenne visant à favoriser les investissements dans les sociétés de croissance. Mais, jusqu’ici, je n’ai pas vraiment l’impression qu’il y ait une réelle volonté politique dans l’UE allant dans ce sens.