ESG: une stratégie gagnante

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

«Investir sur une base éthique ne signifie pas renoncer à la performance», affirme Hamish Chamberlayne de Janus Henderson Investors.

L’affaire a commencé il y a trente ans. Avec le rapport Brundtland rédigé en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies, présidée alors par Gro Harlem Brundtland, trois fois Première Ministre de la Norvège. Intitulée «Notre avenir à tous»1, la publication a jeté les bases du développement durable… et du premier fonds responsable établi par Janus Henderson en 1991. «Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs»2. Ces quelques mots résument la charte des principes d’investissement à laquelle se conforme Hamish Chamberlayne, responsable des placements durables chez Janus Henderson Investors. Entretien au cours du Geneva Forum for Sustainable Investment en fin de semaine dernière. 

Les principes de gestion durable semblent ancrés depuis longtemps chez Janus Henderson. Etes-vous signataire des Principes pour l’investissement responsable de l’ONU?

Oui, et nous appartenons à plusieurs autres associations dont UKSIF (UK Sustainable Investment and Finance Association, Eurosif (European Sustainable Investment Forum) ou encore ACGA (Asian Corporate Governance Association). Notre équipe ESG interne soutient les équipes d'investissement en matière de vote, d'engagement de l'entreprise et de recherche. Nous intégrons la notation du risque ESG dans l'analyse des risques du portefeuille.

Toute notre approche se fait
à travers un prisme ESG.
En pratique, comment les appliquez-vous?

Nous utilisons les directives du guide de la Global Reporting Initiative et avons établi un mappage de notre processus d'investissement pour 93% des 169 cibles des Objectifs de Développement durable (ODD). Les critères dont nous usons concernent d’abord les produits des entreprises sous examen; ils peuvent être tantôt positifs (impact tangible, rattachement aux grandes tendances environnementales et sociales), tantôt négatifs (risques sociaux, environnementaux et réglementaires ainsi que passifs cachés). A côté des produits, nous examinons aussi le fonctionnement de l’entreprise et ses processus. Toute notre approche se fait à travers un prisme ESG.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

Certainement. Prenez la société de matériaux de construction irlandaise Kingspan. Non seulement elle est spécialisée dans les panneaux d’isolation qui améliorent l’efficience énergétique mais elle entend également collecter un milliard de bouteilles en plastique pour les recycler comme matière première dans la construction des panneaux. Son produit est donc en phase avec l’ODD 11 (communautés durables) mais son processus de mise en œuvre l’est également, en respect de l’ODD 14 (protection de la vie des océans).

Comment classez-vous vos investissements ESG?

En fonction d’une stratégie multithématique qui comporte 5 thèmes environnementaux (énergie propre, efficience énergétique, services environnementaux, transport durable et gestion de l’eau) et 5 thèmes sociaux (connaissance et technologie, santé, sécurité, immobilier et finance durables, qualité de vie). Notez que nous n’avons à l’heure actuelle ni investissement dans l’énergie (fût-elle renouvelable) ni investissement direct dans l’éducation mais le faisons par le biais d’entreprises fortement engagées dans l’énergie propre ou la formation. Il va sans dire que les énergies fossiles sont totalement hors de notre périmètre y compris les sociétés qui les desservent ainsi les entreprises dont les produits les utilisent (véhicules à combustion par exemple). Par contre, nous avons un biais fort en faveur de la technologie (plus de 20% de nos positions) car, à nos yeux, elle peut apporter une rationalisation des productions vers des méthodes plus durables.

L’ESG, c’est d’abord du bon sens et nous n’avons jamais renoncé
à la performance en investissant sur des fondements éthiques.
Vous évitez également les produits de consommation courante.

Effectivement. Avec deux exceptions toutefois: McCormick, leader des thés et épices, et Costa Group, la plus grande entreprise horticole australienne. Sans être parfaitement vertueux, le premier mène une politique de packaging durable et sa chaine d’approvisionnement fonctionne sur des principes corrects de soutien aux agriculteurs des pays en développement, à Madagascar notamment. Le second opère une agriculture durable, réduisant la consommation d’eau et utilisant l’énergie renouvelable.

L’ESG peut-il mener à la performance financière?

A mes yeux, sans aucun doute. Les entreprises qui tiennent compte des grandes tendances dans le choix de leurs produits auront nécessairement de meilleurs résultats que les autres. Celles dont la gouvernance et les processus de production sont les plus vertueux aussi. Elles éliminent ainsi l’exposition aux désastres environnementaux ou sociaux ainsi que les litiges et autres polémiques. L’ESG, c’est d’abord du bon sens et nous n’avons jamais renoncé à la performance en investissant sur des fondements éthiques. Nos résultats le prouvent: l’ESG est une stratégie gagnante.

Vous ne croyez pas que l’ESG soit compatible avec la gestion passive.

Pas un seul instant. L’analyse ESG exige un programme de recherche en évolution continuelle et un dialogue avec les entreprises qui n’est tout simplement pas compatible avec la gestion passive. D’ailleurs, gérer des capitaux de manière responsable demande deux fois plus de travail que les gérer de manière traditionnelle, purement financière.

 

2 Extrait du rapport Brundtland

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