Cette gestion passive qui ne cesse de s’affirmer

Nicolette de Joncaire

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La gestion passive connait un immense succès. Son ascension n’est pas près de s’achever, estime Marlène Hassine Konqui de Lyxor.

Depuis la crise, l’augmentation des volumes investis en ETF est vertigineuse. Et la croissance continue. Constat et perspectives avec Marlène Hassine Konqui, Directrice de la recherche ETF chez Lyxor Asset Management.

La gestion passive continue-t-elle de croitre?

Rappelons d’abord quelques chiffres. Le marché des ETF est de l’ordre de 5’000 milliards de dollars globalement. Il a connu une très forte croissance sur les dix dernières années, de 20% par an en moyenne. En 2017, cette croissance s’est notablement accélérée. Les flux nets se sont élevés à 650 milliards de dollars* alors qu’ils n’étaient en 2014, 2015 et 2016 que de 330, 350 et 380 milliards respectivement. Les deux premiers mois de 2018 confirment la tendance de 2017. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène. Les ETF sont devenus incontournables surtout sur les marchés actions.

Comment la gestion passive évolue-t-elle vis-à-vis de la gestion active?

Il faut distinguer deux univers. Celui des actions et celui des produits de taux sur lesquels le trend n’est pas identique. Sur les actions, nous avons observé aux Etats-Unis des flux positifs sur la gestion passive et des flux négatifs sur la gestion active en 2017: 215 milliards de dollars sont sortis des investissements gérés activement alors que 443 milliards sont arrivés sur la gestion de type ETF/Indicielle, les ETF étant les véhicules de choix.  En Europe, la gestion active sur l’equity résiste mieux avec 104 milliards de dollars de flux nets sur les fonds passifs et 63 milliards sur les fonds actifs. Sur les produits de taux, la gestion active reste globalement plus solide. Aux USA, on a enregistré en 2017 des flux nets à peu près équivalents: 216 milliards sur les fonds passifs et 211 sur les fonds actifs. En Europe, la gestion active reste très privilégiée par les investisseurs. Sont arrivés 47 milliards de dollars de flux nets sur la gestion passive et 264 milliards sur la gestion active.

Les ETF obligataires apportent de la transparence
et de la liquidité secondaire à un coût attractif.
Pourquoi une telle différence entre les deux classes d’actifs?

Tout d’abord, historiquement le marché des ETF actions s’est développé en premier et est, de ce fait, à un stade beaucoup plus mature aux Etats Unis qu’en Europe ce qui peut expliquer une partie des écarts de flux. De plus la question des benchmarks est plus délicate dans le monde obligataire compte tenu de l’absence de transparence. Les ETF obligataires apportent de la transparence et de la liquidité secondaire à un coût attractif ainsi que la possibilité de couvrir un portefeuille des risques de duration en cas d’inflation. Leur développement devrait se poursuivre.

Quelles sont les raisons du succès de la gestion passive?

En premier lieu, les coûts y sont très inférieurs. Sur une étude que nous avons menée sur 7 ou 8 univers actions différents, le coût moyen (TER) était de l’ordre de 19 points de base sur les fonds passifs et de 64 points de base sur les fonds actifs. La seconde raison est à aller chercher dans les performances. Sur 6’000 fonds actifs en Europe, 40% seulement avaient surperformé leur benchmark sur un an à fin septembre 2017. Sur 10 ans, ce pourcentage tombe à 20%. La gestion active ne surperforme et ne fait sens que dans des cas spécifiques, par exemple les small caps ou les marchés-frontières. Au sein des univers plus efficients comme les actions US, il lui est difficile de se mesurer à la gestion passive. La troisième raison pour laquelle le succès de la gestion passive va se prolonger est l’évolution réglementaire et plus particulièrement MiFIDII.

Dans quel sens?

Dans un univers sans rétrocession, les conseillers indépendants peuvent proposer – directement ou en briques d’allocation – des ETF à leurs clients, en concurrence avec les OPCVM. Auparavant il était de leur intérêt de proposer des fonds mutuels. Ce n’est plus le cas. Par ailleurs, les non-indépendants vont devoir fournir davantage de transparence sur leurs coûts. Quand les clients auront compris les coûts réels attachés aux produits, ces conseillers vont devoir introduire des ETF pour réduire la charge. Le succès des ETF est venu jusqu’à présent plutôt des investisseurs institutionnels. Avec l’évolution réglementaire, il viendra des investisseurs privés.

Un portefeuille optimal devrait intégrer
60 à 70% de fonds passifs et de 30 à 40% de fonds actifs.
On entend souvent que les fonds actifs ont de meilleurs résultats sur les marchés haussiers de longue durée. Est-ce exact?

Nous avons étudié plusieurs périodes de bull et de bear market et n’avons pas noté une surperformance des fonds gérés activement. Il est plus difficile de juger sur les trends de longue durée mais c’est dans les périodes de volatilité qu’entrent en lice les produits passifs «intelligents» de type smart beta ou minimum variance qui permettent de gérer des phases différentes de la conjoncture.

La gestion passive va-t-elle continuer à gagner du terrain?

La recherche académique conclut que moins de 10% du rendement est expliqué par le stock picking. D’après les résultats de notre étude annuelle des performances des fonds actifs versus leur benchmark, nous estimons qu’un portefeuille optimal devrait intégrer 60 à 70% de fonds passifs (y compris les smart beta) et de 30 à 40% de fonds actifs. Les encours actuels sont de 30% sur les fonds passifs et de 70% sur les fonds actifs, soit une répartition inverse. La pénétration de la gestion passive est donc loin d’être achevée. Il est par ailleurs plus sensé pour les allocateurs d’actifs d’implémenter des ETF dans le but, par exemple, d’accroitre leur exposition sur certains segments. En combinant gestion active, gestion passive et gestion passive intelligente, en fonction de leurs objectifs d’investissement, ils peuvent optimiser leurs placements.

* La source de tous les chiffres est Morningstar