La Banque Cantonale Vaudoise (BCV) a publié jeudi un bénéfice consolidé en recul de 6% à 440,6 millions de francs au titre de l’exercice 2024. Malgré cette baisse, il s’agit du deuxième meilleur résultat de l’histoire de la banque, a mis en perspective Thomas W. Paulsen, directeur financier de la BCV. La banque cantonale proposera au vote de l’assemblée générale un dividende de 4,40 francs pour l’exercice 2024, comparé à 4,30 francs en 2023 et de 3,80 francs en 2022. Profitant de taux en baisse l’an dernier en Suisse, l’établissement vaudois a bénéficié d’une forte croissance des crédit hypothécaires (+8%) dans un marché immobilier toujours jugé dynamique. Le point avec Thomas W. Paulsen qui commente ces résultats ainsi que les perspectives concernant l’évolution des taux d’intérêt.
En Suisse, l’inflation a continué de reculer en janvier à 0,4%, contre 0,6% en décembre. Aux Etats-Unis, les taux d’intérêt des emprunts d’Etat à 10 ans sont remontés cette semaine, notamment suite à la publication de chiffres d’inflation plus élevée qui a atteint 3% en janvier. Comment un établissement dont les activités sont largement diversifiées comme la BCV peut-il anticiper l’évolution des taux d’intérêt pour les prochains mois et trimestres?
La dynamique des taux d’intérêt est un aspect crucial dans notre domaine d’activité. Et le fait que les taux d’intérêt évoluent de manière très différente dans différentes régions du monde doit être pris en compte.
«S’il fallait revenir aux taux négatifs, leur acceptation serait probablement un peu plus facile qu’il y a dix ans.»
Le dollar a sa propre dynamique, porté par la croissance toujours soutenue de l’économie américaine. Jusqu’à il y a un peu plus d’un an, on pensait que le sujet était simple: la Fed allait diminuer ses taux, le temps que l’inflation retombe aux environs de 2%. Or, on voit que l’inflation remonte aux Etats-Unis depuis quelques mois. Les sanctions utilisées comme menace par le gouvernement américain envers certains pays pourrait contribuer à renchérir le coûts de la vie pour les Américains. S’y ajoute une dynamique politique très compliquée outre-Atlantique avec un jeu de pouvoir entre l’administration et la Fed. C’est une dynamique qui est très difficile à prévoir.
En Europe, il est plus facile d’anticiper une baisse des taux.
La tendance générale va dans le sens d’une baisse des taux directeurs de la part de la BCE. Néanmoins, sur le Vieux Continent, la donne est plus compliquée avec les économies du Sud qui vont plutôt bien, contrastant avec l’Allemagne qui a connu maintenant deux années de récession technique.
Le taux d’endettement élevé a fait du service de la dette un poste énorme au sein de budgets de pays comme la France par exemple, où les coûts de la dette s’approchent du budget de l’éducation.
Comment analysez-vous la situation en Suisse?
En Suisse, la BNS a le défi de gérer la vitesse de l’appréciation du franc par rapport à l’euro et à d’autres monnaies. Au cours des deux dernières décennies, l’économie suisse a montré qu’elle a été à même de gérer une appréciation du franc de près de 50% par rapport à l’euro.
Depuis l’automne dernier, la question du retour aux taux négatifs a refait surface dans les discussions des économistes et analystes. La BCV serait-elle prête à faire face au retour aux taux négatifs?
Sans revenir en détail sur toute la période qui s’est étendue entre 2015 et 2022, on peut estimer que la BNS a habilement géré les taux négatifs, en permettant aux banques de déposer auprès d’elle un certain montant à taux zéro et de protéger ainsi les petits déposants des taux négatifs.
Maintenant, sans faire de pronostic sur un retour ou non aux taux négatifs en Suisse, nous serions à la BCV prêts à y faire face. Cela a été plus difficile en 2015 car tout était nouveau à cette époque. Il y avait aussi plus de résistance du côté de certaines entreprises ou établissements. S’il fallait revenir aux taux négatifs, leur acceptation serait probablement un peu plus facile qu’il y a dix ans.
Si l’on en vient à certains ratios publiés par la BCV jeudi, comment jugez-vous le rapport entre les coûts et les revenus situé à 55,2% en 2024. Serait-il possible de l’améliorer encore?
Je pense que ce ratio est très satisfaisant compte tenu de notre modèle d’affaires. Certes, une pure banque de détail, comme une caisse d’épargne par exemple, peut avoir un ratio cost/income encore plus bas, de l’ordre de 40%. En revanche, pour une banque privée, il se situerait plutôt à 70%, voire plus. A la BCV, nous avons aussi bien des activités de banque de détail (retail) et de la gestion de fortune. C’est la raison pour laquelle ce ratio nous paraît satisfaisant.
Le ratio CET1 est lui situé à 16,8% à fin 2024 contre 17,9% à fin 2023. Est-ce assez ou faudrait-il renforcer un peu plus les fonds propres?
Avoir un ratio CET1 élevé n’est pas un but en soi. Tout ce que nous faisons, nous pourrions aussi le faire avec un ratio de l’ordre de 14%. Les fonds propres excédentaires que nous détenons nous donnent un certain coussin de sécurité, dans la poursuite de notre politique de dividende.