L’immobilier durable est-il rentable?

Maximilien Moris, Hermance Capital Partners

3 minutes de lecture

La durabilité immobilière est à la recherche de son business model. Des interrogations sur ses bénéfices financiers subsistent.

Les changements climatiques, ainsi que notre consommation en ressources naturelles et énergie, ou le bien-être social, sont des challenges majeurs de notre époque. La décennie à venir annonce un tournant dans la perception des consommateurs et investisseurs, pour tendre vers des investissements plus responsables.

Toutefois, la durabilité en immobilier est encore à la recherche de son business model et des interrogations sur ses bénéfices financiers subsistent. Ces dernières années, l’incertitude autour de ces questions a donc freiné la mise en place de stratégies durables. A titre d’exemple, en 2019, seulement 13,8% des espaces de bureau aux Etats-Unis étaient certifiés durables.

Qu’implique réellement cette notion de durabilité?

Le bâtiment est un secteur très polluant qui représente des consommations de ressources et d’énergie considérables, avec un impact écologique majeur. L’industrie représente approximativement 40% de notre consommation en énergie et matières premières, et émet 40% du gaz à effet de serre à l’échelle globale. Selon la Banque Mondiale, le secteur doit réduire ses émissions de CO2 de 36% d’ici à 2030, pour rester dans les objectifs fixés par la COP21, lors des accords de Paris en 2015.

La possibilité d’avoir un impact local au bénéfice
de la société devient un argument d’investissement.

Les pistes de travails sont multiples mais ont un coût non négligeable et impliquent généralement des délais plus longs. Citons notamment l’amélioration de l’isolation, ou la mise en place de systèmes d’éclairage, chauffage et consommation d’eau plus efficients. La gestion des déchets ainsi que l’entretien viennent s’ajouter à la liste des problématiques. Par ailleurs, l’implémentation de générateurs d’énergie renouvelable devient également une priorité. Pour information, une étude du National Renewable Energy Laboratory indique que la mise en place de panneaux solaires sur chaque toit pourrait permettre de générer 39% de l’offre énergétique. L’objectif est de minimiser la consommation des bâtiments, tout en favorisant la production d’énergie et de chaleur sans polluer.

Alors que l’aspect environnemental est bien connu du grand public, c’est également la dimension sociale qui prend de l’ampleur aux yeux des investisseurs. La possibilité d’avoir un impact local au bénéfice de la société devient un argument d’investissement.

Dans quelle mesure les frais engagés se traduisent-ils par un retour sur investissement?

Un premier élément est venu légitimer la valorisation de ces investissements au travers de l’émergence de labels. Sur ce point, le système de certification doit encore tendre vers plus d’uniformisation et de transparence. Par ailleurs, les niveaux de certification ont des impacts différents, notamment sur les coûts de construction qui sont plus ou moins élevés en fonction du label atteint.

L’offre en immobilier au travers de véhicules dédiés
à des projets durables reste réduite, mais tend à se développer.

Néanmoins, ces certifications peuvent permettre non seulement d’atteindre des taux d’occupation plus élevés mais aussi des niveaux de loyers supérieurs au marché, compensés par une économie de charges pour le locataire (jusqu’à 20%). Selon une étude réalisée au Royaume-Uni dans le «Journal of Environmental Economics and Management» comparant 336 bâtiments certifiés durables à 2000 projets de construction non certifiés entre 2003 et 2014, les projets durables se louent de 13,3% à 36,5% plus cher. A noter toutefois que les coûts et rendements relatifs varient selon les marchés et les géographies. Enfin, l’avantage se retrouve aussi à la vente de l’actif pour lequel le prix sera supérieur en cas de label durable.

Côté solutions d’investissement, l’offre en immobilier au travers de véhicules dédiés à des projets durables reste réduite, mais tend à se développer. Notons cependant que la pérennité et la surperformance des stratégies durables (multi industries) face aux fonds traditionnels semble se vérifier, à profil de risque / rendement équivalent. Selon une étude réalisée par Morningstar, 60% des fonds durables ont délivré une performance supérieure à leur équivalent traditionnel au cours des dix dernières années. En parallèle, remarquons l’attractivité des capitaux pour les stratégies durables pendant la crise actuelle qui dépasse de 15% les solutions non durables.

Ces dernières années marquent un tournant de la conscience collective. Début 2021, Aviva Investors indiquait vouloir atteindre zéro émission carbone sur son portefeuille immobilier existant valorisé à plus de 50 milliards d’euros, d’ici à 2040. De plus, soulignons également le transfert générationnel des «boomers» aux générations «X» et «Millenials» avec la volonté d’investir de façon plus responsable.

L’adoption de lois ainsi qu’un contrôle du «greenwashing» pour tendre
vers de meilleures pratiques sera un moteur pour une avancée durable.

Le vrai challenge sera d’harmoniser les objectifs financiers avec les paramètres environnementaux. Dans un environnement soucieux des coûts, il est capital de pouvoir mesurer les avantages retirés par de tels investissements. L’implémentation d’outils digitaux de suivi (consommation, impact CO2, besoin de rénovation ou économies réalisées), notamment au travers de l’intelligence artificielle au sein des actifs pourrait permettre de convaincre les plus réticents.

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle déterminant des politiques et régulateurs. En effet, l’adoption de lois ainsi qu’un contrôle du «greenwashing» (et autre marketing mensonger) pour tendre vers de meilleures pratiques sera un moteur pour une avancée durable. A charge des acteurs immobiliers de s’adapter, sous le spectre d’amendes, taxes ou restrictions.

Bien que les aspects de durabilité aient souvent été décriés, ils devraient être perçus comme un relais de création de valeur en adéquation avec le bien-être commun. Dans ce contexte, le rôle des fonds immobiliers privés est clé. En effet, la transition verte du parc existant ainsi que les bonnes pratiques à appliquer aux nouveaux développements vont nécessiter des travaux importants et un horizon d’investissement long terme. Par opposition, l’immobilier côté risque d’être challengé entre la gestion de l’obsolescence des actifs et les obligations de rendement à court terme.

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