2019-nCoV, black swan de janvier… ou de 2020?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Le 10 ans US se rapproche de 1,6%

La semaine dernière, les marchés de taux ont, une fois de plus, joué leur rôle de valeur-refuge lorsqu’un événement inattendu provoque des craintes ou des incertitudes. Le 10 ans US est passé de 1,82% à 1,61% et son homologue allemand, le Bund, s’est détendu de -0,21% à -0,37%. Ils n’ont pas été les seuls dans ce cas puis que l’once d’or est passée de 1'560 à 1'585 dollars. La raison de ces mouvements vient de Chine puisque dès mardi dernier, des informations de plus en plus inquiétantes ont circulé à propos du nouveau coronavirus 2019-nCoV. Comme souvent, les marchés ont réagi en fonction du contenu anxiogène d’une telle nouvelle, en décalage avec les communiqués médicaux. Nous estimons qu’il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle étant donné qu’à l’époque des algorithmes, il est plutôt rassurant de constater que les marchés adoptent encore des comportements humains, avec un contenu émotionnel difficilement quantifiable par les robots. 

Nous mentionnions dans notre chronique de mardi dernier que nous hésitions à remettre de la duration. Dans de telles circonstances, nous l’avons fait mercredi matin car si nous sommes bien incapables de prévoir exactement les réactions des marchés, notamment par rapport à leur comportement passé lors de l’épidémie de SARS en 2003, il ne fallait pas être un grand devin pour prédire une détente significative des taux longs. Jusqu’où va-t-on aller? Pendant combien de temps? Nous verrons bien mais pour l’instant, il convient d’être un peu plus long en duration et un peu plus prudent dans la gestion du risque de crédit en général et chinois en particulier. 

Pour que le 10 ans atteigne 1,4%, il faudrait que Wall Street
décroche significativement et ce n’est pas garanti du tout!

Le rally de la semaine dernière, qui se prolongeait hier, a également ouvert de nouvelles perspectives en termes d’analyse technique et l’expert que nous consultons régulièrement nous signalait hier que l’objectif pour le 10 ans se situe désormais à 1,41%. Cela rejoint plus ou moins notre objectif à moyen terme et nous verrons bien si l’inquiétude grandit et s’empare des marchés actions. Car pour atteindre un tel objectif proche de 1,4%, il faudrait que Wall Street décroche significativement et ce n’est pas garanti du tout! Nous verrons également fleurir dans les jours qui viennent des études mesurant l’impact du coronavirus sur la croissance chinoise, sur le commerce mondial, sur des secteurs économiques particuliers (automobile par exemple puisque Wuhan est connu pour héberger de nombreux sites de production) ou sur le prix de certaines matières premières. Par conséquent, ce nouvel environnement, éphémère espérons-le, va-t-il avoir une influence sur le prochain FOMC qui se termine demain soir?

Un FOMC plus incertain?

Nous attendions une Fed droite dans ses bottes, affirmant que la gestion monétaire serait en statuquo tout au long de l’année compte tenu de la vigueur de l’économie US (avec preuves à l’appui, les récents chiffres de l’emploi et des housing starts). Compte tenu des récents événements en Chine, va-t-on assister à un FOMC un peu moins prévisible? Est-il trop tôt pour que Jerome Powell fasse allusion au coronavirus comme risque potentiel sur la croissance et le commerce mais aussi comme facteur déflationniste? 

Il serait surprenant que la Fed se permette un langage trop hawkish au risque
de devoir faire un virage à 180 degrés si jamais les choses tournaient mal.

Comme les banquiers centraux sont de plus en plus les yeux rivés sur Wall Street, ils vont sans doute se rappeler qu’entre novembre 2002 et mars 2004 un autre coronavirus avait fait baisser le Dow Jones et le S&P 500 de 17%. Certes, il y a de très nombreuses différences entre les deux événements mais il serait surprenant que la Fed, dans de telles circonstances, se permette un langage trop hawkish au risque de devoir faire un virage à 180 degrés si jamais les choses tournaient mal. Il ne faut pas insulter l’avenir et ce dernier étant plus incertain depuis huit jours, la sagesse voudrait que Jay Powell fasse allusion à ce nouveau risque. Il devra aussi nous parler du marché du repo, tenu à bout de bras à coup de milliards de dollars sans que le mal disparaisse totalement. Il devra peut-être ajouter un mot sur l’indépendance de la Fed et sur l’efficacité de sa politique après la dernière salve de Donald Trump. 

Le Président a en effet déclaré que si la Fed n’avait pas monté ses taux en 2018, la croissance US aurait atteint 4% en 2019. Il a ensuite nuancé ses propos en ajoutant que l’affaire Boeing et la grève chez GM ont également joué un rôle significatif. Sur les marchés, les probabilités de baisse de taux de la Fed ont évolué sensiblement. En une semaine, la probabilité d’une baisse de taux est passée de 9% à 39% le 10 juin, de 19% à 62% le 29 juillet et de 46% à 89% le 16 septembre. Une baisse de 25 bp des Fed funds le 5 novembre est dorénavant anticipée par tout le monde alors que la probabilité atteignait 58% mardi dernier. Cela promet donc un FOMC un peu plus incertain que prévu.

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