Boris, trade deal et Fed: même pas mal!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Robustesse

Nous avons vécu la semaine de tous les dangers pour les taux longs US. Un alignement de planètes hostiles prêt à propulser le 10 ans au-dessus de 2% comme nous le craignions depuis quelques semaines. Résultat: vendredi soir, nous avons clôturé la semaine à 1,83%... Les plus sceptiques d’entre nous doivent se faire une raison: la robustesse de la partie longue de la courbe des Treasuries traverse les épreuves sans vaciller ou si peu. Mercredi, nous avons eu droit à un magnifique plaidoyer de Jerome Powell pour le statuquo monétaire en 2020. Les marchés ont pris pour argent comptant les déclarations d’une personne qui, il y a douze mois, affirmait que le Quantitative Tightening (réduction de la taille du bilan de la Fed) était sur pilote automatique et que les membres du FOMC songeaient à trois ou quatre hausses de taux en 2019. Résultat: trois baisses de taux et un vrai-faux QE4 pour stabiliser le marché du repo (qui peut exploser de nouveau à tout moment mais visiblement cela n’intéresse pas grand monde). Les marchés ont sans doute surtout apprécié le côté verre à moitié plein puisque statu quo veut dire pas de baisse de taux mais surtout pas de hausse non plus, ce qu’ils craignaient par-dessus tout. 

La Fed dit ce qu’elle veut en décembre, on verra ce qu’elle fera en avril.

Jeudi, Donald Trump a tweeté au beau milieu de la conférence de presse de Christine Lagarde pour annoncer un trade deal imminent avec les Chinois et en premier lieu son renoncement à appliquer un nouveau volet de taxes sur certains biens chinois censé entrer en vigueur le 15 décembre. A peine le temps de souffler et jeudi soir, les premiers sondages sortis des urnes donnaient Boris Johnson grand vainqueur des élections, avec une majorité absolue censée valider son get Brexit done. Les taux longs sont un wake-up call pour nous tous et pour les marchés actions euphoriques en particulier. La Fed dit ce qu’elle veut en décembre, on verra ce qu’elle fera en avril. Le trade deal complet n’est pas signé à ce jour. BoJo a triomphé mais si le Brexit a lieu fin janvier, il ne sera pas moins douloureux (et en plus il devra affronter les indépendantistes écossais et les Irlandais du Nord qui ont infligé une défaite sans précédent aux unionistes). Le prix à payer pour le Brexit doit-il être un Royaume-Désuni? 

La Reine Christine, la sagesse du hibou

Nous attendions la première intervention de Madame Lagarde avec curiosité. Succéder à Mario Draghi n’est pas une mince affaire. Elle a imprimé son style avec brio. Certes, sur le fond, elle n’a rien dit mais elle l’a bien dit! Comme son prédécesseur. Du côté de la politique monétaire, nous n’attendions absolument rien. Tous les instruments sont en place. Les marchés l’attendaient au tournant concernant la mise en œuvre du passage en revue courant 2020 de la stratégie de la BCE. Objectifs, moyens, instruments, communication… tout va être passé au peigne fin, sans a priori ni volonté de se démarquer des politiques précédentes ou les renier, pour redéfinir la mission de la banque centrale de Francfort. 

Différence majeure par rapport à Super Mario: Christine Lagarde a semblé
en pointe dans l’analyse et la compréhension des crypto-actifs.

Madame Lagarde a souligné que les membres de la BCE étaient conscients des dommages collatéraux induits par les taux négatifs. Elle a également semblé (sans doute la différence majeure par rapport à Super Mario) en pointe dans l’analyse et la compréhension des crypto-actifs. Sur le volet macroéconomique, comme attendu, elle a confirmé que la situation était toujours préoccupante, tant sur le point de l’inflation que de la croissance, mais elle a souligné que quelques signes de stabilisation étaient encourageants. Son style est résolument différent que celui de Monsieur Draghi mais, comme elle l’a mentionné, il ne faudra pas sur-interpréter ces différences. Bref, un examen de passage réussi en attendant les échéances concrètes que la BCE devra affronter en 2020, sans Benoît Coeuré qui quittera l’institution en fin d’année.

Perspectives 2020

Nous reviendrons plus en détail début janvier sur nos perspectives et objectifs pour l’année qui vient. Sauf événement exceptionnel qui viendrait bouleverser notre analyse, nous maintenons nos convictions pour l’année prochaine. La Réserve fédérale sera obligée de revenir sur ses paroles et de baisser ses taux, sans doute à deux ou trois reprises, probablement après un premier trimestre de statuquo si les circonstances le permettent. Elle sera même probablement contrainte d’augmenter le volume de ses achats pour augmenter la taille de son bilan. 

Tôt ou tard, le 10 ans américain devrait revenir vers 1,3%-1,4% voire plus bas en cas de choc. En début d’année, nous entendrons reparler du retour d’anticipations d’inflation à la hausse. C’est la raison pour laquelle sur les taux très longs, nous continuerons de privilégier l’exposition aux taux réels via les TIPS à 30 ans (obligations du Trésor indexées sur l’inflation). Nous ne nous attendons pas à un millésime exceptionnel en 2020, après une année 2019 déjà excellente, mais les marchés de taux ont encore de beaux jours devant eux!
Bonnes fêtes de fin d’année!

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