Taux US: jusqu’ici tout va bien

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Boom du secteur du logement

Le premier volet de l’accord commercial sino-américain a été signé mais les marchés sont déjà passés à autre chose. On ne parle plus non plus de tensions avec l’Iran. Wall Street va de record en record et il va falloir se faire à l’idée que si l’indice S&P 500 devait chuter de 10%, il s’élèverait encore à 3'000 points! Mais si nous devions ne retenir qu’un chiffre ou événement de la semaine écoulée, ce serait sans hésitation la hausse de 16,9% des mises en chantier de logements. Une semaine après de très bons chiffres de l’emploi, les Etats-Unis nous rappellent que la santé de leur économie nous donne encore quelques gages de robustesse. Nul doute que la Fed se servira de ces données pour justifier son statuquo actuel sur les taux. En revanche, il est notre devoir de s’attarder sur la taille du bilan de la banque centrale américaine car il s’agit bien là de baisses de taux déguisées et ce vrai-faux QE, qui fait repartir à la hausse cette fameuse taille de bilan, sera sans nul doute le facteur explicatif numéro un du comportement des marchés en 2020. Les experts qui prédisent l’éloignement d’une éventuelle récession en prétextant que nous sommes passés fin 2019 d’une courbe inversée à un steepening commettent selon nous une erreur de jugement. Autant les Cassandre qui donnaient trop d'importance à l’aspect prédictif d’une récession induit par l’inversion de la courbe étaient dans l’exagération, autant ceux qui pensent avoir l’avoir évitée avec une pente redevenue normale ne prennent pas en compte le QE4 virtuel sur la partie courte. 

Tentés par une augmentation de la duration de nos portefeuilles,
nous ne sommes pas encore passés à l’acte.

La pente de la courbe est redevenue normale grâce à la baisse des taux courts suite aux achats massifs de la Fed, pas à un sell-off sur les taux longs et ça change tout! Depuis le début de l’année, nous faisons preuve de pragmatisme: tentés par une augmentation de la duration de nos portefeuilles, nous ne sommes pas encore passés à l’acte. Même si nos convictions à horizon 12-18 mois sont inchangées, nous ne voyons pas, à court terme, ce qui pourrait provoquer un rally significatif des taux longs (sauf événement exceptionnel de type géopolitique ou un tweet maladroit de la Maison Blanche). Nous voyons autant de raisons plaidant pour un franchissement du 10 ans US au-dessus du niveau de 2% que de raisons pour le faire redescendre vers 1,70%. Dans ces conditions, nous adoptons une approche «wait and see» avec, une fois n’est pas coutume, un positionnement à court terme proche de nos benchmarks en attendant d’y voir plus clair. Bien entendu, cette politique de gestion s’applique aux taux nominaux. Grands fans des TIPS 30 ans (indexés à l’inflation), nous n’avons pas touché à nos positions, confortés par les nombreux commentaires récents venus de tous bords (banquiers centraux, journalistes spécialisés, économistes ou gérants célèbres) qui nous mettent en garde contre un indice des prix qui pourrait nous surprendre à la hausse en 2020. Concrètement, cela signifie que tant que le breakeven d’inflation à 30 ans n’atteint pas 2% (il s’élevait à 1,79% vendredi soir et le marché US était fermé hier), nous conserverons les TIPS, au profil beaucoup plus intéressant que le 30 ans nominal. 

La BCE après-demain

Depuis la dernière réunion de la BCE, l’économie de la zone euro n’a pas beaucoup progressé et les inquiétudes vis-à-vis de l’Allemagne, tant sur le plan de la croissance (au plus bas depuis 6 ans) que celui de l’inflation, nous ont été confirmées. Concrètement, aucune mesure n’est à attendre du côté des taux ou du QE2 mais nous pourrions en savoir plus concernant la revue stratégique mise en place cette année. Madame Lagarde pourrait en effet nous dévoiler quelques pistes relatives à la redéfinition du concept d’objectif d’inflation. C’est plutôt au cours de la semaine suivante que l’activité des banques centrales devrait être plus intéressante. Le 29 tout d’abord avec le premier FOMC de l’année. Nous attendrons des éclaircissements de la part de Jerome Powell à propos de la gestion du marché monétaire par la Fed. Nous essaierons également de déceler quelques éléments de langage susceptibles de nous donner des pistes de réflexion concernant la longueur du statuquo monétaire (n’oublions pas que nous sommes tout de même en année électorale). 

La BoE a aujourd’hui carte blanche pour un petit geste accommodant.

Comme nous l’avions mentionné récemment, gardons à l’esprit que nous avons affaire à un banquier central qui nous avait promis trois hausses de taux et une réduction drastique de la taille du bilan de la Fed pour 2019. Inutile de rappeler ce qui a été fait en lieu et place… Enfin le 30, nous regarderons avec intérêt le meeting de la BoE. Condamnée par le passé au statuquo, ne pouvant pas baisser les taux à cause de l’inflation, ne pouvant pas les monter à cause d’une croissance à risque avec le Brexit, elle a aujourd’hui carte blanche pour un petit geste accommodant après la publication de l’indice CPI au Royaume-Uni à seulement 1,4%, au plus bas depuis 3 ans. God save the Gilt!

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