Surperformance de la périphérie: mythe ou réalité?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Le choc d’activité a finalement été surmonté plus vite qu’attendu dans la périphérie.

Depuis deux ans, les pays périphériques – Italie, Espagne, Portugal et Grèce – ont mieux absorbé que le reste de l’Europe les chocs et affichent une surperformance de croissance. C’est assez rare pour être souligné. Il y a une dizaine d’années, une opinion répandue disait que ces pays étaient une menace existentielle pour l’euro. Ce risque a disparu. Entre temps, des ajustements considérables ont été faits afin de purger la bulle de crédit, de rétablir les comptes extérieurs et de restaurer la compétitivité salariale. Les progrès en matière de finances publiques sont toutefois bien plus modestes. Ils sont freinés par la faiblesse structurelle des taux d’emploi.

Finalement, ils peuvent voler…

Quel pays européen n’a toujours pas retrouvé son niveau d’activité d’avant la pandémie? Non, ne cherchez pas au sud de l’Europe, puisqu’il s’agit de l’Allemagne. Au sud, les pays de la «périphérie» – ceux que les investisseurs anglosaxons désignaient il y a dix ans sous l’acronyme infamant de PIGS – affichent, eux, depuis deux ans une surperformance de croissance. Assiste-on à une renaissance de cette «périphérie» par suite des ajustements structurels accomplis suite aux crises de la dette souveraine de la décennie passée? N’est-ce pas seulement un écart reflétant la réouverture séquentielle des différents pans de l’économie, les biens d’abord, les services ensuite?

Il faut rappeler quelques données de base sur les conditions d’activité. Lorsque le coronavirus s’est répandu en Europe en février 2020, et d’abord en Italie, la pandémie a fait craindre un nouveau décrochage de la périphérie. Les mesures de restrictions prises pour stopper le virus pesaient en effet de manière disproportionnée sur les services. Le tourisme a été mis à l’arrêt du jour au lendemain. En quelques mois, l’activité a chuté de près de 20%, presque deux fois plus qu’en Allemagne. La crainte du moment était que ces pays revivent les mêmes problèmes que ceux auxquels ils avaient été confrontés une décennie plus tôt, à savoir une envolée du chômage, une fragilisation du secteur bancaire, une instabilité politique et l’impossibilité de se financer à des taux supportables. Ce dernier risque a motivé l’UE à mettre sur pied dans l’urgence un plan de relance en juillet 2020 apportant un soutien exceptionnel sous forme de transferts financiers.

La désinflation semble plus avancée dans le sud que dans le nord de l’Europe, de quoi atténuer le choc sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

Le choc d’activité a finalement été surmonté plus vite qu’attendu dans la périphérie. A ce jour le PIB réel de ces pays dépasse de 2% le niveau prépandémie alors que l’Allemagne accuse un retard de 0,5%. Les indicateurs cycliques suggèrent que cette surperformance périphérique va se prolonger. Par comparaison, après la crise financière mondiale de 2008, il avait fallu plus de six ans pour que ces pays amorcent leur redressement.

Mesurer les progrès

On ne saurait toutefois ignorer les ajustements structurels accomplis après les crises de la dette souveraine ou bancaire. Les déterminants de ces crises ont été bien identifiées. Il s’agissait d’un problème classique de balance de paiements, davantage qu’un problème de finances publiques. Par suite d’un choc d’offre, ces pays ont reçu de larges flux de capitaux entrants alimentant un surinvestissement, notamment dans la construction, et une élévation des coûts du travail sans rapport avec les gains de productivité. Le jour où le crédit s’est soudainement asséché, cette situation est devenue insoutenable.

Les pays périphériques n’ayant plus la possibilité de dévaluer leur devise, comme c’était courant avant la phase de convergence vers l’euro, il leur fallait en passer par une cure de dévaluation interne (désendettement, modération salariale, austérité budgétaire). Avec le recul d’une décennie, on peut mesurer l’ampleur des progrès accomplis. La demande intérieure étant contrainte, les soldes extérieurs sont vite passés d’une position déficitaire de l’ordre de 4 points de PIB à un excédent d’environ 2 points de PIB de 2013 à la pandémie. La bulle du crédit a été dégonflée et, avec elle, le secteur de la construction. Ce secteur pèse désormais environ 5% de la valeur ajoutée, contre plus de 8% à son pic. A l’opposé, en Allemagne, son poids est monté en dix ans de 5% à près de 8%. L’endettement du secteur privé de la périphérie est désormais plus faible qu’en Allemagne. La compétitivité salariale a été rétablie. Sur une base 100 en 2002, les coûts unitaires du travail de la périphérie dépassaient de 20% le niveau de l’Allemagne au moment de la crise financière de 2008, ils sont revenus en ligne. Sur la même période, l’écart d’inflation a été presque comblé entre les deux régions.

Quelles sont les perspectives économiques de la périphérie? A court terme, les indicateurs cycliques restent à son avantage. Malgré une légère modération ces derniers mois, le climat des affaires est bien installé en territoire d’expansion, et particulièrement élevé dans les services. Sur la base des premiers mois de 2023, l’amorce de la saison touristique s’annonce prometteuse, avec des dépenses dépassant désormais les niveaux d’avant la pandémie. La désinflation semble plus avancée dans le sud que dans le nord de l’Europe, de quoi atténuer le choc sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Les perspectives de croissance du PIB réel s’en trouvent soutenues.

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