Quelle est la valeur de nos données personnelles?

Vincent Pignon et David Delmi, Wecan Group

3 minutes de lecture

Chronique blockchain. Métavers, blockchain, réalité virtuelle et augmentée: quels en seront les impacts sur le pétrole digital que sont nos données personnelles?


L’annonce n’est pas passée inaperçue. Le 28 Octobre 2021 l’entreprise Facebook changeait de nom afin d’annoncer sa stratégie pour la prochaine décennie, et d’essayer de laisser derrière elle les nombreux scandales révélés depuis Cambridge Analytica en 2018. A l’instar d’Alphabet, ex-Google, le géant détenteur des applications Facebook, Whatsapp, Instagram ainsi que des casques de réalité virtuelle Oculus en profitait lui aussi pour distinguer le nom de sa maison mère de son application phare créée en 2004.

Mais si le terme de métavers était encore inconnu du grand public et des médias traditionnels, il ne l’était pas des spécialistes du domaine. Ce dernier provient du livre de Neal Stephenson, Le Samouraï virtuel, paru en 1992. Son origine n’est pas anodine. Son inventeur désirait apporter une nomenclature plus appropriée au terme réalité virtuelle avec ce néologisme mariant le mot univers avec le terme méta (ndlr: du grec ancien metá pour au-delà).

Le changement de nom de Facebook s’inscrit dans la continuité d’un débat bien marqué dans la Silicon Valley: que faire des innombrables données des utilisateurs? Deux visions s'affrontent depuis une quinzaine d’années, avec comme représentants principaux Facebook (désormais Meta) et Apple.

D’un côté la firme à la pomme a opté pour un business model clair: des produits avec des prix élevés, mais aucune revente de données personnelles. De l’autre, l’entreprise des réseaux sociaux et sa gratuité d’apparence attrayante, mais aux conséquences importantes. En agrégeant la masse de données de ses utilisateurs, et en maîtrisant le Big Data, Facebook a construit un modèle d'affaires basé sur la publicité qui n’a cessé de croître. Au passage, plusieurs scandales ont éclaté, démontrant, malgré les négations répétées de ses dirigeants, que les données des utilisateurs ne leur appartiennent plus vraiment.

La confiance numérique étant ici l'élément central, les mécanismes d’encryption «zéro knowledge» et la technologie blockchain vont jouer un rôle clé.

La statistique la plus parlante concernant la monétisation massive des données des utilisateurs de Facebook est celle du revenu moyen par utilisateur (ndlr: Average Revenue Per User - ARPU). Le réseau social générait 5 US$ par an par utilisateur en 2011, contre plus de 32 US$ en 2020.

Mais si Facebook est sous le feu des projecteurs avec ses nombreux scandales, l’entreprise de Mark Zuckerberg est loin d'être la seule à profiter des données de ses utilisateurs. Google, Amazon, Twitter, Alibaba, Tencent et son application phare Wechat ou encore l’ultra populaire TikTok, propriété du chinois ByteDance, pour ne citer que les plus célèbres géants de la Tech, ont tous des modèles d’affaire partiels ou entiers basés sur la monétisation extrême des données personnelles.

Fort de ce constat, de nombreux projets ont été initiés, visant à redonner le contrôle et la propriété des données personnelles aux utilisateurs. La confiance numérique étant ici l'élément central, les mécanismes d’encryption «zéro knowledge» et la technologie blockchain vont jouer un rôle clé.

Plusieurs projets basés sur la blockchain et désireux de redonner le contrôle des données aux utilisateurs sont désormais accessibles. Ils permettent à ces derniers de choisir eux-mêmes les données qui seront partagées, et de monétiser ce droit d'accès. Le navigateur Brave permet de décider si on souhaite avoir de la publicité ou la bloquer et d’être rémunéré avec le token associé. Ocean Protocol permet l’échange décentralisé des données directement à des entreprises qui les achètent. De même Datum permet la revente de données personnelles en échange d’un token DAT. Derniers exemples avec Doc.AI ou Medicalchain pour la vente de données médicales.

Plusieurs entreprises n’ont pas attendu les annonces de Facebook pour se lancer dans le Métavers. Plusieurs d'entre elles sont actives principalement dans l’univers du gaming. C’est le cas de Roblox Corporation et de leur jeu vidéo éponyme. De type sandbox, c'est-à-dire basé sur la créativité de ses joueurs, le jeu a pour objectif de laisser ses joueurs le construire au travers de sous-jeux: jeu de tir, course d'obstacle, escape game, etc. Bref, les joueurs créent ici le métavers.

Le coronavirus n’aura fait qu’accélérer ce phénomène, le nombre de cyberattaques et la vulnérabilité des organisations et des individus quant à leurs données personnelles.

Élément central dans Roblox, la monnaie virtuelle Robux permet d’effectuer toutes les transactions dans le jeu. Les joueurs peuvent en gagner en créant des sous-jeux dont la popularité déterminera leur rétribution en Robux, ou s’en procurer en les achetant avec de la monnaie traditionnelle. Les Robux permettent aux joueurs de payer de la publicité pour leur propre sous-jeux, ainsi que d’acheter des objets dans le métavers de Roblox. Le lien avec les NFT est facile à imaginer.

Mais le problème actuel réside dans le fait que la plupart des métavers sont centralisés. Une spécificité qui pourrait bien changer avec l’ajout de la technologie blockchain.

L’enjeu est dorénavant de permettre de faire le lien entre le monde physique et le monde virtuel. Jusqu’à présent, nous pouvions stocker nos documents dans des classeurs et nos valeurs dans des coffres forts, soit chez nous, soit chez des tiers de confiance. Mais avec le numérique, comment faire confiance?

Le coronavirus n’aura fait qu’accélérer ce phénomène, le nombre de cyberattaques et la vulnérabilité des organisations et des individus quant à leurs données personnelles.

Lastpass ou Onepassword ont été parmi les premiers à permettre de sécuriser les mots de passe et accès. Mais qu’en est-il des données et documents?

Proche de chez nous, l’entreprise Suisse Wecan Group proposera dès 2022 des coffres forts numériques, «zéro knowledge», pleinement auditables grâce à la blockchain et qui permettront de se prémunir des conséquences éthiques à venir des stratégies de reventes massives de données des Big Tech actuelles.

La conscience collective des impacts futurs est malheureusement encore faible et l’enjeu est d’appréhender les enjeux sociétaux, sociaux, environnementaux et économiques et de prendre les mesures à notre portée.

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