Momentum japonais

Salima Barragan

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Le Japon est-il de retour? Les secteurs cycliques vont-ils surperformer? Insights avec Yutaka Uda, fondateur et CIO de Evarich Asset Management, Tokyo.

 

Uda San, pionnier dans la gestion active sur actions japonaises, gère la stratégie d’investissement  E.I. Sturdza Nippon Growth Fund depuis 22 ans, avec une performance relative cumulée supérieure de 260% par rapport au TOPIX PR JPY sur la période. Cette  performance remarquable est attribuable au talent aiguisé d’Uda San à discerner les phases du cycle économique Nippon.

Le retour de la croissance

En 2015,  la croissance a été négative en raison de «l’insuccès» de l’un des trois piliers du plan «Abenomics»; la politique fiscale n’ayant pas atteint le résultat visé. «Ce n’est qu’en 2016 que le stimulus fiscal a commencé à déployer ses effets et a ramené l’économie à une croissance soutenue de 1,8% du PIB», explique Uda San. Aujourd’hui la croissance affiche 2% pourtant Uda San observe certaines carences dans sa composition. «Pour faire face aux pénuries de travailleurs, de chauffeurs,… et aux surcapacités, nous devrions utiliser les mécanismes «Abenomics» à meilleur escient afin d’augmenter la productivité. Les dépenses en capex doivent être renforcées mais  la peur de la déflation retient encore les entreprises à investir. La persistance des taux négatifs détériore leur confiance».

La BoJ a dernièrement déclaré que l’économie nippone n’avait
désormais plus besoin du «remède des taux négatifs».

Certains sujets d’actualité suscitent des craintes au Japon. Mais Uda San se veut rassurant: «Abe a escompté l’impact probable de la prochaine hausse de la taxe à la consommation en annonçant des réductions fiscales additionnelles de 8% à 10%, ce qui rendra cette hausse viable». Le scandale qui touche Abe et sa femme est un sujet dérangeant à Tokyo, certains pensant que cela pourrait forcer le Premier Ministre à démissionner du parti démocratique. Uda San considère ce risque très faible: «Il y moins de 5% de probabilité qu’Abe ne soit pas réélu».

Vers une Bank of Japan plus «hawkish»

Uda San prévoit un prochain changement de la politique de la BoJ avec le démarrage d’un cycle de normalisation monétaire. La BoJ a dernièrement déclaré que l’économie nippone n’avait désormais plus besoin du «remède des taux négatifs». «Pour la première fois, la BoJ n’a pas annoncé de nouvelles échéances pour atteindre son objectif d’inflation à 2%. En reconnaissant que les taux d’intérêt négatifs n’ont plus d’effets sur l’économie, elle prépare le marché à la fin de l’ère du taux court à - 0,1%. L’institution pourrait annoncer lors de sa  prochaine réunion que la déflation est terminée. Cela sera un signal très fort pour les marchés », confie Uda San. Ces développements de la politique monétaire ont incité  le gérant à renforcer son exposition aux valeurs bancaires à hauteur de 17% du fonds. «L’augmentation des taux accroit directement les marges bénéficiaires des banques qui se traitent avec un P/E  de seulement 9,5x, ce qui est très bon marché», souligne Uda San.

Le rebond des matières premières

Uda San a une vue «contrariant» sur le pétrole et prédit un retour du baril à 100$. «D’un côté, la demande globale est en augmentation et de l’autre,  l’offre ralentit avec une production du pétrole de schiste qui devrait ralentir à partir de 2019 aux US.

«Uda San mise sur le secteur de la construction qui va profiter
des projets pharaoniques pour les jeux olympiques de 2020.»

L’archipel étant très dépendant du pétrole, on peut se demander quelle en serait la conséquence sur son économie. Uda San affiche un certain contentement: «le Japon est un pays énergétiquement efficient; un baril à 100$ aura peu d’impact et pourrait même aider à importer de l’inflation»; le baril à $100 est une situation que le monde a déjà supportée en 2011, 2012 et 2013. Uda San joue cette thématique via les sociétés de négoce qui sont en première ligne pour profiter du rebond. Similairement, il voit de la valeur dans le secteur de l’acier qui sera soutenu par de grands projets d’infrastructure en Chine, en Inde mais aussi aux États-Unis. «Les projets de construction américains de plateformes de forage en eaux profondes requièrent un acier spécial que Nippon Steel peut fournir», précise-il, quant à Kobe Steel nous avons eu d’excellent points d’entrée suite au scandale dont le titre a souffert. Enfin, Uda San mise également sur le secteur de la construction qui va profiter des projets pharaoniques pour les jeux olympiques de 2020. En revanche, le secteur de la technologie n’a pas ses grâces. «La technologie au Japon n’est pas aussi avancée qu’en Chine ou aux US» avoue-il. De plus, il évite le secteur des semi-conducteurs car il estime que le marché des smartphones devient saturé.

Globalement les actions japonaises se traitent avec une décote (P/E 13,73x). «Les valorisations actuelles sont raisonnables pour une économie similaire à celle des années 2005-2006» estime Uda San, qui prévoit un retour des valorisations autour de 20,1x pour mi-2019, soit un potentiel de hausse de marché de plus de 35%. Le P/E actuel du fonds est de 12,12x avec un P/B de 0,97 comparé à 1,29 pour le Topix.

Les disputes commerciales sino-américaines pourraient impacter le Japon en tant que partenaire commercial important de la Chine. Mais selon Uda San, Xi-Jinping souhaite régler ce différend et une solution devrait être annoncée en juin. «La probabilité d’un échec étant négligeable,  cela devrait soutenir la croissance des titres japonais», conclut-il.