Le yuan n’est pas fait pour remplacer le dollar

Levi-Sergio Mutemba

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Entre une devise contrôlée et une devise sans frontière, l’or attire par sa neutralité.

©Keystone

Monnaie de réserve mondiale, principale devise pour les transactions internationales, le dollar règne en maître. Mais en maître contesté. Après le yen dans les années 90, l’euro au début des années 2000, c’est au tour du yuan d’être présenté comme le nouveau challenger capable de se substituer au dollar en tant que référence mondiale.

L’idée n’a jamais trouvé un aussi large écho. Idée alimentée par l’extraterritorialité du dollar (sanctions, confiscations de biens libellés en dollars en dehors du sol américain), perçue comme reposant davantage sur des bases morales que légales. On cherche alors des alternatives. Comme l’Arabie Saoudite, dont un quart des exportations de pétrole est destiné au marché chinois. Riyad évalue ainsi la possibilité d’accepter le yuan pour ses règlements. Rappelons également que, depuis avril, les entreprises brésiliennes ont la possibilité de régler leurs échanges en yuan.

Le poids économiques des pays alignés sur la chine ne représente que 6% du commerce mondial.

Ceci ne fait que renforcer le système de paiements interbancaires transfrontaliers de la Chine (CIPS), concurrent du système SWIFT dominé par le dollar. Et nul besoin de se fâcher avec l’Amérique pour choisir de se rapprocher des Chinois. En effet, l’expansion économique chinoise, pour autant qu’elle se poursuive, attirera inéluctablement un nombre croissant de partenaires commerciaux – alliés ou non du bloc occidental - dans son orbite monétaire.

L’un des signes de déclin du dollar se voit notamment dans les statistiques sur la détention de la dette publique américaine par les étrangers. Ceux-ci ne détiennent plus que 30% du total des Treasuries contre 40% en 2018. La Chine n’en détient plus que 11% (900 milliards de dollars) contre près de 18% quatre ans plus tôt. Le Brésil, qui en était le troisième plus important acheteur, ne figure même plus dans le classement des premiers détenteurs.

A eux seuls, ces chiffres ne disent pourtant pas toute la vérité. La moitié de toutes les transactions continuent en effet d’être facturées en dollars. Bien que les banques centrales réduisent leurs achats de Treasuries, celles-ci n’en pèsent pas moins pour 60% de leurs réserves de changes. Rappelons également que 90% de toutes les transactions réalisées sur le marché des changes impliquent la devise américaine.

Quant aux nouveaux alliés de la Chine, quel peut être leur poids économique? «Bien que le commerce entre les pays alignés sur la Chine continue de croître, celui-ci ne représente que 6% du commerce mondial», écrit Neil Shearing, Group Chief Economist au sein du cabinet de recherche Capital Economics, à Londres. «Par contraste, plus de 50% du commerce mondial est réalisé au sein du bloc dollar et plus de 80% des échanges globaux impliquent un pays aligné sur les États-Unis», renchérit l’économiste britannique.

«L’or est une monnaie sans risque de contrepartie et sa rareté constitue une protection forte contre les conséquences inflationnistes.»

«Bien que la Chine soit la deuxième puissance économique de la planète, sa monnaie ne constitue que 3% des réserves de changes mondiales, contre plus de 59% pour le dollar», renchérit Christopher Boudin de l’Arche, Deputy CIO chez Noble Capital Management (NCM) à Genève, contacté par Allnews. «Tant que la Chine maintiendra un contrôle fort sur le yuan et sa convertibilité, les banques centrales se montreront réticentes à en accumuler davantage et le renminbi aura beaucoup de mal à s’imposer sur la scène internationale», estime-t-il.

Pour ce dernier, le principal bénéficiaire d’une guerre des monnaies fiduciaires ne peut être qu’une devise vieille de quatre ou cinq millénaires. «Il est clair que les acteurs économiques sont en quête d’alternatives au billet vert et ce n’est pas un hasard si les achats d’or physique des banquiers centraux ont battu de nouveaux records en 2022», poursuit Christopher Boudin de l’Arche. «En effet, l’or est une monnaie sans risque de contrepartie et sa rareté constitue une protection forte contre les conséquences inflationnistes actuelles après vingt années de politiques monétaires ultra accommodantes.» Christopher Boudin de l’Arche ajoute qu’il n’a «jamais cru à une inflation transitoire ou simplement post-covid»

Les banques centrales ont en effet acheté 1136 tonnes d’or l’an dernier, soit leur plus importante acquisition annuelle depuis 1950. Les données du World Gold Council (WGC) montrent en outre que la plupart de ces achats proviennent de pays émergents ou BRICS. A commencer par la Russie, dont les avoirs sont passés d’un poids total de 1208 tonnes en 2014 contre plus de 2300 tonnes actuellement. Ceux de la Chine ont presque doublé pour atteindre 2000 tonnes. Au contraire, Etats-Unis (8133 tonnes), Allemagne (3355), Japon (845), France (2436), Suisse (1040) se sont gardés d’en accumuler. Notons, cependant, que depuis fin 2015, l’or s’est apprécié de 80% à 1910 dollars environ.

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