La Suisse se hisse au troisième rang européen pour la gestion d’actifs

Yves Hulmann

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Selon l’Asset Management Association Switzerland (AMAS), les actifs sous gestion de l’ensemble du marché suisse de l’asset management ont dépassé ceux de l’Allemagne en 2023.

©Keystone

Portés par un quatrième trimestre favorable sur les marchés, les actifs sous gestion dans l’asset management en Suisse ont nettement augmenté en 2023. Grâce à des gains de performance de 43,4 milliards, plus un afflux net de nouveaux capitaux de 5,8 milliards de francs, les actifs sous gestion sur le marché suisse des fonds ont augmenté de 49,2 milliards de francs sur un an pour s’établir à 1’371,3 milliards de francs à fin 2023 (+3,3% sur un an). Une part importante de la progression observée est sans surprise imputable à la bonne performance des fonds en actions qui représentent 44% du total avec 607,8 milliards (performance de +6,7%), mais aussi à celle des fonds mixtes (+3,6%) et des fonds obligataires (+1,5%).

15,8 milliards de francs ont afflué dans les seuls fonds monétaires

Si l’on considère l’évolution sous l’angle des afflux ou des reflux nets de fonds, 2023 a été marquée avant tout par les importants afflux dans les fonds monétaires à hauteur de 15,8 milliards de francs. «Aussi bien 2022 que 2023 peuvent être considérées comme «des années de fonds monétaires», a souligné Adrian Schatzmann, le directeur de l’Asset Management Association Switzerland (AMAS). Depuis le premier trimestre 2022, plus de 34 milliards de francs ont afflué dans les fonds du marché monétaire qui représente une «alternative bienvenue pour les investisseurs peu enclins à prendre des risques», juge-t-il. En comparaison, les fonds en actions ont, eux, bénéficié d’un afflux de près de 3,7 milliards de francs en 2023.

«Nous nous attendons à ce que UBS et Credit Suisse, de manière cumulée, voient leurs parts de marché combinées se réduire à l’avenir», a analysé Adrian Schatzmann.

N°3 en Europe après le Royaume-Uni et la France

En plus de la gestion de fonds proprement dite, l’AMAS prend aussi en compte dans ses statistiques les mandats discrétionnaires gérés pour le compte des clients institutionnels. L’AMAS prévoit pour 2023 une augmentation d’environ 5% du montant total des actifs sous gestion de l’ensemble du marché suisse de l’asset management à quelque 3020 milliards de francs à fin décembre dernier, comparé à 2878 milliards de francs un an plus tôt. En comparaison européenne, la Suisse (avec un montant équivalent à 2852 milliards d’euros) se place désormais au troisième rang pour la gestion d’actifs après le Royaume-Uni (9923 milliards d’euros) et la France (4589 milliards). L’Allemagne (2748 milliards) et les Pays-Bas (1841 milliards) viennent ensuite. Pour Iwan Deplazes, président de l’AMAS, il n’y a pas de doute que «l’asset management est un pilier de la place financière suisse». La progression de la Suisse au troisième européen en tant que site pour la gestion d’actifs en est la preuve, souligne-t-il.

UBS et CS restent en tête mais perdent des parts de marché sur une base combinée

Les statistiques publiées chaque année par l’AMAS sont aussi l’occasion de scruter de près l’évolution des parts de marchés entre les différents prestataires au sein de la branche. Sans surprise, ce sont toujours UBS avec 25% (25,6% en 2022) et Credit Suisse avec 12,6% (13,7% en 2022) qui occupent les deux premières places du classement. En dépit de l’annonce de la fusion en mars 2023, les chiffres des deux établissements sont toujours présentés séparément tant que les fonds restent désignés sous des marques distinctes. «Nous nous attendons à ce que UBS et Credit Suisse, de manière cumulée, voient leurs parts de marché combinées se réduire à l’avenir», a analysé Adrian Schatzmann, qui s’exprimait lors de la présentation des chiffres de l’AMAS lundi à Zurich. D’une part, car UBS va progressivement fusionner certains de ses fonds avec ceux de Credit Suisse. D’autre part, parce que certains investisseurs préfèrent éviter une exposition trop importante à une seule institution financière.

Dans l’intervalle, aussi bien Swisscanto avec une part de marché de 10,3% en 2023 (8,9% en 2022), BlackRock avec 7,3% (6,7%) et Pictet avec 5,8% (5,6%) semblent avoir déjà profité de cette tendance. L’occasion aussi pour Iwan Deplazes de souligner que le marché du travail reste «intact» dans le domaine de la gestion d’actifs. «Dans l’ensemble, il n’y a pas eu de pertes de places de travail dans ce segment», analyse le président de l’AMAS.

Frais de gestion: tenir compte des rendements, pas seulement des coûts

La conférence de presse de l’Asset Management Association Switzerland (AMAS) a aussi été l’occasion lundi de faire le point sur quelques sujets d’actualité en lien avec la prévoyance. A ce sujet, l’association basée à Bâle qui compte actuellement près de 180 membres a tenu à souligner que la gestion d’actifs a, en tant que «troisième cotisant» contribué à hauteur de quelque 450 milliards de francs à la prévoyance professionnelle depuis 2004. A propos du référendum sur la réforme de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) au sujet duquel les Suisses devront prononcer en mars, Michel Bosson, expert senior en prévoyance de l’AMAS, a insisté sur le fait que cette réforme permettra aux bas salaires et aux travailleurs à temps partiel d’accéder aux revenus du marché des capitaux, et donc aussi au «troisième cotisant», afin de renforcer le processus d’épargne. L’amélioration de l’épargne sera particulièrement significative pour les personnes qui perçoivent un salaire situé entre 25'000 et 55'000 francs par an, alors qu’elle aura peu d’impact pour quelqu’un qui gagne plus de 88'000 francs par an, a-t-il illustré au moyen d’un graphique. 

La question des frais de gestion dans le deuxième pilier est un thème récurrent. A ce sujet, les spécialistes de l’AMAS ont rappelé que les frais de gestion des caisses de pension atteignaient, en moyenne, 0,57%. C’est certes davantage que pour l’AVS (0,2%), mais il s’agit d’une institution qui applique une stratégie de placement très différente, a relevé Michel Bosson. En revanche, les frais de gestion des caisses de pension suisses se rapprochent d’institutions de prévoyance jouant un rôle similaire à l’étranger telles que ABP Holland aux Pays-Bas avec 0,51% ou la CPP (Canadian Pension Board) avec 0,67%. 

Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte non seulement des frais de gestion mais aussi de la performance nette (rendement moins les frais de gestion) réalisée par les caisses de pension, juge l’AMAS. A cet égard, l’association observe qu’il y a certaines caisses de pension, à l’exemple de celle de la Ville de Zurich (PK der Stadt Zürich), qui ont certes des coûts de gestion plus élevés que la moyenne mais dont la performance nette sur 5 ans a également dépassé celle réalisée par de nombreuses autres institutions de prévoyance. «Tout le monde parle des coûts mais personne ne parle des rendements réalisés», a déploré à ce sujet Iwan Deplazes, le président de l’AMAS. 

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