La consommatrice chinoise ou l’émergence de la «SHEconomy»

Winnie Chiu, Indosuez Wealth Management

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Les dépenses annuelles des femmes chinoises atteignent un montant proche de celles des marchés de détail européens combinés de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France.

Un vent nouveau souffle sur les femmes en Chine. La «SHEconomy» émerge portée par l’augmentation du niveau d’études des femmes, leur présence renforcée sur le marché du travail, et les transformations sociétales. Une tendance appelée à se développer dans les prochaines années.

La «SHEconomy» fait désormais partie intégrante de l'économie chinoise et ce n’est qu’un début. Actuellement, 56% des Chinoises ont fait des études supérieures, contre 46% des hommes. Selon Lean in China, une plateforme qui se concentre sur le leadership féminin, près de 63,3% des Chinoises ont un emploi, un chiffre bien plus élevé que le niveau moyen constaté dans la région Asie-Pacifique. Avec 400 millions de consommatrices âgées de 20 à 60 ans, les dépenses de consommation annuelles des seules femmes chinoises atteignent 10’000 milliards de yuans, un montant proche des marchés de détail européens combinés de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France.

Afin de capitaliser sur cet énorme pouvoir d'achat, les marques de luxe ont annoncé des augmentations de prix début 2021.

On estime qu'en 2019, à l'échelle mondiale, les consommatrices chinoises ont dépensé environ 700 milliards de dollars en produits de luxe. Afin de capitaliser sur cet énorme pouvoir d'achat, les marques de luxe ont annoncé des augmentations de prix début 2021, et ce malgré la pandémie. Gucci a augmenté le prix de ses sacs à main de 20%, tandis que d'autres sociétés de luxe telles que Hermès, Louis Vuitton et Chanel ont augmenté leurs prix de 1 à 13%.

Les consommatrices instillent même leur empreinte au sein de marques traditionnellement masculines comme l'automobile, les investissements et la technologie. C'est le cas de Mercedes-Benz, qui a lancé avec succès une campagne dédiée aux «femmes indépendantes» sur la plateforme chinoise de médias sociaux Xiaohongshu. La société de trading en ligne Futu, cotée au Nasdaq, disponible à Hong Kong, en Chine continentale, aux Etats-Unis et à Singapour, a indiqué que sa clientèle féminine à Hong Kong avait été multipliée par cinq en glissement annuel à partir de mars 2021, tandis que les clients masculins avaient un taux de croissance plus faible de trois fois au cours de la même période.

Le «She power» a également pénétré le secteur des jeux vidéo. En 2019, le nombre de «gameuses» a connu une forte croissance et représente aujourd’hui 46% des 650 millions de joueurs chinois. En janvier 2021, les utilisatrices chinoises ont passé en moyenne 48,8 heures sur des applications vidéo courtes, contre 32,6 heures en 2020, selon un rapport de QuestMobile. Selon Mob Tech Report, la consommation des femmes sur les plates-formes de commerce électronique est en grande partie due au nombre de femmes internautes: 530 millions en 2020, soit 45,4% de l'ensemble des internautes, et 100 millions d'utilisatrices actives, soit 58,5% du total des utilisateurs.

Les moyens financiers élevés des consommatrices conjugués aux transformations sociétales ont contribué à créer une nouvelle vague de culture de consommation féminine.

Outre les dépenses en produits de luxe, les jeunes femmes prêtent une attention toute particulière à leur santé. Cet engouement s'est élargi et touchent désormais tous les aspects du bien-être, des cosmétiques aux les compléments alimentaires naturels en passant par le développement personnel. Les moyens financiers élevés des consommatrices conjugués aux transformations sociétales ont contribué à créer une nouvelle vague de culture de consommation féminine, baptisée «Please Myself». Quelques indicateurs de cette tendance: le nombre de femmes faisant l’acquisition de gants de boxe sur Tmall a doublé l'année dernière. La moitié des consommateurs chinois de compléments alimentaires en ligne sont des femmes de moins de 30 ans. Cela sans compter le nouveau concept de «santé punk» ou péngkè yǎngshēng: des compléments d’herbes chinoises associés à des produits typiques d’un mode de vie urbain, tels que le café et le soda, dans l'espoir d'obtenir des résultats plus sains.

Les femmes chinoises devraient dépenser environ 1,2 trillion de dollars en 2022, selon Emerging Communications. Il s'agira d'un coup de pouce significatif aux dépenses discrétionnaires des consommateurs, notamment les voitures, les smartphones, les produits de luxe et les services dits de «lifestyle». Cette évolution, associée à un changement de politique en faveur de la croissance et à un rétablissement plus complet de la liquidité financière de la Chine, devrait remettre les valeurs de consommation sous les projecteurs des investisseurs.

Le goût croissant des femmes chinoises pour les dépenses exige une attention accrue. L'époque où elles se contentaient d'être «la femme au foyer» et «la mère aimante» est révolue. Aujourd'hui, elles sont en quête d’autonomie et d’indépendance. Les marques et leurs publicitaires ne doivent pas baisser la garde!

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