Hydrogène: nouveau paradigme «techno-économique»?

Olivier Robert, BCGE

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Quand la prophétie d’un écrivain devient opportunité d’investissement.

© Loris von Siebenthal

Antoine Lavoisier (1743-94), père de la chimie moderne, invente aussi le nom de l’hydrogène, du grec «Hydro» qui signifie eau et «Genes», né de, littéralement né de l’eau. En 1874, Jules Verne et son génie visionnaire, donne à l’hydrogène, sa place à un futur mix énergétique: «Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir». Un siècle plus tard, le deuxième choc pétrolier passé (1979-91), la prophétie vernienne, est en phase de prendre forme. En 1990, la Bavière met en service la première centrale de production d’hydrogène par énergie solaire, et l’hydrogène apparait comme la solution miracle malgré son inefficience coût-technologie. L’émergence de la batterie ion-lithium en 1991, de Sony Corporation, fera pencher le paradigme «techno-économique», vers cette dernière innovation.

30 ans plus tard, le paradigme «techno-économique» se retrouve-t-il en faveur de l’hydrogène, et plus particulièrement l’hydrogène vert ? Après 20 années de financement ciblé, de recherche fondamentale, de progrès sur les matériaux nanostructurés, les piles à combustibles ont connu des avancées technologiques significatives. A puissance identique, une pile à combustible coûte 30 fois moins cher, son volume a été divisé par 50 et sa durée multipliée par 40 ou 50 fois selon les usages. Au regard des sommes annoncées par les derniers plans d’investissement étatiques ainsi qu’une coordination des industriels plus efficiente, une accélération des progrès technologiques est prévisible. Au niveau économique, les étoiles s’alignent aussi pour que l’hydrogène vert devienne une énergie compétitive. Le Department of Energy américain estime un prix de EUR/kg 3.00 d’hydrogène pour une viabilité étendue à de nombreuses applications. Actuellement, et ce malgré des économies d’échelle quasi-inexistantes le prix de l’hydrogène vert oscille autour de EUR/kg 5-6.00. Avancées technologiques, électrolyseurs de dernière génération et de grande capacité (HydrogenPro…) sont quelques éléments qui permettront d’atteindre un prix de EUR/kg 2-3.00. Par ailleurs, avec un prix des émissions CO2 grandissant, le paradigme «techno-économique» favorise l’hydrogène vert contre le marron ou gris.

Une exposition indirecte via des grands groupes industriels bénéficiant du changement du paradigme techno économique reste l’un des moyens les plus robustes pour s’exposer à l’hydrogène.

Alors que les prémices d’une technologie de rupture se dessinent, les épargnants devraient se positionner pour y participer. Mais les difficultés y sont nombreuses. Plus de 1’000 sociétés sont membres de l’alliance Européenne de l’Hydrogène. Néanmoins, les sociétés cotées communément assimilées à la révolution hydrogène sont seulement comprises entre 25 et 55 en fonction de l’importance de cet atome dans la marche de leurs affaires. Moins de 10 ETFs apparentés à l’hydrogène, aux performances peu homogènes, sont accessibles aux épargnants les plus téméraires. 16 sociétés (8 en Europe, 6 en Amérique du nord et 2 en Asie) sont présentes dans la majorité de ces ETFs et seulement 1 coréenne fait l’unanimité. La profitabilité de ces dernières est encore rare, provenant souvent d’autres activités à l’instar d’Air Liquide, acteur mondial des gaz destinés à l’industrie. Dans l’ensemble, nombreuses semblent bien capitalisées mais certaines dépassent des taux de dette sur fonds propres de 60%.

Avec un échantillon restreint (3 sociétés cotées ont survécu aux années 1990), il est difficile d’évaluer les facteurs déterminants de leur valorisation. Toujours majoritairement déficitaires, les performances de ces sociétés ne peuvent s’expliquer par les profits. Reste le sentiment des investisseurs quant à la réalisation de la prophétie. Malgré des parcours boursiers bien différenciés dans le temps, un investissement en 1999 dans ces dernières sociétés a procuré un rendement compris entre -81,3% et -99,6% alors que les actions monde s’appréciaient de +287,9%. L’investisseur averti devra temporiser son exposition dans l’économie hydrogène. A l’instar du passé, une avancée technologique pourrait mettre à mal l’économie hydrogène (par exemple une nouvelle batterie). La révolution énergétique, en chemin, ne se fera pas rapidement. Une exposition indirecte via des grands groupes industriels bénéficiant du changement du paradigme techno économique reste l’un des moyens les plus robustes pour s’exposer à l’hydrogène. Pour les investisseurs les plus qualifiés, y compris les fonds de placement activement gérés, certains investissements spécifiques dans des entreprises «100% hydrogène» accroitront raisonnablement la diversification.

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