Evergreen et private equity: la nouvelle cheville ouvrière?

Christophe Borer, BCGE

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Les structures perpétuelles attirent de plus en plus l'attention en tant que véhicule d'investissement alternatif permettant également d’attirer des investisseurs privés.

Les investissements en private equity sont le choix privilégié parmi les investisseurs institutionnels à la recherche de rendements plus élevés, de diversification de portefeuille et d'accès à un ensemble unique d'opportunités d'investissement. Traditionnellement, ces investissements sont réalisés en assemblant patiemment un portefeuille de fonds de private equity à échéance prédéfinie, dit fermé. Cependant, les structures perpétuelles attirent de plus en plus l'attention en tant que véhicule d'investissement alternatif permettant également d’attirer des investisseurs privés. Les fonds perpétuels «Evergreen» peuvent-ils devenir le fer de lance de l’industrie?

La structure perpétuelle

Les structures de private equity dites Evergreen, semblent présenter trois avantages majeurs attirant les investisseurs. Premièrement, ils ne comportent pas de date de fin préétablie et offrent un modèle de souscription continu, permettant aux investisseurs de s'engager en permanence en versant des capitaux et en retirant des profits en cours de route. Ils déchargent également les investisseurs des tâches d’administration inhérentes aux fonds fermés. En second lieu, en souscrivant à ces structures, l’investisseur peut rapidement gagner un accès à une pleine exposition effective et diversifiée en private equity. Elle est obtenue via des investissements secondaires ou des co-investissements que le fonds garde en stock afin de déployer le capital dès la souscription. L’investisseur s’épargne ainsi la période de construction nécessaire à une bonne diversification d’un portefeuille en fonds fermés. Enfin, les véhicules perpétuels permettent, d’optimiser le processus de ré-investissement pour le bénéfice des investisseurs. Cela est précieux, car cela donne accès, même aux plus petits investisseurs, aux rendements composés.

Pour les situations extrêmes, les gérants se réservent le droit de suspendre les mécanismes de liquidité. Ce qui peut rendre l'accès aux capitaux, lorsque cela est nécessaire, difficile, voire impossible.

Cependant, comment expliquer la relative faible percée de ces structures dans l’univers des fonds de private equity? Le défi le plus important posé par ces dernières, est l'absence d'une stratégie de sortie préétablie. Les fonds de private equity traditionnels ont une date d'expiration naturelle, ce qui permet la planification des stratégies de sortie, des événements de liquidité et d’une gouvernance en termes de (re)allocation de capital. En revanche, les fonds perpétuels obligent les investisseurs à déterminer leur timing de sortie, ce qui peut poser problème s'il existe des objectifs financiers spécifiques ou des exigences réglementaires. Bien que la liquidité soit l’un des principaux arguments de vente, elle est très limitée et les investisseurs doivent faire face à un mécanisme de rationnement appelé gating, généralement de 5% par trimestre avec un préavis de 3 à 12 mois. Pour les situations extrêmes, les gérants se réservent le droit de suspendre les mécanismes de liquidité. Ce qui peut rendre l'accès aux capitaux, lorsque cela est nécessaire, difficile, voire impossible. Cela fait écho aux situations extrêmes vécues par les fonds perpétuels de Hedge fund en 2007.

Ce mécanisme de liquidité contraint le gérant à garder en cash, généralement autour de 10% des AUM, pour faire face aux demandes des investisseurs et éviter de devoir vendre des actifs en position sans pouvoir en optimiser le prix, ce qui impacterait négativement les investisseurs restants. De ce fait, le dernier investisseur «sorti» subit les dilutions imposées par les premiers sortant. Par ailleurs, la nature perpétuelle des fonds peut conduire à une valorisation quasi-continue de la structure. L’évaluation d’actifs dans le domaine du private equity étant de nature complexe, devoir l’établir constamment, peut mener à des incertitudes de valorisation des actifs détenus par le fonds sur le long terme. Les investissements pouvant être maintenus indéfiniment, la projection de la performance future est plus complexe et sujette à des facteurs inconnus.

Approfondissement des réflexions

La décision d'investir dans les structures de private equity perpétuelles doit être basée sur une réflexion approfondie. Bien que les structures perpétuelles offrent de la flexibilité et un déploiement continu de capitaux, elles comportent également des défis tels que l'absence d'une stratégie de sortie préétablie, une liquidité limitée et des problèmes potentiels liés à la dilution de valorisation. À mesure que le paysage du private equity évolue, les structures perpétuelles continuent à gagner en importance et en reconnaissance parmi les investisseurs. Elles offrent une approche différente et leur attractivité dépendra en grande partie des besoins et des objectifs spécifiques des investisseurs, ainsi que de leur capacité à naviguer dans les complexités et dans les incertitudes inhérentes aux véhicules d'investissement perpétuels.

Certes, pour les investisseurs ayant une surface financière réduite ce type de véhicule permet de construire efficacement et rapidement une allocation au private equity. Pour les investisseurs institutionnels, les fonds Evergreen représentent une option intéressante permettant de gérer activement leur allocation au private equity à la marge, mais n’est aucunement un instrument visant à remplacer un portefeuille bien construit et diversifié de fonds fermés.

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