Des perspectives moroses pour les actions américaines

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il y a dix jours, le S&P 500 a grimpé de 1,8% dans le sillage de l’adoption par le Congrès américain d’un accord sur la suspension du plafond de la dette jusqu’en janvier 2025.

© Keystone

Ces dernières semaines, l’impasse politique autour de ce plafond était une source d’incertitude pour les marchés compte tenu du risque d’un défaut sans précédent des Etats-Unis. Le rebond de soulagement a permis au S&P 500 de porter sa progression depuis le 1er janvier à 12% environ.

Stabilisation des taux

Les marchés ont également salué les déclarations de hauts responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui ont laissé entrevoir une pause dans le cycle de relèvement des taux directeurs lors de la réunion du comité de politique monétaire vers la fin du mois.

«Nous devrions au moins faire l’impasse sur un relèvement des taux lors de cette réunion (juin)», a déclaré le président de la Fed de Philadelphie Patrick Harker, avant de préciser que «le moment où nous pourrons stabiliser les taux n’est plus très loin». Enfin, les investisseurs internationaux semblent avoir été rassurés par la décrue plus marquée que prévu de l’inflation en zone euro au mois de mai.

Cependant, le profil risque/rendement des actions reste défavorable, notamment aux Etats-Unis. Explications en trois points.

1. Le dynamisme du marché de l’emploi et la persistance d’une forte inflation ne permettent pas encore à la Fed de justifier la fin du cycle de relèvement des taux directeurs

Les récentes statistiques économiques confirment que le marché du travail américain reste trop tendu pour que les responsables monétaires soient sereins. Le nombre de postes à pourvoir est reparti à la hausse en avril après trois mois consécutifs de baisse.

La hausse des actions reste tirée par une poignée de valeurs technologiques. L’indice FANG+, qui suit la performance des dix valeurs technologiques les plus négociées aux Etats-Unis, est en hausse de 66% cette année.

Les chiffres de l’emploi en mai sont mitigés. D’une part, les 339 000 emplois créés sont largement supérieurs aux 190'000 prévus par les économistes. En outre, les chiffres de mars et d’avril ont été revus à la hausse à hauteur de 93 000 postes en cumulé.

Ces bons chiffres ont été en partie contrebalancés par une augmentation du taux de chômage, passé de 3,4% (au plus bas depuis 53 ans) à 3,7%. La progression du salaire horaire moyen a ralenti à 0,3%, contre 0,4% le mois précédent. Dans l’ensemble, ces chiffres ne semblent pas de nature à faire changer d’avis les responsables de la Fed, qui considèrent que le marché de l’emploi reste en surchauffe.

2. Les déclarations des responsables de la Fed continuent d’alimenter l’incertitude des marchés

Les cours des contrats à terme sur les Fed funds (fonds déposés par les banques commerciales ayant des exigences de réserves obligatoires auprès des Réserves fédérales régionales) ne reflètent plus qu’une probabilité de 30% pour un relèvement des taux lors de la réunion du 14 juin, contre 70% à la fin mai. Toutefois, les participants au marché tablent toujours résolument sur une nouvelle hausse des taux directeurs dans les mois à venir.

Certains responsables de la Fed suggèrent toujours qu’un nouveau tour de vis est nécessaire. Le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard, a publié une analyse actualisée qui suggère que les taux directeurs sont «désormais dans le bas de la fourchette qui peut être considérée comme suffisamment restrictif».

Par conséquent, même si la Fed laisse ses taux inchangés lors de sa réunion de juin, ses responsables pourraient laisser entendre par le biais du «dot plot» (le graphique des projections de taux des membres du comité de politique monétaire) qu’ils n’en ont probablement pas encore terminé avec le cycle de resserrement monétaire.

3. Le rebond du marché américain des actions semble vulnérable, aussi bien en raison des valorisations élevées que du faible nombre de titres en hausse

En effet, la hausse des actions reste tirée par une poignée de valeurs technologiques. L’indice FANG+, qui suit la performance des dix valeurs technologiques les plus négociées aux Etats-Unis, est en hausse de 66% cette année. En revanche, la variante équipondérée du S&P 500, qui dilue l’impact de ces géants technologiques, se contente d’une progression de 2,5% depuis le 1er janvier, contre 12% pour l’indice S&P 500 classique. Historiquement, ces rebonds tirés par une poignée de titres sont moins durables.

L’indice large S&P 500 présente un ratio cours/bénéfices prévus dans douze mois de 18,5, soit une prime d’environ 15% par rapport à sa moyenne des quinze dernières années. Les valeurs technologiques semblent particulièrement surévaluées, comme en témoigne la prime de 25% de l’indice MSCI All Country World Technology par rapport à sa moyenne des dix dernières années.

Privilégier les obligations

Par conséquent, les perspectives pour les indices boursiers américains restent défavorables. La Recherche d’UBS privilégie toujours les obligations aux actions dans sa stratégie mondiale, en mettant l’accent sur les segments obligataires défensifs et de meilleure qualité. En effet, ils offrent un rendement attrayant dans l’absolu et ils permettent de se couvrir contre les risques qui pèsent sur la croissance et sur la stabilité financière.

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