La Fed face au scénario du pire

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

L’inflation ne baisse plus

Les marchés ont poussé un ouf de soulagement vendredi après-midi. PCE Deflator et Core PCE étaient plutôt en ligne avec les attentes des investisseurs, ce qui n’était déjà pas si mal dans un environnement anxiogène. Dans ce contexte, le FOMC de demain nous promet deux moments forts, intimement liés. Tout d’abord, les fameux dot plots vont sûrement remonter pour enterrer le scénario des trois baisses de taux en 2024. Ensuite, les commentaires de Jerome Powell concernant l’inflation seront scrutés à la loupe. Les marchés tenteront de déceler si un mouvement supplémentaire de dot plots est envisageable le 12 juin prochain.

Nous estimons que ces chiffres PCE tant attendus n’étaient finalement pas les plus importants de la semaine qui vient de s’écouler. Nous avons eu, en effet, confirmation que l’inflation ne veut plus baisser mais nous le savions déjà. En revanche, plusieurs statistiques économiques nous ont conduits à nous inquiéter au sujet du ralentissement économique.


 

Mardi 23, les PMI sont sortis en baisse et assez largement au-dessous des attentes. Même si l’activité manufacturière ne représente plus qu’une quinzaine de pourcents dans le PIB, le passage en contraction (chiffre inférieur à 50) du PMI Manufacturing a jeté un froid. Jeudi 25, c’était au tour du PIB de décevoir. Avec seulement 1,6% au premier trimestre assorti d’une consommation privée passée de 3,3% à 2,5%, cela ressemble fort à un début d’essoufflement, surtout que, contrairement à l’industrie manufacturière, la consommation des ménages représente plus de deux tiers du PIB américain. Elle ne doit donc absolument pas flancher. Enfin vendredi, éclipsé par la sortie des chiffres PCE d’inflation, l’indice du sentiment de l’Université du Michigan est passé au second plan. Il a montré une légère baisse, plutôt inattendue mais reste toutefois le moins important des trois statistiques affichées dans notre tableau ci-dessus.

Nous pourrions même imaginer une situation qui pousserait la banque centrale à réduire ses taux à cause de la baisse de la croissance et non plus comme conséquence de la baisse de l’inflation.

S’il fallait tout de même trouver un espoir de bonne nouvelle dans ce tableau rempli de chiffres pessimistes, nous pourrions argumenter que la médiocrité du PMI Services pourrait rejaillir positivement à terme sur les chiffres d’inflation. En effet, ces derniers ont récemment été tirés par une inflation élevée dans le secteur des services. Si ce secteur se met à ralentir, il pourrait contribuer favorablement à la décrue des indices globaux d’inflation.

Stagflation is back

La Fed pourrait donc bien se retrouver en face du pire des scénarios : une inflation qui ne baisse plus (ou qui remonte même légèrement) et une croissance qui commence à faiblir sensiblement. Nous pourrions même imaginer une situation qui pousserait la banque centrale à baisser ses taux à cause de la baisse de la croissance et non plus comme conséquence de la baisse de l’inflation. Ce scénario baroque n’est pas farfelu, il a en tout cas le grand mérite de nous protéger contre une politique monétaire qui prendrait un virage restrictif. Les hausses de taux demandées par Monsieur Waller et ses amis vont devoir lutter contre un début de ralentissement. A ce rythme, dans six mois nous reparlerons de risque de récession !

C’est la raison qui nous pousse à vouloir remettre de la duration. Il s’agit peut-être d’une décision prématurée car tous les signaux convergent pour que le 10 ans aille tester le niveau-clé de 5%. Mais y arriverons-nous? Le 2 ans s’est déjà bien installé autour de ce «pivot» mais rechigne à monter plus haut alors que le 5 ans préfère rester proche du niveau du taux à 10 ans, laissant la pente 2-5 ans résolument négative (-35bp environ). Il y a six mois, le 10 ans touchait son plus haut à 5,02% le 23 octobre. Nous ne sommes pas restés très longtemps sur ce niveau qui a déclenché des vagues d’achats massives. Il a également coïncidé avec le virage dovish de la Fed marquant le début du magnifique rally des taux longs US en novembre-décembre. Certes, un double-top à 5% a du sens mais compte tenu du ralentissement économique en marche, nous jugeons plus judicieux de recommencer à racheter du 10 ans à partir de 4,80%. Ce sera peut-être chose faite dès demain soir: cela dépendra de Jay Powell et des dot plots. Bon FOMC et à mardi prochain pour un débriefing complet. 

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