La Cour suprême zurichoise annule la condamnation de Pierin Vincenz

AWP

2 minutes de lecture

Le ministère public va devoir déposer un nouvel acte d’accusation auprès du tribunal de district.

La Cour suprême du canton de Zurich a annulé le jugement de première instance contre l’ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz en raison de «graves vices de procédure». Le Ministère public va devoir déposer un nouvel acte d’accusation auprès de la première instance.

Le Tribunal de district de Zurich avait condamné Pierin Vincenz et quatre de ses associés en avril 2022 à des peines allant jusqu’à plusieurs années de prison. L’ex-patron de Raiffeisen avait écopé de trois ans et neuf mois de réclusion pour gestion déloyale par métier, abus de confiance, faux dans les titres et d’autres délits. Son principal associé était puni de quatre ans de prison.

Les accusés n’ayant pas accepté ce jugement, un procès en appel était agendé au mois de juillet prochain devant la Cour suprême zurichoise. Il n’en sera rien, cette dernière ayant admis les plaintes de la défense sur plusieurs vices de procédure.

Le Ministère public a failli

Ainsi, le droit des accusés d’être entendu sur plusieurs points essentiels a été violé dans le cadre de ce procès de première instance, constate la Cour. L’acte d’accusation n’était pas conforme au droit. En partie prolixe, il contient de nombreux arguments à l’appui de l’accusation, qui dépassent largement le cadre légal prévu pour un acte d’accusation.

Or, un acte d’accusation doit désigner le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, soulignent les juges cantonaux. Un prévenu doit pouvoir comprendre, sur cette base, ce qui lui est reproché. Selon la Cour suprême zurichoise, un acte d’accusation trop épais peut réduire à néant cette compréhension.

Dans le cas présent, les 356 pages de ce document contiennent des répétitions, des évènements et des éléments de contexte non pertinents. Par endroits, il déborde inutilement du cadre prévu. De ce fait, il anticipe les démarches juridiques suivantes, se rapproche d’une justification inappropriée et frise la plaidoirie initiale, indique la Cour suprême zurichoise mardi.

De plus, certains délits sont mentionnés de manière imprécise et généralisatrice dans l’acte d’accusation. Pour la Cour suprême zurichoise, ce dernier «ne répond pas, dans l’ensemble, aux exigences».

Droits d’un accusé francophone violés

En outre, un accusé francophone s’est vu refuser une traduction de l’ensemble de l’acte accusation. Seuls certains passages en ont été traduits. Ce refus constitue une violation grave du droit d’être entendu et viole le principe d’équité, estime la Cour.

Les juges cantonaux ont donc admis les griefs procéduraux des prévenus dans le cadre de l’appel qu’ils avaient déposé contre le jugement de première instance. Ils annulent ce jugement et renvoient l’affaire devant le Tribunal de district de Zurich afin que ce dernier tienne un nouveau procès.

Retour à la case acte d’accusation

Avant cela, le Ministère public doit remédier aux vices de procédure et déposer un nouvel acte d’accusation conforme au droit devant le tribunal de première instance, écrit la Cour suprême zurichoise. En revanche, la saisie des valeurs patrimoniales des accusés est maintenue.

La décision de la Cour suprême zurichoise est purement «technique». Les juges cantonaux ne se sont pas prononcés sur le fond de l’affaire, la procédure étant désormais reprise à partir du dépôt de l’acte d’accusation.

Participations cachées dans des sociétés

Le Tribunal de district de Zurich avait reproché à Pierin Vincenz et à son principal associé d’avoir, notamment, acquis de manière cachée des participations dans des sociétés qu’ils ont ensuite revendues à la banque Raiffeisen. De ce fait, ils auraient encaissé des gains illégaux chiffrés en millions de francs.

Outre les deux principaux accusés, le Tribunal de district de Zurich avait condamné trois autres prévenus à des peines pécuniaires avec sursis. Une autre personne a été acquittée, alors que la procédure concernant un septième suspect a été classée sans suite.

Prescription exclue

Contacté par Keystone-ATS, le Ministère public zurichois déclare ne pas être encore en mesure d’analyser ou de commenter à ce stade la décision de la Cour suprême. Celle-ci ne lui a pas encore été transmise officiellement mardi.

Le renvoi décidé par les juges cantonaux n’a aucun impact sur les délais de procédure en matière de prescription, précisent-ils. Une fois un jugement de première instance prononcé, les faits concernés ne peuvent plus être prescrits, même si ce jugement est annulé.

Le professeur de droit économique Peter V. Kunz critique sévèrement la justice zurichoise. Le tribunal de district aurait déjà dû rejeter l’acte d’accusation, a-t-il indiqué mardi à Keystone-ATS. Pour la justice, c’est une «tragédie» - et encore plus pour les accusés. Leur vie est pratiquement mise en suspens. En raison du blocage de leurs avoirs, ils se posent des questions existentielles, relève-t-il.

A lire aussi...