Accord post-Brexit: les discussions de la dernière chance patinent

AWP

3 minutes de lecture

Le négociateur européen Michel Barnier a informé les ambassadeurs des Vingt-Sept qu’aucune avancée n’avait eu lieu depuis la reprise des pourparlers dimanche.

Une journée de négociation pour rien: les blocages persistaient lundi entre Britanniques et Européens pour tenter de trouver un accord post-Brexit, alors que le temps est compté pour éviter un échec aux lourdes conséquences économiques.

Le négociateur européen Michel Barnier a informé lundi les ambassadeurs des Vingt-Sept qu’aucune avancée n’avait eu lieu depuis la reprise des pourparlers dimanche qui ont duré jusqu’à minuit, ont indiqué à l’AFP des sources diplomatiques.

Les trois points de blocage restent les mêmes: la pêche, les conditions de concurrence équitable et le futur mécanisme de règlement des conflits.

Le premier ministre britannique Boris Johnson et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen tireront dans la soirée le bilan de ce «nouvel effort» qui s’apparente à une dernière chance.

Une éventuelle journée supplémentaire de négociations mardi dépendra de cet entretien, a indiqué une source européenne.

«On arrive en bout de course, le temps commence à manquer. En dépit d’intenses négociations, les divergences n’ont pas été comblées», s’est inquiété un diplomate européen.

L’UE «est prête à faire un pas supplémentaire pour décrocher un accord juste, durable et équilibré. C’est au Royaume-Uni de choisir entre ce dénouement positif ou un +no deal+», a-t-il souligné.

Michel Barnier s’était montré très prudent au début de cette nouvelle séquence en raison de l’impossibilité depuis mars de trouver un compromis entre Londres et l’UE. «Nous verrons si nous pouvons avancer», avait-il lâché.

«Nous allons travailler très dur pour obtenir un accord», avait pour sa part promis son homologue David Frost, en arrivant dimanche à Bruxelles.

«De plus en plus acrobatique»

Les négociateurs travaillent sous la pression inexorable du calendrier puisqu’un éventuel accord commercial - de plus de 700 pages - devra encore être ratifié par les parlements britannique et européen avant d’entrer en vigueur le 1er janvier.

«Cela devient de plus en plus acrobatique (...) Ca va devenir intenable dans les jours qui viennent», a affirmé à l’AFP l’eurodéputée Nathalie Loiseau, ajoutant que le Parlement européen envisageait de travailler jusque «dans les tout derniers jours de décembre».

Il faudra aussi compter avec l’extrême vigilance des Etats membres qui espèrent un accord, mais s’inquiètent de concessions trop importantes aux Britanniques.

Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a répété dimanche qu’en cas d’accord «non conforme» aux intérêts de la France, en particulier pour ses pêcheurs, Paris pourrait mettre son «veto».

Nouveau choc économique

L’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques reste un sujet hypersensible pour certains Etats membres. «Il n’y a pas eu de percée» dimanche, selon des sources gouvernementales britanniques.

Sur les conditions de concurrence équitable, destinées à garantir une convergence en matière d’aides publiques, de normes sociales ou environnementales, la difficulté est de trouver un mécanisme qui respecte la souveraineté retrouvée de Londres après son divorce tout en protégeant les intérêts européens.

Ajoutant encore à la tension, le parlement britannique examine lundi un très controversé projet de loi remettant en cause certains engagements pris par le Royaume-Uni dans le traité actant son divorce avec l’UE le 31 janvier 2020, notamment sur l’Irlande du Nord -- de quoi exacerber la défiance des Européens.

L’Allemagne, qui occupe actuellement la présidence de l’Union, a rappelé qu’elle n’accepterait pas un accord «à n’importe quel prix».

«Si le Royaume-Uni prend la responsabilité d’un échec des négociations (...) ce sera l’unique pays européen sans accord commercial» avec le reste du continent, a averti le chef de la diplomatie du Luxembourg, Jean Asselborn.

«Si les esprits ne sont pas prêts, revoyons-nous l’an prochain», a lancé Nathalie Loiseau, accusant Londres de ne pas avoir «le ton constructif d’un gouvernement qui s’apprête à signer un accord, mais un ton de revanche contre l’UE».

Quel que soit le résultat des négociations lundi soir, la future relation avec Londres devrait de toute façon être l’un des sujets chauds du sommet européen jeudi et vendredi à Bruxelles.

Depuis son départ officiel de l’UE, le 31 janvier dernier, le Royaume-Uni continue d’appliquer les règles européennes. Ce n’est qu’à la fin de cette période de transition, le 31 décembre, qu’interviendra sa sortie du marché unique et de l’union douanière.

Faute d’accord, les échanges entre Londres et l’UE se feront dès le 1er janvier selon les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane ou de quotas, au risque d’un nouveau choc pour des économies déjà fragilisées par la pandémie de coronavirus.

Londres exclut de négocier en 2021 en cas d’échec cette année
Le gouvernement britannique a exclu lundi de prolonger l’année prochaine les négociations commerciales post-Brexit avec l’Union européenne en cas d’échec à arriver à un compromis d’ici à la fin de cette année.
«Nous sommes prêts à négocier tant qu’il reste du temps disponible, si nous pensons qu’un accord reste possible», a déclaré à la presse le porte-parole du premier ministre Boris Johnson.
Interrogé sur la possibilité d’une reprise des discussions l’année prochaine, sur la base d’un accord provisoire destiné à éviter un «no deal» le 31 décembre, il a répondu: «Je peux l’exclure».
Londres a déjà refusé à de nombreuses reprises toute prolongation de la période de transition suivant la sortie du Royaume-Uni de l’UE, effective le 31 janvier dernier, pendant laquelle il continue de respecter les règles européennes.
Mais à un peu plus de trois semaines de l’échéance, Londres et Bruxelles ne sont toujours pas arrivés à s’entendre sur l’accord de libre-échange espéré. Chaque jour qui passe rend plus difficile l’adoption et la ratification d’un compromis dans les temps pour être applicable le 31 décembre à 23H00 GMT.
«Actuellement, les négociations semblent bloquées et les obstacles à des progrès demeurent», a déclaré lundi matin le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney au média public RTE après un point tenu par le négociateur européen Michel Barnier avec les ambassadeurs des 27.
Il a décrit M. Barnier comme «très sombre et visiblement très prudent quant à la possibilité de faire des progrès» lundi.
Boris Johnson et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen se parleront lundi à 16H00 GMT au téléphone pour faire le point sur les négociations.

A lire aussi...