Les vrais progrès du Groupe Mutuel dans la prévoyance

Philippe Rey

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Le troisième plus grand assureur maladie veut croître en dehors de son métier de base, explique sa présidente Karin Perraudin.

Association d’assureurs durant 25 ans, le Groupe Mutuel a changé en 2018 de structure juridique en devenant une holding, qui regroupe des caisses-maladie, un assureur maladie complémentaire, une société d’assurance vie et une société de services, Groupe Mutuel Services SA. Cette nouvelle structure simplifiée et mieux adaptée aux défis actuels permet à l’entreprise de gagner en transparence. Et de croître dans des secteurs d’assurance profitables autres que l’assurance maladie, un domaine sans but lucratif dans lequel le Groupe Mutuel est le troisième plus gros acteur, avec plus de 1,3 million d’assurés individuels, et dont l’objectif reste de couvrir les coûts de manière maîtrisée. Ce qui requiert une profonde transformation du système de la santé suisse, selon Karin Perraudin, présidente de l’assureur qui a son siège à Martigny.

Quelle est la stratégie de diversification et d’expansion du groupe?

Nous conduisons depuis 2015 une stratégie orientée sur la santé et la prévoyance, aussi bien pour les privés que pour les entreprises, en tant que partenaire actif. Le Groupe Mutuel est aujourd’hui le seul assureur global de personnes en Suisse. En allant de l’assurance obligatoire des soins et des assurances maladie complémentaires à la prévoyance privée et professionnelle, et en passant par les assurances perte de gain maladie et accident.

L’assurance vie individuelle et prévoyance professionnelle constituent deux axes de croissance du groupe…

Dans un marché de plus en plus concurrentiel et avec une économie très volatile, nous devons continuer à chercher et trouver de nouveaux débouchés pour pérenniser les emplois et renforcer la solidité financière du Groupe Mutuel. Certes, le secteur vie individuelle est encore petit mais profitable, ce qui suppose un potentiel considérable. Nous le développons au moyen de produits modernes adaptés aux situations individuelles.

Dans l’activité LPP, Groupe Mutuel Prévoyance-GMP comptait 2802 entreprises affiliées à fin 2022, avec une fortune sous gestion de 2,5 milliards de francs. Au 31 juillet dernier, le degré de couverture s’élevait à 107,6%, avec une performance des placements de 3,91%. L’intérêt moyen a atteint 2,8% sur 10 ans, ce qui est un rendement intéressant pour nos assurés.

N’est-ce pas cependant en dessous de l’indice de référence pour cette période? notamment au premier semestre 2023?

En 2022, année difficile comme vous le savez, la performance nette de frais de la fondation GMP a été meilleure que celle de l’indice de référence, avec des baisses respectives d’environ 9,4% et 10,2%. Au premier semestre 2023, elle a pu capter les plus-values offertes par les actions, la performance inférieure à celle de l’indice de référence provient avant tout du résultat des obligations en francs suisses, eu égard à une pondération faible des obligations de la Confédération dans le portefeuille.

Dans l’activité LPP, Groupe Mutuel Prévoyance-GMP comptait 2802 entreprises affiliées à fin 2022, avec une fortune sous gestion de 2,5 milliards de francs

Soulignons par ailleurs une évolution favorable du degré de couverture des engagements, qui est nettement supérieur à 100%. La mauvaise année boursière 2022 a rappelé les fondamentaux de l’activité de prévoyance : une vision à long terme et la constitution de réserves adéquates durant les périodes fastes, pour absorber les fluctuations de valeur des marchés.

La fondation GMP est à 100% propriété des assurés. Les bénéfices sont attribués sous forme d’intérêt sur les avoirs des assurés. Comme nous sommes organisés autour d’une fondation à but non lucratif, aucun actionnaire ne bénéficie de dividendes ou n’influence les décisions.

Qu’en est-il de la Caisse commune Opsion que vous avez reprise en 2021 pour vous renforcer dans le domaine de la prévoyance?

La performance sur 5 ans annualisée de la Caisse commune Opsion s’est établie à 2,93%, en date du 30 juin dernier ; ce qui est meilleur que l’indice LPP 25 avec 1,01%. Son degré de couverture se montait alors à 102,1%. Il est vrai que la Fondation collective Opsion reste encore petite avec une fortune sous gestion de 113 millions de francs à fin juin 2023, mais elle permet d’élargir notre offre pour la clientèle.

Comment jugez-vous la structure actuelle des portefeuilles de ces fondations?

Nous menons une allocation stratégique des placements caractérisée par une diversification saine, naturellement dans le cadre des limitations prescrites par la LPP, notamment avec actuellement une allocation stratégique en actions de 32%. Notre stratégie englobe également des niches telles que les marchés privés et la microfinance. Notre portefeuille de placements répond à notre charte ESG depuis 2022. Notre stratégie ESG est notée A.

Le Groupe Mutuel se situe au 5e rang national, devant la plupart des assureurs privés, dans le domaine très compétitif des assurances santé pour entreprises, mais avec une perte technique en 2022 et 2021 dans l’assurance indemnités journalières. Est-il possible d’atteindre un résultat technique positif en moyenne avec les assurances perte de gain maladie et accident?

Nous en sommes convaincus, mais en devant nous montrer sélectifs. Sans perdre de vue que le marché est devenu plus discipliné dans ce domaine en matière de risques et tarification. Nous fournissons par ailleurs des services aux entreprises en matière de prévention et de santé de leurs collaborateurs.

Le Groupe Mutuel détient plusieurs caisses-maladie, avec des taux de solvabilité au-dessus et au-dessous de 100%, dont 111% pour Mutuel et 93% pour Philos au début de 2023. Est-ce raisonnable?

Le Groupe Mutuel a intégré plusieurs caisses-maladie au cours de son histoire, en ayant repris leur administration et procuré un savoir-faire commun et une plus grande efficience. Nous avons déjà procédé à une première consolidation ; une seconde demeure possible, bien que cela ne soit pas une priorité.

Une intégration en une seule caisse entraînerait en effet des variations substantielles des primes. Le marché suisse compte actuellement une cinquantaine de caisses-maladie. Le processus de consolidation n’est sans doute pas terminé.

Les assureurs maladie ont vu leurs réserves fondre en 2022 suite à la forte augmentation des coûts de la santé et au recul des marchés financiers. Y-a-t-il un niveau adéquat des réserves et faut-il changer les règles du calcul des primes en adoptant par exemple celles utilisées dans le calcul des impôts et de la prévoyance?

Non sur ce dernier point, mais il faut réformer le système en mettant toutes les parties autour d’une table. Le Groupe Mutuel propose à cet égard différentes mesures, entre autres concernant la digitalisation, la prévention, la planification hospitalière, les médicaments, les médecins et la tarification selon une approche «pay for quality».

La solvabilité des assureurs au 1er janvier 2023 est en sensible baisse par rapport à l’année précédente (ndlr: -33 points de pourcentage à 130% pour la branche dans son ensemble). Un taux de solvabilité de 100% à 150% nous semble approprié. En effet, garder une marge de sécurité nous paraît légitime pour une gestion pérenne des sociétés d’assurance maladie.

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