Les solutions pro-climat ne sont pas forcément pro-biodiversité

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Emmanuelle Sée de Swiss Life Asset Managers France explique les différences dans les investissements

Tandis que les solutions Net-Zéro sont incontournables de la transition climatique, comme les voitures électriques et les technologies de Capture et Stockage de Carbone (CCS), elles ne rentrent pas nécessairement dans le spectre des activités respectueuses de la biodiversité. Le point avec Emmanuelle Sée, Responsable Gestion Actions chez Swiss Life Asset Managers France.

Comment intégrez-vous le thème de la biodiversité dans la gestion de vos portefeuilles institutionnels?

Nous avons lancé en 2021 le premier fonds en actions internationales cotées dédié à biodiversité. Il s’agit d'une des rares et premières solutions d'investissement axées sur la préservation de la biodiversité, bénéficiant d’une gestion de conviction associée à une démarche d’impact. Les investisseurs peuvent ainsi saisir des opportunités de croissance durable à travers des entreprises œuvrant contre la perte de biodiversité.

Comment la biodiversité se différencie-t-elle du climat?

La biodiversité et les écosystèmes agissent sur le climat et inversement. Ces deux thèmes, bien que conjoints, ne sont pas superposables. La biodiversité nécessite une grille de lecture particulière: certaines solutions pro-climat ne sont pas forcément pro-biodiversité. On peut citer, par exemple, certaines technologies de Capture et Stockage du Carbone (CCS). C’est un concept intéressant mais le stockage de carbone en haute mer peut détruire les écosystèmes marins.

Les éoliennes peuvent également engendrer une pollution physique et sonore.

Par ailleurs, l’impact environnemental des batteries électriques est également réel sur nos écosystèmes. Autre exemple, l’ammoniaque vert, dérivé azoté d’hydrogène, bien que fabriqué à partir d’une source d’énergie neutre en carbone, est utilisé en grande partie comme engrais dans l’agriculture.

Pour aborder la thématique de la biodiversité, cela passe tout d’abord, par l’exclusion des entreprises dont l’activité contribue directement à dégrader nos écosystèmes.
Sur quelles données vous appuyez-vous afin de mesurer l’impact sur la biodiversité?

On entend souvent que le sujet est compliqué, pourtant il existe une multitude de données, académiques et scientifiques. Le seul bémol: il s’agit principalement de données brutes. Nous disposons, en revanche, d’une assez bonne cartographie des impacts et des dépendances des secteurs et des activités économiques.

Le Mean Species Abundance (MSA) constitue, à l’heure actuelle, la seule donnée agrégée. C’est un indicateur prometteur, qui émerge, en matière d’information d’intégrité de biodiversité.

Enfin, le segment de données géospatiales se développe à grande vitesse. La biodiversité est un sujet global et local. Il est donc nécessaire d’inclure les spécificités géographiques dans l’analyse des activités des entreprises

Le greenwashing est-il aussi présent dans la thématique de la biodiversité?

On est en plein cœur du sujet du climat et la problématique existe aussi. Nous devons être extrêmement vigilant sur les données et informations disponibles. Il est nécessaire, par ailleurs, d’avoir une méthodologie dédiée à la biodiversité, qui passe par l’intégration de métriques scientifiques et académiques en premier lieu, et l’analyse fondamentale des entreprises. Notre rôle, en tant qu’investisseur, est d’évaluer entreprise par entreprise comment ces critères de respect de la biodiversité sont réellement intégrés.

Comment éviter les mauvais candidats?

Nous sélectionnons des sociétés qui démontrent une intentionnalité matérielle: impliquant une vision claire de la part du management, ainsi qu’un stade avancé post Recherche et Développement. De fait, l'univers d'investissement est dynamique et en constante évolution, reflétant l'émergence croissante d'opportunités. Nous surveillons attentivement les projets, les brevets, les initiatives et les réglementations liées à la biodiversité.

Quels sont vos choix de secteurs?

De par sa thématique et sa perspective impact, le fonds présente des biais marqués sur des secteurs, facteurs et zones géographiques. Par exemple, nous n’investissons pas sur le secteur des financières.

Pour aborder la thématique de la biodiversité, cela passe tout d’abord, par l’exclusion des entreprises dont l’activité contribue directement à dégrader nos écosystèmes.

Il s’agit également d’investir dans des sociétés qui proposent des solutions pour les protéger et ou les restaurer. On peut mentionner des solutions de gestion de qualité de l’eau ou de réduction des déchets, mais aussi des technologies de surveillance des fonds marins, qui pourront être mises à disposition des entreprises et des scientifiques pour la protection des espèces, ou encore dans l’agri-tech. Certaines entreprises du segment des forêts mettent également en place des couloirs de biodiversité ou «des green corridors», afin de régénérer la faune et la flore.

Comment les blocs régionaux se spécialisent-ils?

L’Amérique du Nord et l’Europe sont davantage tournées vers la protection de l’écosystème terrestre et aquatique eau douce ; le Japon est tourné vers la protection de l’écosystème maritime, surtout depuis la catastrophe de Fukushima. Nous y voyons des solutions émerger dans tous les secteurs. Par exemple, des sociétés dans les cosmétiques abandonnent le plastique des emballages naturels.

L’Australie, quant à elle, se spécialise dans le recyclage des métaux, permettant d’éviter de réextraire de la matière première mais aussi l’infiltration dans les eaux et les sols.

A lire aussi...