Dette d’impact sur les marchés émergents

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Une gestion toute en finesse sur des pays à risque souverain élevé et des monnaies exotiques volatiles. Entretien avec Roland Dominicé de Symbiotics.

De finance durable il est partout question. Mais les pionniers du segment voient-ils leurs efforts porter ses fruits? Co-fondateur et CEO de Symbiotics, Roland Dominicé fait partie des incontournables de la finance durable à Genève. Quelques questions rapides en marge du Global Investment Forum (GIF) de l’AGEFI à Paris.

Il est beaucoup question d’engouement pour la finance durable. Le confirmez-vous?

Je n’ai absolument aucun doute de l’intérêt des investisseurs. 2020 a été la meilleure année que nous ayons jamais vue en termes d’origination avec 1 milliard de francs supplémentaires tant en obligations structurées par Symbiotics qu’en dette privée. A la fin de l’année dernière nos encours se montaient à 2,5 milliards de francs. Ils ont encore grimpé et se situent aujourd’hui au-dessus de 2,7 milliards. Le taux de croissance des actifs que nous gérons se mesure à deux chiffres et nous avons plus de 15 postes ouverts à de nouvelles embauches.

Une conséquence de vos partenariats?

Oui. Que se soit avec Candriam ou avec ABN Amro Investment Solutions pour lesquels nous manageons des fonds d’impact de dette privée sur les marchés émergents et frontières, les partenariats ont contribué à notre progression.

Vous parlez de 2,7 milliards sous gestion. Comment sont-ils répartis?

En 25 mandats et/ou fonds gérés pour le compte d’une douzaine de banques – dont UBS, LGT, SEB ou Pictet-, pour le compte d’asset managers allemands ou encore pour celui des caisses de pension et d’assurances dont la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève. Toutes nos stratégies sont construites sur mesure en fonction du rapport risque/rendement au sein de thématiques d’impact. Nous avons d’ailleurs un pôle d’asset management dédié, dirigé par David Grimaud, qui, sans être une entité juridique différente, distingue la gestion d’actifs de nos autres activités.

Plus de 75% de notre masse sous gestion provient de pays germanophones et scandinaves.
Vous avez ouvert Symbiotics en France.

Pour entrer sur le marché européen, après avoir analysé différentes options, nous avons porté notre dévolu sur un régime AIFM à Paris, et avons obtenu l’agrément de l’AMF en 2020. Nous y employons six personnes, porté sur la vente, le risque et le régulatoire. Ce choix était en fait assez facile : Symbiotics est culturellement et géographiquement très proche de la France. Et le pays représente un marché cible de développement important, étant devenu un leader de la finance durable. Paris enfin est un bassin économique très solide et vaste en termes de recrutement.

L’essentiel de votre marché est pour l’instant encore ailleurs.

C’est exact, plus de 75% de notre masse sous gestion provient de pays germanophones et scandinaves.

Vos transactions, elles, restent naturellement dans les pays en développement. Avec quelles proportions?

Environ 30% en Amérique latine, 30% en Asie, 15% en Afrique sub-saharienne et le reste réparti en Asie Centrale et Europe de l’Est. Dans 80 pays au total dont le risque est généralement classé BB. La vaste majorité de ces transactions se fait à travers des intermédiaires financiers locaux, historiquement des organismes de microcrédit, mais de plus en plus en direct avec des projets d’énergie solaire ou des coopératives agricoles. Depuis 2020, nous sommes certifiés comme émetteur de green bonds. Et avons obtenu le Prix de l’innovation dans la catégorie Green Bonds de Environmental Finance.

Comment fonctionne la dette d’impact sur les marchés émergents? Avec quels risques?

Il n’y a pas de Bloomberg, de Moody’s ou de broker qu’on peut appeler. La chaine de valeur de l’investissement est intégrée verticalement, et beaucoup de travail reste manuel. C’est un marché sur lequel il faut être positionné en direct, avec des équipes importantes, réparties à travers le globe.  Il y a ensuite beaucoup d’éléments à suivre dans la gestion du risque, étant sur des pays à risque souverain élevé, avec des monnaies exotiques relativement volatiles, et où la liquidité reste faible par ailleurs. Il faut ensuite énormément diversifier ses risques de contrepartie. C’est un travail complexe et passionnant à la fois.

Vous restez actif au sein de la l’industrie en Suisse.

Oui bien sûr, c’est un de nos principaux marchés aujourd’hui, avec beaucoup de partenaires et de mandats. Nous sommes aussi actifs au sein de plusieurs associations faitières et toujours à l’écoute des dernières tendances sur ce marché leader dans l’impact et très compétitif par ailleurs. Nous essayons aussi de rester à la pointe; nous avons récemment reçu la certification de B-Corp en Suisse, en finissant premier de notre secteur.

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