Pour Stefan Kuhn de KPMG, l’imposition minimale globale obligera certains cantons à davantage taxer les grandes entreprises.
Fiscalité des entreprises, projet d’imposition minimale mondiale prévu par l’OCDE et le G20, taxation des hauts revenus en Suisse ou encore impôts «verts» et écotaxes. Tels ont été quelques-uns des thèmes abordés à l’occasion de la publication du Swiss Tax Report de 2022 présenté mardi à Zurich par KMPG. Tour d’horizon avec Stefan Kuhn, responsable du conseil fiscal et juridique chez KPMG.
Oui, ces différences continueront de jouer un rôle pour les petites et moyennes entreprises - mais beaucoup moins s’agissant des grandes sociétés. En effet, le taux d’imposition minimal de 15% visé par l’OCDE ne s’appliquera qu’aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 750 millions d’euros. Pour les très grandes sociétés, la concurrence fiscale entre les cantons jouera un rôle moins important en tant que facteur d’implantation à l’avenir.
Pour replacer les choses dans leur contexte, il faut se souvenir tout d’abord que lorsque ces ceux cantons, comme d’autres en Suisse romande, ont décidé d’abaisser leur taux d’imposition des bénéfices des entreprises dans une fourchette située entre 13 et 14%, on ne discutait pas encore de ce taux minimum de 15% applicable aux grandes entreprises.
Il faut aussi relever que la situation spécifique des cantons de Genève et de Vaud est un peu plus complexe sur le plan fiscal car ils disposaient aussi de plusieurs instruments spécifiques pour certaines entreprises, par exemple pour celles qui sont actives dans le secteur du négoce des matières premières ou pour les quartiers généraux de multinationales.
Maintenant, en ce qui concerne la future compétitivité fiscale de cantons comme Genève ou Vaud pour les grandes entreprises, celle-ci ne sera pas nécessairement péjorée. Sur le plan suisse, les sociétés basées à Zoug devront aussi à terme aller vers les 15%, tout comme dans d’autres cantons. Les sociétés actives dans le négoce de matières premières, par exemple, devront s’adapter dans ce sens, peu importe qu’elles soient localisées à Zoug ou dans l’Arc lémanique.
Sur le plan international, les grandes entreprises suisses seront aussi soumises aux mêmes règles que celles situées dans des villes comme Singapour, Hongkong ou Dubaï, qui elles aussi rehausser leur taux d’imposition à 15%. Il y aura donc moins de facteurs d’incitations qui encourageront des entreprises vers de tels sites uniquement pour des raisons fiscales.
Je pense que les choses resteront plutôt stables comme elles le sont actuellement. Depuis 10 ou 15 ans, ces différences n’ont pas fondamentalement changé.
Non, je ne pense effectivement pas que la Suisse peut devenir plus compétitive sur le plan du salaire horaire. La productivité est en revanche souvent plus élevée en Suisse, ne serait-ce que parce que les gens ont moins de vacances et qu’il y a moins de jours fériés que dans d’autres pays. Il faut établir un calcul combiné qui tient compte non seulement du salaire horaire mais aussi de la productivité.
Par ailleurs, les entreprises actives en Suisse peuvent s’appuyer sur une infrastructure de très bonne qualité, y compris s’agissant des télécommunications. Le personnel dispose de bonnes formations avec des universités reconnues sur le plan international. La connectivité avec l’étranger est aussi un avantage avec trois grands aéroports répartis entre Bâle, Genève et Zurich. La qualité de la recherche a aussi permis la création de «clusters» de compétences, réunissant entreprises et universités dans certains domaines comme la pharma par exemple. Ainsi, même s’il ne sera plus nécessairement possible à l’avenir de compter sur des instruments tels que les «Patent Box» pour réduire la charge fiscale, ou seulement dans une moindre mesure qu’auparavant, je pense que l’existence de tels clusters contribue à réduire le risque que des entreprises partent à l’étranger pour des raisons fiscales.
Sur le plan de la fiscalité environnementale, je crois que la Suisse n’en est encore qu’au tout début du processus. Il existe encore un grand potentiel de progression à ce sujet.
Il y a des taxes qui visent à modifier un comportement - par exemple produire moins de déchets - et d’autres taxes qui ne peuvent pas être attribués à un but ou comportement précis. Ici aussi, je pense qu’il existe encore un grand potentiel pour prélever des taxes qui créent des incitations ciblées afin d’encourager les entreprises ou les individus à avoir un comportement plus conforme aux principes d’une économie durable.