Pour une industrie laitière émergente responsable

Claire Franklin, BMO Global Asset Management (EMEA)

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Les investisseurs tournés vers l’industrie laitière des pays émergents doivent (se) poser certaines questions.

Avec l’augmentation des revenus et une plus grande urbanisation, la demande pour des aliments riches en protéines est destinée à augmenter. Les entreprises laitières sont bien placées pour capter cette croissance. L’industrie n’étant qu’aux débuts de sa consolidation dans les marchés émergents, les meilleurs acteurs ont ainsi la possibilité d’y gagner des parts de marchés. Mais les investisseurs doivent tenir compte d’un certain nombre de facteurs avant de décider d’investir dans un fournisseur de produits laitiers plutôt qu’un autre. Les différences peuvent être en effet importantes, notamment en termes d’empreinte environnementale et d’engagement Net Zéro.   

De l’atténuation des risques à l’engagement

Almarai est la plus grande entreprise laitière du Moyen-Orient et un acteur dominant en Arabie Saoudite, qui applique un modèle verticalement intégré et possède ainsi une grande partie de ses processus de production. Cela implique l’entretien de très grandes exploitations laitières dans une région du monde où l’eau est extrêmement rare. Les fourrages pour le bétail doivent par ailleurs être importés du monde entier. Bien que l’entreprise en elle-même soit bien gérée et bénéficie d’une marque et d’une position fortes sur les marchés, son mode d’allocation de capitaux et son investissement important dans la production avicole ont de quoi soulever quelques inquiétudes. Sans compter que le World Resources Institute compte l’Arabie Saoudite comme l’un des pays les plus à risque en termes de stress hydrique. Une situation qui devrait continuer à se détériorer au fil du temps.

Le modèle plus durable de Sadafco, ou Saudia Dairy & Foodstuff Company, en fait en revanche une cible bien plus intéressante pour les investisseurs. Fondée en 1976, Sadafco est un acteur majeur du marché du lait UHT en Arabie Saoudite et est cotée à la bourse saoudienne depuis 2005. En mettant l’accent sur le lait UHT plutôt que sur le lait frais et en important le lait en poudre depuis l’Europe et la Nouvelle-Zélande pour le reconstituer par la suite en une série de produits laitiers différents, le réseau de distribution de Sadafco ne nécessite pas de réfrigération et ses activités sont ainsi bien moins gourmandes en eau et en énergie.

La sensibilisation accrue des consommateurs au bien-être animal et à l’impact environnemental de l’élevage laitier soumet le secteur à une surveillance accrue.

Avec un fort potentiel de croissance et une volonté d’améliorer ses performances ESG, l’Inner Mongolia Yili Company est également un exemple intéressant. Principale entreprise laitière de Chine et acteur de premier plan sur les marchés asiatiques, Yili produit certaines des marques les plus innovantes et fiables distribuées sur le marché national. Son équipe de direction est expérimentée et adopte une approche prudente en termes d’opérations de fusions-acquisitions. En matière d’ESG, le groupe reconnaît les risques auxquels il est confronté, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’eau, la gouvernance d’entreprise et l’impact climatique de ses activités, et s’est déjà engagé dans des discussions avec ses investisseurs pour les adresser.

Un regard vers l’avenir

Le marché des produits laitiers est un émetteur non négligeable de gaz à effet de serre. Selon l’Institute for Agriculture and Trade Policy, les 13 principales exploitations laitières du monde produisent autant d’émissions que le Royaume-Uni. Mais les coûts environnementaux des processus de production du secteur ne sont pas nécessairement pris en compte. Alors que de plus en plus de pays se lancent dans la voie du Net Zéro, l’industrie sera elle aussi mise sous pression pour contribuer aux efforts dans ce sens et le prix des actions reflètera de plus en plus ces questions de durabilité.

Dans le même temps, la pression s’accroît sur les marchés émergents pour garantir la fiabilité de l’approvisionnement alimentaire et nutritionnel de leurs populations. Les produits laitiers représentent une source de protéines relativement bon marché et sont ainsi susceptibles de jouer un rôle important dans la lutte contre la malnutrition, en particulier au sein des pays les moins développés. Mais la sensibilisation accrue des consommateurs au bien-être animal et à l’impact environnemental de l’élevage laitier soumet le secteur à une surveillance accrue.

C’est en partie pour cette raison que les alternatives aux produits laitiers connaissent une croissance significative dans les pays développés. Pour les investisseurs, cela démontre l’importance de sélectionner des entreprises capables de diversifier leur gamme de produits et de se lancer sur de nouveaux marchés pour répondre à l’évolution de la demande. Les tendances sur les marchés émergents dans ce domaine sont loin d’être homogènes. En Chine, par exemple, le lait de soja représente depuis longtemps une boisson de choix, ce qui donne au pays une certaine avance par rapport à l’Europe et aux Etats-Unis. Des sociétés comme Yili ou la China Mengniu Dairy recourent ainsi de plus en plus à des alternatives au lait animal.

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