La BCE maintient son cap expansif, l’«incertitude» est de retour

AWP

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Les nouveaux paramètres éloignent le moment où la banque centrale pourra mettre fin à sa politique monétaire particulièrement accommodante.

La présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde s’est inquiétée jeudi de «l’incertitude croissante» liée à la remontée des courbes d’infections au COVID-19, qui conforte l’institution dans son choix de maintenir le cap d’une politique monétaire accommodante.

«La reprise de l’économie de la zone euro est en bonne voie», a déclaré la Française devant la presse.

Mais la pandémie «continue de jeter une ombre» car «le variant Delta constitue une source croissante d’incertitude» menaçant de freiner la reprise notamment «dans le tourisme et l’hôtellerie».

Les vingt-cinq membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont dans ce contexte maintenu l’arsenal monétaire en place, qui doit «préserver des conditions de financement favorables pour tous les secteurs de l’économie» durant la pandémie.

Les taux directeurs restent en particulier à leur plus bas niveau, notamment celui, négatif, de -0,5% qui taxe les dépôts en excès des banques, lorsqu’ils ne sont pas distribués dans l’économie.

Ce qui a changé: la banque centrale pose désormais trois conditions à remplir avant de songer à resserrer la vis du crédit.

Il faudra que la prévision d’inflation atteigne 2% «bien avant la fin de son horizon de projection» qui s’étale sur deux à trois ans et ce «durablement pour le reste de l’horizon de projection», selon le communiqué de la BCE.

En pratique, cela signifie que si la prévision d’inflation pour l’année suivante et celle d’après se situent dans les clous de son objectif, alors la BCE pourrait réagir.

Troisième condition posée: l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire hors prix volatils de l’énergie et des denrées alimentaires de base, devra aussi être prise en compte pour mesurer cette évolution.

Autant de paramètres qui éloignent l’heure de mettre fin à la politique monétaire particulièrement accommodante de la BCE.

«Vieux vin»

Le taux d’inflation annuel en zone euro s’est légèrement replié en juin, à 1,9%, après avoir atteint en mai 2%.

Hors prix de l’énergie et des denrées alimentaires de base, l’agrégat ne s’est élevé qu’à 0,9%, attestant de la faiblesse des pressions inflationnistes venant notamment des salaires.

La BCE prévoit que l’inflation retombera à 1,4% en 2023, bien loin de l’objectif.

Le conseil des gouverneurs a ainsi étrenné le nouveau langage sur ses actions à venir -»forward guidance» en anglais - promis par la présidente Christine Lagarde lors de la présentation de la nouvelle stratégie de la BCE début juillet.

«La BCE sert du vieux vin sous une nouvelle étiquette», a commenté après la réunion Carsten Brzeski, économiste chez ING, traduisant ainsi la continuité observée par la banque centrale, malgré ce cadre d’action dépoussiéré.

Mme Lagarde a aussi dû s’employer à expliquer la nouvelle cible d’inflation, relevée à 2% en se voulant plus simple et symétrique à lire: en pratique, la BCE ne réagira pas à des déviations au-dessus comme en-dessous de l’objectif tant qu’elles restent modérées et temporaires.

«L’expérience» Trichet

Les gardiens de l’euro ont confirmé que le plan d’urgence «PEPP» déclenché en mars 2020 face à la pandémie de Covid-19 va conserver son enveloppe de 1.850 milliards d’euros pour des rachats de dette, afin de maintenir un coût du crédit abordable aux entreprises et ménages.

Ce plan va durer «au moins» jusqu’en mars 2022, et «dans tous les cas» jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs «juge que la crise du coronavirus est terminée».

Après l’unanimité des membres du conseil en faveur de la nouvelle stratégie, des désaccords «marginaux» sur le «calibrage» des mesures de politique monétaire se sont manifestés autour de la table jeudi, a déclaré Mme Lagarde.

Les inquiétudes sur l’expansion du variant Delta du Covid-19 ont cependant repoussé à plus tard tout débat sur un prochain tour de vis monétaire, Mme Lagarde déclarant qu’»aucun d’entre nous ne voudrait resserrer prématurément» le robinet du crédit en risquant de faire dérailler la reprise.

«Nous sommes instruits par l’expérience passée», a-t-elle ajouté. Il y a dix ans, l’ancien président de la BCE Jean-Claude Trichet avait relevé trop tôt les taux, alors que la crise allait frapper, une erreur rapidement corrigée par son successeur Mario Draghi, mais restée dans les annales de l’institution.

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