Le rapport entre les cours de l’or et de l’argent se situe à un niveau très élevé. Actuellement, ce rapport s’élève à 97, après avoir dépassé 100 en mai. Ce niveau est rare dans l’histoire. Il ne l’a été qu’en 2020 lors du covid, en 1990 et en 1940. En 20 ans, l’once d’or a vu son cours multiplié par 7 alors que l’once d’argent a été multiplié par 3,5. Est-ce l’annonce de temps difficiles? Telle est par exemple la thèse de Mark Thornton, chercheur auprès de l’Institut Mises.
Le raisonnement qui appuie le caractère d’indicateur conjoncturel, et financier, de ce rapport est simple. La production minière décline fortement quand l’économie ralentit nettement et entre en récession. La production d’argent diminue comme d’autres métaux dans cette situation. Puis le cours de l’argent commence à se redresser quand la conjoncture est au plus bas. La moitié de l’argent est en effet de nature «industrielle», et dépend directement de la demande industrielle. L’or, en revanche, atteint souvent son pic au moment de la récession et commence alors de de décliner. C’est pourquoi le rapport entre l’or et l’argent est observé par les spécialistes et parfois considéré comme indicateur avancé de la conjoncture.
Changement de tendance?
Sous l’angle de l’investisseur, lorsque le rapport atteint ou dépasse 100, il peut être intéressant de passer de l’or à l’argent, suggère Mark Thornton, dans un podcast de l’Institut Mises. Et quand l’économie entre en récession, le moment est venu d’un changement de tendance. S’il n’est pas possible de prévoir avec précision quand le changement survient, sur la base des données historiques, il apparaît qu’il peut survenir brusquement.
«Lorsque le rapport atteint ou dépasse 100, il peut être intéressant de passer de l’or à l’argent, suggère Mark Thornton».
Cette année, l’argent évolue nettement moins favorablement que l’or, mais il s’apprécie tout de même. L’once d’argent est en hausse de 20% en dollars depuis le début janvier tandis que le kilo d’argent gagne 9% à 899 francs. L’once d’or est en hausse de 29% en dollars et le kilo de 16% à 88 330 francs. L’or profite notamment des achats des banques centrales asiatiques ainsi que des investissements d’institutionnels et de privés à travers des ETF.
Un scénario alternatif est possible. Compte tenu de l’appétit potentiellement prolongé des banques centrales, il est possible, comme le suggère d’ailleurs Mark Thornton, que le rapport entre l’or et l’argent s’établisse au niveau actuel et soit la nouvelle normalité.
Mark Thornton, qui s’attend à une récession et à une piètre performance de la bourse, se présente comme un investisseur «Value». Il s’appuie sur l’approche de l’école autrichienne de l’économie, laquelle s’avère souvent inadaptée pour anticiper des développements à court terme, mais qui tire des enseignements de l’histoire économique et qui à long terme finit souvent par s’avérer correcte. L’institut Mises est notamment très critique à l’égard des monnaies «fiat» en raison des distorsions qu’engendrent les injections de liquidités des banques centrales. Pour Mark Thornton, les pré-conditions d’un boom sont aussi les pré-conditions d’un «Bust». Les actions se sont fortement appréciées ces dernières années et le taux de chômage américain est depuis fort longtemps à un très bas niveau. Une détérioration du marché de l’emploi devient plus probable tant le cycle de croissance est prolongé, avance-t-il. Quant à l’augmentation des droits de douane décidée par Donald Trump, c’est une question indépendante du cycle. Cette décision conduit simplement à rendre les Américains plus pauvres, critique Thornton.
Perte de valeur des monnaies
L’or et l’argent sont généralement analysés en dollars. Mais le billet vert peut fluctuer fortement. Par ailleurs l’augmentation annuelle de la masse monétaire américaine conduit structurellement à une dépréciation de la monnaie. Le prix d’un bien exprimé dans une monnaie faible peut donc s’apprécier alors que sa valeur restera inchangée. Le prix d’un bien exprimé en dollars peut donc être différent de sa valeur. L’érosion d’une monnaie est encore plus visible dans un pays à forte inflation, comme la Turquie. C’est pourquoi l’or devient un indicateur intéressant. Le pouvoir d’achat calculé en or du revenu d’un salarié allemand a chuté de 90% entre 1970 et 2023, indique Benjamin Mudlack, auteur de «Neues Geld für eine freie Welt» (Edition Sandwirt, 2025) et auteur d’une analyse pour l’Institut Libéral. La dépréciation de la monnaie peut toutefois donner un sentiment de hausse de revenu qui ne reflète pas la réalité. D’ailleurs le salaire net moyen d’un célibataire allemand s’est accru de 475% de 1970 à 2023, selon Statista. Mais si le calcul du revenu se fait en or, ces salariés ne reçoivent qu’un dixième du revenu, révèle Benjamin Mudlack. Le choix du bon indicateur est donc primordial.