Pluie de critiques sur le programme d’allègement du Conseil fédéral

AWP/ATS

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Le gouvernement veut économiser 3,6 milliards dès 2027. La consultation, qui dure jusqu’à lundi, montre que, en l’état actuel, le projet n’a quasi aucune chance de passer la rampe.

Le programme d’allègement des finances fédérales présenté en janvier est critiqué de toutes parts. Le Conseil fédéral veut économiser 3,6 milliards de francs dès 2027. La consultation, qui dure jusqu’à lundi, montre que, en l’état actuel, le projet n’a quasi aucune chance de passer la rampe.

Les partis bourgeois sont certes majoritairement favorables à diverses réductions de dépenses, mais pas dans l’ampleur esquissée par le Conseil fédéral et, auparavant, par un groupe d’experts. Le PS et les Vert-e-s, ainsi que les associations sectorielles qui seraient touchées par les coupes, s’opposent fondamentalement au projet.

Le Conseil fédéral va maintenant prendre connaissance des résultats de la consultation et devrait élaborer un message d’ici l’automne. Le Parlement devrait commencer à débattre du paquet d’allègement budgétaire lors de la session d’hiver. Si celui-ci passe sous une forme ou une autre, le peuple devrait ensuite avoir le dernier mot lors d’une votation référendaire.

L’agence de presse Keystone-ATS a résumé les positions des principaux partis et associations:

UDC: Ce parti salue les mesures. «Un programme d’épuration des dépenses fédérales est nécessaire», écrit-il. Comme le montrent les propositions du groupe d’experts, un allègement d’environ 5 milliards de francs est réalisable. L’UDC partage fondamentalement cette appréciation et salue la majorité des mesures d’allègement qu’elle propose. Une stabilisation des dépenses est particulièrement indiquée dans les domaines de dépenses de la culture et des loisirs, de l’environnement et de l’aménagement du territoire ainsi que de la coopération internationale. Outre la priorisation des dépenses dans ces différents secteurs, il est également urgent de stabiliser les dépenses propres de tous les départements, en particulier dans le domaine du personnel. Selon sa prise de position actuelle, l’UDC dit non aux réductions dans l’agriculture ainsi que dans le trafic routier. Selon le parti, il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit du côté des recettes: «L’Etat a plus qu’assez d’argent.»

PS: Le Parti socialiste rejette l’ensemble du projet. Il s’oppose fermement à ce que l’augmentation des dépenses de défense soit financée par des coupes dans des domaines tels que la formation, la protection de l’environnement, l’égalité ou la justice sociale. Si le Parlement veut augmenter les dépenses pour l’armée, il doit garantir un financement compensatoire du côté des recettes, avance le parti. Le frein à l’endettement doit être réformé afin de ne pas nuire aux investissements. L’ampleur de l’effet négatif des réductions de dépenses est importante. Dans des domaines clés comme la compensation sociale, l’environnement, la recherche et la formation, l’égalité, la culture et le sport, l’engagement international de la Suisse, le paysage médiatique, les échanges intercantonaux et les tâches essentielles de l’administration publique, des prestations d’une valeur de 6 milliards de francs seront supprimées sur deux ans. Si le projet de démantèlement est adopté sous la forme proposée, l’ossature des finances fédérales serait modifiée et remettrait en question le rôle fondamental de la Confédération. Le projet remet en question des décisions du Parlement et du peuple. Il est donc problématique du point de vue de la politique démocratique, conclut le PS.

CENTRE: Pour ce parti, on ne peut pas passer à côté d’économies. Vu la situation géopolitique mondiale, l’armée a besoin de davantage de moyens financiers. Et le financement de la prévoyance vieillesse doit être assuré. Ces deux domaines grèvent les finances fédérales et des économies sont incontournables. Du point de vue du Centre, celles-ci ne doivent toutefois pas conduire à des coupes disproportionnées dans certains domaines de tâches. Il s’agit plutôt de modérer prudemment la croissance des coûts dans les domaines dont les budgets ont longtemps augmenté de manière disproportionnée. Et le Centre d’appeler le Conseil fédéral à agir sur les recettes.

PLR: Ce parti soutient la stabilisation durable des finances fédérales et ne veut pas que le frein à l’endettement soit contourné. Il salue la démarche consistant à agir en premier lieu sur les dépenses et insiste sur un contrôle conséquent en la matière. «Les recettes de la Confédération sont florissantes, ce qui signifie que la Confédération n’a pas un problème de recettes mais de dépenses», écrit-il. Les libéraux-radicaux ne sont pas non plus d’accord avec une imposition plus élevée des retraits de capitaux des institutions de prévoyance et argumentent en faveur de la confiance dans le système de prévoyance. Ils ont mis en place une plateforme de «crowd lobbying» (démarche citoyenne pour tenter d’influencer les parlementaires) pour s’opposer spécifiquement, dans le cadre de la consultation, à l’imposition des avoirs de la prévoyance vieillesse proposée dans le paquet d’allègement budgétaire. Les personnes qui ont cotisé dans les deuxième et troisième piliers au cours des dernières décennies ne pouvaient pas imaginer l’insouciance des politiciennes et des politiciens actuels.

VERT-E-S: Le parti écologiste dénonce un Conseil fédéral «sans avenir» qui veut faire reculer la Suisse de plusieurs décennies. «Atome, armée et autoroutes plutôt que protection du climat, transports publics et réductions de primes maladies», critiquent les Vert-e-s. Au lieu de proposer de véritables solutions, le Conseil fédéral veut imposer une politique d’austérité au détriment de l’environnement, du climat et de la jeune génération. Cela se traduit notamment par une hausse du prix des transports publics ainsi que par le doublement des taxes d’études. «Avec ses propositions, le Conseil fédéral refuse tout investissement dans l’avenir», argue le parti. Celui-ci veut organiser une grande campagne pour faire échouer le paquet d’économies. Il récolte des fonds à cet effet.

PVL: Les Vert’libéraux exigent une définition claire des priorités dans les mesures d’économies de la Confédération, comme ils l’ont déjà fait savoir en automne. Les privilèges de certaines branches et les subventions doivent être supprimés - les investissements dans l’avenir ne doivent pas être repoussés aux calendes grecques. Le parti salue sur le principe les efforts du Conseil fédéral, mais il ne soutiendra pas les mesures qui suivent la devise «continuer à subventionner le passé au lieu d’investir dans l’avenir», estime le PVL. Et de demander de mettre l’accent plutôt sur la suppression des vieilles habitudes. Le parti cite comme défis futurs le manque de main-d’œuvre qualifiée, le changement climatique et le vieillissement de la société. Les Vert’libéraux craignent que le Parlement, lors de l’examen du paquet d’économies, ne supprime des investissements pour les remplacer par des subventions.

CANTONS: Les gouvernements cantonaux jugent le programme d’allègement budgétaire 2027 de la Confédération extrêmement insatisfaisant. Même s’ils reconnaissent que des mesures doivent être prises, ils regrettent de ne pas avoir été associés aux travaux. Les propositions du Conseil fédéral s’écartent d’objectifs définis de concert par la Confédération et les cantons, mettent en péril la capacité d’innovation de la Suisse, reportent simplement les coûts sur les cantons et remettent en cause des décisions populaires récentes. Un assainissement des finances fédérales ne doit pas se faire au détriment des cantons, souligne la Conférence des gouvernements cantonaux.

SCIENCES: Une alliance scientifique met en garde contre une réduction des moyens alloués à la formation - il est question de plus de 460 millions de francs par an. Composée de Swissuniversities, du Conseil des EPF, du Fonds national suisse, des Académies suisses des sciences ainsi que de l’Agence suisse pour l’encouragement de l’innovation (Innosuisse), l’alliance s’oppose à une augmentation des taxes d’études. Elle constate aussi que la pénurie de personnel qualifié serait encore renforcée par les mesures d’économie prévues. Le recul prévu des investissements dans l’encouragement de la recherche et de l’innovation aurait également des répercussions négatives sur l’économie suisse, a mis en garde l’alliance en février. Un franc économisé par la Confédération signifierait une perte économique pouvant aller jusqu’à cinq francs. Le Fonds national suisse serait contraint de refuser des projets de recherche, bien que ceux-ci remplissent les critères d’excellence.

FORMATION CONTINUE: La Fédération suisse pour la formation continue et ses partenaires s’opposent aux propositions d’économies dans leur domaine. Dans une lettre ouverte au Conseil fédéral, l’alliance souligne que la réduction proposée des investissements dans la formation continue est hautement problématique des points de vue économique et social. D’autant plus que le message FRI pour les années 2025 à 2028, approuvé par le Parlement, a fixé la formation continue comme priorité stratégique. Les innovations technologiques, mais aussi le manque de personnel qualifié, augmentent le besoin de formation continue. L’alliance critique également la suppression des fonds fédéraux pour l’encouragement des compétences de base - lecture, écriture et mathématiques dans la vie quotidienne. Les cantons ne sont pas les seuls à assurer cette offre, fait-elle remarquer.

TRANSPORTS PUBLICS: Le syndicat du personnel des transports (SEV) proteste aussi contre les mesures d’économies. Le personnel des transports publics a peur de devoir payer les pots cassés si on économise dans cette branche. Les coupes vont à l’encontre des objectifs climatiques et de la stratégie à long terme pour le développement des transports publics. Le syndicat rejette également l’argument des difficultés financières structurelles. La Confédération, les cantons et les communes disposent d’un capital propre de plus de 123 milliards de francs; ils ont depuis des années des comptes équilibrés et l’endettement de la Confédération est faible. Enfin, le ratio d’endettement, constant, a même baissé et le frein à l’endettement entraîne déjà des économies, énumère-t-il.

AGRICULTURE: «Pas d’économies sur le dos de l’agriculture», écrit l’Union suisse des paysans (USP). Les agriculteurs contribuent déjà aujourd’hui à l’équilibre des finances de l’Etat en dépensant autant que la Confédération depuis des décennies alors que les exigences augmentent. Compte tenu des revenus déjà faibles des paysans, l’USP demande au Conseil fédéral et au Parlement de renoncer aux économies dans l’agriculture.

PME-ENTREPRISES: L’Union suisse des arts et métiers (usam) salue le paquet proposé. Une stabilisation durable du budget fédéral doit être atteinte en optimisant l’utilisation des ressources, sans alourdir davantage la charge de l’économie et des citoyens. Les mesures doivent viser particulièrement le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Concrètement, l’usam demande que les dépenses pour la coopération internationale soient stabilisées à 2,5 milliards de francs dès 2027. Les dépenses propres du DFAE devraient être réduites d’au moins 1%. L’usam rejette par ailleurs une hausse des impôts sur les prestations en capital issues du deuxième et du troisième pilier, car cela affaiblirait la prévoyance privée et pèserait sur l’économie. Elle refuse également les coupes dans la formation professionnelle et dans le soutien indirect à la presse, car ces domaines sont essentiels pour l’avenir économique de la Suisse et la diversité des opinions.

SYNDICATS: L’Union syndicale suisse (USS) qualifie le paquet d’économies de «peu ragoûtant». La cure d’austérité est inutile, erronée du point de vue économique et inacceptable pour la population et le personnel de la Confédération, et cela vaut d’autant plus pour le paquet d’allègement budgétaire. Selon l’USS, les principaux problèmes de la politique financière suisse ne sont pas les dettes et les déficits, mais les excédents et la constitution d’une fortune par l’Etat au détriment des ménages privés et des assurances sociales. Au vu des 120 milliards de francs de fonds propres de la Confédération, des cantons et des communes, il faudrait adapter le frein à l’endettement de manière à ce que la Confédération puisse dépenser autant qu’elle encaisse et ne fasse pas d’excédents structurels et improductifs. La politique d’austérité nuit directement et à court terme, par exemple en réduisant les contributions aux hautes écoles et en renforçant la sélection sociale lors des études, poursuit l’USS. Et de relever encore que ce n’est qu’à long terme que la diminution des apports au Fonds d’infrastructure ferroviaire se ferait sentir. Mais un jour ou l’autre, le réseau ferroviaire sera en mauvais état et de nombreux trains seront en retard.

ENVIRONNEMENT: Les coupes planifiées affecteraient de façon disproportionnée la protection de la nature, du climat et les transports publics, écrit l’Alliance-Environnement avec Pro Natura, Bird Life Suisse, le WWF Suisse, Greenpeace, la Fondation suisse de l’énergie et l’Association transport et environnement. Elle met en garde contre des conséquences financières graves. Ces associations demandent une analyse sérieuse des conséquences des coupes. Le Conseil fédéral veut supprimer ou réduire «à la portion congrue» plusieurs mesures issues de la loi sur le CO2, adoptée il y a tout juste une année: le programme Bâtiments, les liaisons ferroviaires internationales de jour et de nuit ou la propulsion alternative sans CO2 pour les bus et les bateaux. Les dépenses en faveur du climat dans le bâtiment retomberont à leur plus bas niveau depuis treize ans, des lignes de bus seront sacrifiées, des trains régionaux mis à l’arrêt, ou encore le prix du billet de transports publics augmenté.

FORÊTS: Forêt Suisse, l’association des propriétaires forestiers, la Société forestière suisse, les Entrepreneurs forestiers suisse, Formation continue Forêt et paysage et l’Association suisse du personnel forestier s’opposent aux mesures d’économies touchant leur secteur. Des restrictions sont envisagées dans les tâches communes de la Confédération et des cantons dans le cadre des conventions-programmes en matière d’environnement, regrettent ces associations. Et de fustiger la disparition complète de la promotion dans le domaine de la formation et de l’environnement, du soutien aux installations-pilotes et de démonstration pour promouvoir l’écoulement du bois ainsi que des indemnités aux exploitations engageant des personnes astreintes au service civil. Les cours pour les propriétaires forestiers, les agriculteurs et les personnes non qualifiées dans le domaine forestier, qui apportent par leur activité une contribution indispensable à la conservation de la forêt, ne seraient plus soutenus non plus par la Confédération, alors même que les travaux en forêt font partie des activités les plus dangereuses. Des adaptations de lois (par exemple de la loi sur les forêts) seraient proposées pour des considérations purement politico-financières, qui ne résistent pas à un examen technique. Les acteurs concernés n’auraient pas été consultés, critiquent encore les associations.

CINQUIEME SUISSE ET MEDIAS: L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) estime que des «offres indispensables» pour les Suisses à l’étranger sont menacées. Cela vaudrait en particulier pour le conseil juridique général et les offres destinées aux jeunes Suisses de l’étranger pour renforcer leurs liens avec la Suisse, comme les camps d’hiver et d’été. La Revue Suisse, qui informe sur les votations populaires et contribue à renforcer les liens avec la diaspora tout en assumant la fonction de Feuille officielle de la Confédération, pourrait également devoir réduire encore ses dépenses. Des coupes pourraient également toucher les écoles suisses à l’étranger. L’OSE s’oppose aussi à la suppression de la subvention pour l’offre de la SSR à l’étranger, tout comme la SSR. Au vu de la situation politique mondiale, il est dans l’intérêt d’un Etat de droit démocratique de promouvoir une offre à l’étranger de qualité, indépendante et forte, écrit la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR). Cette offre serait particulièrement demandée en temps de crise.

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