Le mois d’avril parachève cent jours d’un chaos induit par la nouvelle administration américaine

François Savary, Genvil SA

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Les attaques contre la Réserve fédérale et les tarifs réciproques ont malgré tout eu un aspect positif, à savoir qu’elles ont prouvé qu’il existe bien un «Trump put»!

Quel mois d’avril nous avons vécu sur le plan économique et financier. Certes, les décisions erratiques avaient commencé dès l’investiture du président américain, mais on doit reconnaître que les dernières semaines ont marqué une nette accélération sur ce front, comme la forte tension sur l’indice des incertitudes politiques le montre.

Le sentiment d’un changement radical de l’ordre économique et financier mondial a pris de nouvelles proportions, au sein d’une communauté financière qui avait eu tendance à ne pas prendre à la lettre les propos de campagne de D. Trump. Le réveil a été brutal! De l’ascension «exponentielle» du métal jaune à la chute de la devise américaine, en passant par les évolutions erratiques des taux long américains ou encore la correction sur les marchés boursiers, rien ne nous a été épargné durant le mois d’avril.

La faute en revient sans conteste à l’annonce des tarifs réciproques par l’administration américain et à l’escalade tarifaire entre Washington et Pékin, qui conduit à une situation de quasi embargo sur les échanges commerciaux bilatéraux.

Le climat économique en est fortement modifié, à l’image des récentes révisions des prévisions du FMI sur la croissance et l’inflation mondiales, qui marquent une nette inflexion vers la «stagflation». Ce développement est important quand on se remémore les attentes de janvier 2025 qui laissaient encore poindre une tendance à l’amélioration de la conjoncture internationale! Quel changement de perspectives pour les 2 prochaines années, d’autant plus que les nouvelles prévisions sont 1) à considérer comme un «best case», c’est-à-dire fondées sur l’hypothèse d’une issue positive au moratoire de 90 jours annoncé par D. Trump dans l’application des tarifs prohibitifs proposés le 2 avril (sauf pour la Chine, le Canada et le Mexique) et que 2) la probabilité d’une récession aux USA est augmentée à 40%.

On peut prendre les choses sous l’angle que l’on veut, il est difficile de ne pas se sentir déboussolé par tant d’agitation. Pire encore, les changements de cap subits et multiples des autorités US ne contribuent pas à améliorer la lisibilité du contexte global.

C’est d’autant plus vrai que D. Trump aura trouvé le moyen de déstabiliser encore plus les investisseurs, en avril, en attaquant et en menaçant de ses foudres J. Powell. A l’image de son revirement récent sur la question de la révocation de ce dernier, l’auto-proclamé «génie du deal» aura une nouvelle fois affirmé sa capacité à souffler le chaud et le froid, à défaut de faire preuve de logique dans la gestion des affaires de l’Etat.

Les attaques contre la Réserve fédérale et les tarifs réciproques ont malgré tout eu un aspect positif, à savoir qu’elles ont prouvé qu’il existe bien un «Trump put»! En d’autres termes, malgré un dédain plusieurs fois réitérés pour «mister market», le président a dû modifier les décisions/déclarations initiales sur les deux fronts susmentionnés pour revenir à davantage de raison.

L’origine des revirements est moins à rechercher dans le comportement des bourses que dans celui des marchés obligataires, même si les 5000 milliards de pertes (latentes) des investisseurs actions au point bas des marchés sont loin d’être négligeables. La tension massive sur les rendements longs et/ou la baisse de la devise américaine, ces dernières semaines, ont agi comme un fort coup de semonce pour le locataire de la Maison Blanche, qui ne peut ignorer que les Etats-Unis vont payer 1000 milliards de dollars d’intérêts sur leur dettes en 2025 et que les besoins en refinancement de l’Oncle Sam sont gigantesques.

«Mister market» a affiché sa capacité à faire mal à D. Trump en avril, tant mieux serait-on tenté de dire, mais avec l’expérience des cent premiers jours de Trump 2 il ne faut pas se réjouir trop tôt pour autant!

L’administration US, sous l’influence de S. Bessent - de plus en plus considéré comme une force de modération dans le cercle présidentiel - va-t-elle comprendre que la question centrale pour les Etats-Unis n’est pas de redéfinir radicalement, en quelques mois, l’architecture des relations internationales, au risque de provoquer une récession, comme le souhaite S. Miran? Il faut rester prudent sur la réponse à cette question.

En revanche, une chose semble certaine, les investisseurs pensent clairement qu’il est plus urgent de traiter efficacement le problème majeur du déficit budgétaire et de l’endettement des Etats-Unis. Les «bond vigilantes» ont démontré ce fait en avril et indiqué ainsi à Donald Trump que sa marge de manœuvre n’est peut-être pas aussi grande qu’il le suppose! C’est aussi une manière de dire que plutôt que de traiter les conséquences du mal (le déficit commercial) il est plus important de s’atteler au traitement de ses causes (le déficit budgétaire et l’excès de demande des USA). Un raisonnement simple d’économiste, me direz-vous, mail il est parfois bon de rappeler des vérités simples comme celle qui affirme que le commerce favorise la croissance. 

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