Un choix stratégique en faveur des actions européennes est-il d’actualité?

François Savary, Genvil SA

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Avec une progression de 10% depuis le début de l’année (indice Stoxx 600), les titres du Vieux Continent surclassent, une fois n’est pas coutume, leurs homologues US.

L’année 2025 a commencé en fanfare pour les bourses européennes, malgré des vents contraires indéniables; mais ne dit-on pas que les tendances les plus durables, tant à la hausse qu’à la baisse, naissent dans l’excès de pessimisme ou d’optimisme?

Avec une progression de 10% depuis le début de l’année (indice Stoxx 600), les titres du Vieux Continent surclassent, une fois n’est pas coutume, leurs homologues US! La sous-exposition des investisseurs internationaux sur ces valeurs, en fin 2024, a certainement joué un rôle, puisque le dernier sondage de Bank of America a affiché un changement marqué du positionnement des gestionnaires en un mois seulement (de largement sous-pondéré à surpondéré entre décembre 2024 et janvier 2025).

L’attrait d’une évaluation relative n’est pas étranger à cette nette inflexion. Cependant, le choc Deepseek et les doutes induits sur l’exceptionnalisme américain ont aussi contribué au phénomène, tant il est vrai que les interrogations sur le thème de l’intelligence artificielle et sa monétisation ont fortement pesé sur les 7 magnifiques (plus de 30% de l’indice S&P500) depuis le 1er janvier.

Au-delà des facteurs susmentionnés, on a de la peine à trouver des explications probantes pour expliquer ce retour en grâce des bourses européennes. Certes, la perspective d’une poursuite de la baisse des taux par la BCE est un soutien. On doit néanmoins noter que le mouvement d’assouplissement monétaire en 2025 était déjà dans les attentes des opérateurs au dernier trimestre 2024 et que la marche escomptée des taux directeurs vers les 2% est le résultat de conditions macroéconomiques peu réjouissantes en Europe. Une autre manière de dire que les perspectives de croissance bénéficiaire ne peuvent pas être exagérées à court terme.

L’économie européenne est proche du plancher et les investisseurs voient au-delà des prochains mois, me direz-vous?

Peut-être mais c’est alors prendre le risque d’ignorer la colonne récente de Mario Draghi dans le Financial Times (14.05.2025). Le constat de l’ancien chef de la BCE est sombre. Il y dresse un portrait «noir» des conditions d’offre et de demande sur le Vieux Continent, dont seule la remise à plat globale est en mesure de redonner une dynamique de croissance. La tâche est titanesque mais l’ordonnance dressée pas M. Draghi est salutaire, circonstanciée et les correctifs proposés ne sont pas insurmontables si tant est que la volonté politique se mobilise…

Ce serait aussi ignorer l’évolution des relations USA-Europe dont la nouvelle administration Trump dresse les contours.

C’est d’abord la question commerciale et les propos peu amènes du président à l’égard de l’Union. Il ne reste plus qu’à attendre la formulation de la sauce (amère?) à laquelle celle-ci sera mangée!

C’est ensuite, pour ne pas dire surtout, la remise en cause potentielle de la relation stratégique et militaire entre les deux rives de l’Atlantique, sur fond de cessez le feu programmé en Ukraine et des déclarations «fracassantes» de J.D Vance à Munich. L’Europe se réveille groggy ne serait-ce que face aux montants et aux défis qui se profilent.  Les nombres font tourner la têtes, avec une estimation de 3100 milliards de dollars sur dix ans pour créer une force capable de faire face aux défis d’une défense européenne «autonome». L’urgence est telle que, dès son élection comme chancelier allemand assurée, F. Merz semble vouloir doubler la somme allouée au budget militaire…

Dans un contexte de finances publiques dégradées et face aux sommes en jeu, le financement est la clé du succès. La voie ouverte à une intégration fiscale en Europe? Un tournant définitif dans le débat sur l’émission de dettes communes? Un soutien à la croissance du vieux continent? Un rééquilibrage (salutaire) des priorités européennes, à l’image du pacte vert de 2019, dont on redéfinit (largement) les contours?

On a coutume de dire que l’Europe n’avance jamais sauf dans les périodes de crise. Les investisseurs semblent penser que nous sommes à une telle situation, avec en ligne de mire une Europe plus forte tant politiquement qu’économiquement.

L’Europe n’est pas seulement confrontée à une crise mais peut-être à LA crise qui peut déterminer sa capacité à prendre un tournant pour le meilleur mais qui peut aussi favoriser son implosion.

L’investisseur doit toujours séparer les décisions tactiques de celles plus stratégiques dans ses choix de placement. Depuis 3 mois, le pari tactique des actions européennes au détriment de leurs homologues US est payant. Nous maintenons ce biais dans nos allocations.

Faire un pari stratégique sur une surperformance durable du Vieux Continent est une autre affaire. Même si l’Europe arrive à redéfinir son projet, à le rendre crédible, à proposer des mesures pro-croissance dans l’esprit de M. Draghi, la mise en pratique semble loin d’être aisée. En d’autres termes, il est trop tôt, en l’état, de penser que l’heure est venue de faire un pari stratégique sur les actions européennes dans un portefeuille diversifié.

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