Private Equity: comment les investisseurs institutionnels bâtissent leur portefeuille? (épisode 1/3)

Louis Flamand, Altaroc

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Le meilleur moyen pour l’investisseur institutionnel d’être rapidement opérationnel est de disposer de ressources expérimentées dans son équipe d’investissement.

 

Le point de départ d’un institutionnel qui se lance dans le Private Equity est la taille cible de son programme d’investissement. Plus les montants qu’il va investir seront élevés, plus il pourra amortir le coût d’une équipe professionnelle de Private Equity, et donc plus son programme d’investissement en Private Equity pourra être sophistiqué.

L’institutionnel qui se lance dans la classe d’actifs va le plus souvent investir dans un fonds de fonds car il ne dispose pas de l’expertise nécessaire en interne pour pouvoir bien sélectionner les fonds. Mais s’il investit des montants élevés en Private Equity, par exemple 100 millions d'euros ou plus par an, il va pouvoir ensuite recruter une équipe d’investissement professionnelle du fonds de fonds pour se bâtir son propre portefeuille de fonds de Private Equity.

Il va tout d’abord devoir définir sa stratégie à partir des profils cibles de risque/retour, de flux de trésorerie, de liquidité de son programme d’investissement en Private Equity. Cela va lui permettre dans un premier temps de bien choisir ses stratégies cibles dans les marchés privés. Il aura le choix par exemple entre, du moins risqué au plus risqué, une stratégie de crédit, de l’infrastructure, du Buyout, du Growth Equity ou du Venture Capital. Il pourra décider de couvrir plusieurs de ces stratégies.

Ensuite, au sein de chaque stratégie couverte, il devra définir ses cibles géographiques, sectorielles, ses segments de marché cibles (lower mid-market, mid-market, large cap…), sa construction de portefeuille cible suivant son appétit pour le risque: est-ce que je cible des gérants établis aux track records profonds ou je me permets d’investir dans des fonds plus jeunes mais je compense ce risque en augmentant la diversification de mon portefeuille? Il faut vraiment que l’investisseur institutionnel se bâtisse une stratégie cible claire dès le départ. Ensuite, ce sera à l’équipe d’investissement d’aller chercher les meilleurs gérants qui répondent à ses critères d’investissement.

Est-il facile d’avoir accès à la liste de tous les fonds et leur performance?

L’institutionnel peut s’abonner à des bases de données de référence du marché pour avoir accès au maximum d’informations sur tous les gérants de Private Equity, savoir quels fonds sont en levée, avoir les coordonnées des équipes, avoir accès à la performance de ces gérants, sachant que même avec les meilleures bases de données, les performances des gérants ne sont pas toutes à jour et nous n’avons pas accès aux détails du track record ligne à ligne du gérant. Ensuite, l’institutionnel doit se faire connaître du marché, notamment de tous les agents de placement, dont le rôle est d’aider les gérants de Private Equity à lever leur fonds. Ces agents de placement vont présenter à l’investisseur institutionnel tout au long de l’année les gérants avec qui ils travaillent et qui répondent à ses critères d’investissement. Enfin, le meilleur moyen pour l’investisseur institutionnel d’être rapidement opérationnel est de disposer de ressources expérimentées dans son équipe d’investissement car le marché du capital-investissement n’est pas très transparent, il faut beaucoup d’expérience pour bien connaître le marché.

Les meilleurs gérants sont-ils ceux qui ont le meilleur track record?

Sélectionner les meilleurs fonds de Private Equity ne consiste pas à juste choisir les gérants qui ont le meilleur track record, de la même manière que, pour un gérant de fonds, générer les meilleurs retours sur investissement ne consiste pas à simplement sélectionner les sociétés qui ont la meilleure performance financière passée. C’est plus compliqué que cela. Certains particuliers pensent qu’ils peuvent eux-mêmes sélectionner les fonds de Private Equity dans lesquels ils vont investir, de la même manière que certains peuvent sélectionner un fonds d’investissement coté en se basant simplement sur la notation donnée par une base de référence. Investir dans un fonds de Private Equity, c’est s’engager à dix ans dans ce fonds – c’est comme signer un chèque en blanc au gérant pour dix ans. Il faut donc très bien connaître les gérants avec qui on investit, leur faire confiance. Il faut passer du temps avec le gérant dans ses bureaux et savoir benchmarker la qualité de son équipe avec la qualité des équipes concurrentes. Et pour cela, une fois de plus, il faut de l’expérience. Selon la stratégie, la taille du gérant, l’investisseur ne va pas aller chercher les mêmes qualités dans l’équipe d’investissement. En termes de qualités humaines par exemple, un gérant de petit fonds qui investit dans des PME devra être humble, sympathique, pour pouvoir séduire des dirigeants de PME alors que le gérant de gros fonds large cap qui investit dans des multinationales devra avoir un profil plus international, plus «high profil».

Au-delà de l’analyse qualitative de l’équipe d’investissement, quelles sont les analyses que l’investisseur devra réaliser dans son travail de sélection?

Il y a beaucoup d’analyse quantitative. L’institutionnel va analyser la performance passée du gérant sous tous les angles possibles: la performance passée par fonds, brute et net de frais, le benchmark de ses performances, la performance passée par millésime (année par année), par secteur, par géographie, par type de deal (par exemple, opération majoritaire ou minoritaire), par fourchette de taille de deals: c’est une analyse souvent importante car le gérant qui a du succès augmente presque toujours sa taille de fonds et il faut souvent vérifier qu’il a déjà prouvé sa capacité à générer des performances élevées sur des plus gros deals. L’investisseur va aussi analyser la performance individuelle des partners de l’équipe d’investissement sur leurs deals, ceux qu’ils ont originés et exécutés. Il va aussi analyser la création de valeur opérationnelle du portefeuille non cédé en analysant, pour chaque société en portefeuille, la croissance du chiffre d’affaires, de l’EBITDA et l’évolution de la dette nette. Il peut aussi analyser la contribution à la performance des investissements cédés des quatre leviers de création de valeur: la croissance du chiffre d’affaires, l’amélioration des marges, l’arbitrage de multiple (par exemple j’ai acheté la société à 8x EBITDA, je vends à 10x EBITDA, j’ai un arbitrage de multiple positif de 2x EBITDA) et enfin l’effet de levier du LBO. L’investisseur devrait privilégier les gérants qui créent de la valeur avant tout grâce à la croissance opérationnelle de leurs sociétés en portefeuille et non l’endettement, l’effet de levier.

Enfin, les due diligences sur l’organisation et l’équipe sont très importantes, cela inclura notamment l’analyse du risque de succession à la tête de la firme, de la stabilité de l’équipe, comprendre les départs, l’analyse de la répartition de l’actionnariat de la société de gestion, de l’engagement financier de l’équipe, de la répartition du carried interest pour vérifier que les meilleurs partners sont les mieux rémunérés.

Quelles autres due diligences l’investisseur institutionnel devra réaliser?

Une due diligence fiscale, juridique avec l’analyse du règlement juridique du fonds qui est complexe, une due diligence ESG, des due diligences opérationnelles, par exemple pour vérifier que le gérant a mis en place tous les bons processus pour sa fonction conformité, etc.

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