La BCE au défi de rester «cool» face aux tensions commerciales

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«Le président américain rend l’environnement économique encore plus «incertain» qu’à l’époque de la pandémie de Covid-19, souligne le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, à quelques jours de la réunion de la banque centrale.

L’incroyable volte-face tarifaire de Donald Trump n’y changera rien: même en partie retardée, sa guerre commerciale planera jeudi sur les débats à la Banque centrale européenne (BCE) au moment de déterminer les taux d’intérêt.

L’offensive sur les droits de douane lancée par le président américain a déjà largement perturbé les marchés, compliquant la mission de la BCE qui est de garantir la stabilité financière, déterminante pour celle des prix.

Le dollar est ainsi au plus bas face à l’euro depuis trois ans, les taux d’emprunt américains montent en flèche, les marchés actions jouent aux montagnes russes et le prix du baril de pétrole fléchit sur fond d’inquiétudes sur la demande mondiale.

Interrogée vendredi, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a assuré que l’institution de Francfort «surveille la situation et est toujours prête à utiliser les instruments dont elle dispose», comme cela fut le cas ces dernières années face aux multiples crises (dette, Covid, guerre en Ukraine).

La politique imprévisible de Donald Trump est un casse-tête pour les gardiens de l’euro chargés de définir la politique monétaire.

Le président américain rend l’environnement économique encore plus «incertain» qu’à l’époque de la pandémie de Covid-19, a souligné le vice-président de la BCE, Luis de Guindos.

La zone euro pourrait voir son Produit intérieur brut (PIB) amputé de 0,3% en raison des barrières douanières de Trump, et de 0,5% en cas de riposte européenne, la première année, déclarait Christine Lagarde fin mars, avant que Trump ne lance d’imposants droits de douane, notamment de 20% vers l’Europe, ajournés depuis...

Et lors d’une guerre commerciale, les prévisions d’inflation deviennent aussi plus incertaines.

Sixième baisse d’affilée

Pour les gardiens de l’euro qui se réunissent jeudi, le défi sera, dans un contexte si mouvant, de rester «cool», comme le demandait Trump à ses concitoyens tout en lançant ses flèches tarifaires.

«Comment la situation peut changer en quelques semaines», note Ulrike Kastens, économiste chez DWS. Lors de sa dernière réunion en mars, la BCE avait laissé entendre qu’elle n’excluait pas une pause dans son cycle de baisse des taux.

Les données économiques disponibles depuis renforcent néanmoins la probabilité d’une nouvelle baisse des taux - la sixième consécutive, et la septième depuis juin 2024 - selon des économistes et ténors de la politique monétaire.

La baisse de l’inflation en mars à 2,2% en zone euro, pour tendre vers l’objectif de 2% fixé par la BCE, «peut nous donner plus de confiance pour baisser encore nos taux d’intérêt prochainement», a indiqué début avril François Villeroy de Galhau, patron de la Banque de France et membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

Si cela se confirme jeudi, le principal taux d’intérêt rémunérant les dépôts pourrait être à nouveau réduit, de 25 points de base, passant de 2,5 % à 2,25 %.

La BCE dispose de «beaucoup plus de marge de manoeuvre que la Fed américaine» qui se réunira, elle, début mai, car «le taux d’inflation et les rendements des obligations d’État sont à des niveaux bien moins préoccupants en zone euro qu’aux États-Unis», justifie Ulrich Kater, économiste chez DekaBank.

Une inflation sous les 2,0%?

Les tensions commerciales élevées, notamment entre les Etats-Unis et la Chine, font que les «risques baissiers» ont augmenté pour l’économie de la zone euro en 2025, ce qui devrait inciter la BCE à abaisser davantage ses taux par la suite, selon Mme Kastens.

Ces risques reposent sur le fait que les droits de douane élevés imposés par les États-Unis limiteront la demande de biens européens, entraînant parallèlement une baisse des prix de l’énergie. L’afflux potentiel de produits chinois en Europe pourrait en outre intensifier la concurrence des prix.

L’euro, qui cotait vendredi 1,14 dollar, au plus haut depuis février 2022, va quant à lui pénaliser les exportateurs, donc l’activité, mais rendre en même temps les importations moins chères, réduisant ainsi les prix.

L’ensemble fait que l’inflation pourrait «passer sous les 2 %» en cours d’année, selon la banque Berenberg, avec des conséquences à prévoir sur le cap monétaire.

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