Les droits de douane ébranlent les marchés sur fond de craintes grandissantes de récession

David Darst, Petiole Asset Management

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Les marchés privés restent un pilier de stabilité: privilégier le crédit privé, les fonds secondaires de private equity et une exposition immobilière sélective.

Les marchés ont traversé une semaine éprouvante après l’annonce surprise du président Trump concernant l’imposition de droits de douane massifs – y compris à l’encontre d’alliés traditionnels des Etats-Unis – provoquant une onde de choc sur les marchés actions mondiaux. Ce revirement de politique a entraîné une riposte immédiate de la Chine et ravivé les craintes d’une nouvelle vague de tensions commerciales, rappelant les précédentes guerres commerciales aux conséquences économiques durables.

Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a accentué l’inquiétude des marchés en avertissant que des droits de douane généralisés pourraient engendrer une inflation plus élevée et une croissance plus faible, compliquant davantage la trajectoire monétaire de la Fed. Les investisseurs font désormais face à une double menace: le risque de stagflation et une imprévisibilité géopolitique grandissante. Bien que des négociations puissent atténuer certaines pressions, la visibilité reste faible et les marchés manifestent une nervosité palpable.

Actions américaines: vers un marché baissier

La volatilité a bondi et les principaux indices ont chuté:

  • Le S&P 500 a reculé de 9,1% sur la semaine écoulée, portant sa baisse depuis le début de l’année à 13,7% et le plaçant à seulement 3,1% du seuil officiel de marché baissier.
  • Le Nasdaq a plongé de 10%, avec une perte cumulée de 19,3% en 2024, déjà bien en territoire baissier après une chute de 23% depuis son pic de décembre.
  • Le Russell 2000, indice des petites capitalisations et des entreprises domestiques, a chuté de 9,7% et recule désormais de 25% depuis son sommet de novembre.

Par secteur, les banques et les valeurs du transport – toutes deux cycliques – ont été les plus durement touchées, en baisse respective de 13,8% et 9,8%. L’indice de volatilité VIX a grimpé à 45,3, doublant en une semaine, signe clair de l’extrême nervosité des investisseurs.

Marchés internationaux: une résilience relative face au tumulte américain

Les actions européennes et japonaises ont également reculé, mais de manière moins marquée:

  • L’Europe a perdu 8% la semaine dernière, mais n’affiche qu’un recul modéré depuis le début de l’année (–2%), soutenue en partie par un euro plus fort (+5,8% face au dollar).
  • Le Japon a cédé 6,3% sur la semaine et 6,2 % en 2024, tandis que le yen a progressé de 7%, porté par la recherche de devises refuges.
  • Les marchés actions chinois sont restés stables, bien que la devise ait enregistré une légère appréciation.

Matières premières et couvertures contre l’inflation sous pression

Malgré la montée des risques géopolitiques:

  • Le prix de l’or a reculé de 2,4%, portant sa perte à 14,6% depuis le début de l’année.
  • Le pétrole (WTI) a chuté de 10,6% à 61,99 dollars/baril, pénalisé par une hausse inattendue de la production de l’Opep+ et les craintes de ralentissement mondial affectant la demande.

Le risque de récession s’intensifie

L’histoire des marchés offre une mise en garde: depuis 1950, la plupart des corrections de 10% ou plus du S&P 500 se sont résorbées en moins d’un an – sauf lorsqu’elles coïncidaient avec une récession. Parmi les sept corrections qui ne se sont pas redressées rapidement, six ont été suivies d’un repli économique. Alors que la baisse actuelle se rapproche de ces seuils historiques, les investisseurs se préparent de plus en plus à une contraction.

Stratégie d’investissement: adopter une posture défensive

Face à la volatilité accrue et à l’incertitude macroéconomique, les allocations d’actifs se réorientent vers des stratégies résilientes et génératrices de revenus:

  • Les marchés privés restent un pilier de stabilité: privilégier le crédit privé, les fonds secondaires de private equity et une exposition immobilière sélective.
  • Sur les marchés cotés, se tourner vers les secteurs défensifs: services publics, santé, et valeurs domestiques comme la gestion des déchets et l’alimentation-boissons.
  • Eviter les secteurs les plus vulnérables aux droits de douane, notamment les industriels mondiaux et les exportateurs.
  • Maintenir un bon niveau de liquidité et déployer le capital de manière opportuniste et progressive.

Données macroéconomiques et perspectives pour la Fed

La semaine à venir sera décisive avec des indicateurs d’inflation et les perspectives de la Fed:

  • Les minutes du FOMC (9 avril) devraient fournir des indices sur la direction de la politique monétaire.
  • Les publications de l’indice des prix à la consommation (CPI – 10 avril) et de l’indice des prix à la production (PPI – 11 avril) seront cruciales pour évaluer la probabilité et l’urgence de futures baisses de taux.

Les contrats à terme sur les Fed Funds intègrent désormais une probabilité de 95% d’une baisse de taux en juin, un revirement spectaculaire par rapport aux anticipations d’il y a quelques semaines – un signe clair du changement de sentiment vers une politique monétaire plus préventive.

En conclusion, les marchés ne réagissent pas uniquement aux droits de douane: ils intègrent aussi une montée de l’aversion au risque, des vents contraires inflationnistes et la perspective croissante d’une récession. Dans cette tempête, maintenir la diversification, protéger le capital et faire preuve de patience sera essentiel.

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