«Nous préférons les actions européennes et suisses aux américaines»

Philippe Rey

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L’écart de croissance entre les Etats-Unis et le reste du monde se réduira sans doute. Avec une rotation saine sur les marchés, selon Anastassios Frangulidis chez Pictet.

L’année 2025 a commencé sous de bons auspices pour la plupart des marchés actionnaires, d’abord en saluant les mesures avouées de dérégulation et d’abaissements fiscaux du nouveau président américain Donald Trump. Puis la volonté de ce dernier de bousculer le commerce mondial avec l’introduction de droits de douane et le risque d’une guerre commerciale ont provoqué les craintes à la fois d’une récession et d’une recrudescence inflationniste aux Etats-Unis. Ce qui a eu pour effet un recul du marché américain des actions et une réduction des écarts de valorisation entre ce dernier ainsi que les actions européennes et suisses notamment. Allnews fait le point avec Anastassios Frangulidis, chef stratège et responsable de la gestion multi-actifs chez Pictet Asset Management à Zurich.

Existe-t-il le risque d’une récession mondiale suite aux décisions prises par Donald Trump?

Nous ne le pensons pas, mais il y aura sans doute un ralentissement de la croissance aux Etats-Unis. L’écart de croissance entre ceux-ci et le reste du monde devrait diminuer. L’industrie manufacturière se reprend de même que les services, et la progression des bénéfices des entreprises s’étend au-delà des grandes sociétés technologiques. Tout cela suscite une rotation saine sur les marchés. D’ailleurs, les actions américaines ont sous-performé cette année l’Europe et les marchés émergents, réduisant leur écart vis-à-vis de ces derniers.

L’économie mondiale traverse une phase de transition, avec un phénomène de fragmentation par opposition à la mondialisation. Dans l’ensemble, les signes de vulnérabilité de l’économie américaine ne sont pas suffisants pour entraîner un positionnement baissier sur les actions et haussier sur les obligations. En effet, des pans de l’économie mondiale auparavant faibles, tels que l’Europe et le secteur manufacturier, montrent des signes de reprise.

«Nous surpondérons les actions européennes en raison de l’amélioration des perspectives économiques, de la hausse des prévisions de croissance des bénéfices et des valorisations attrayantes.»

Quelle est votre politique actuelle en matière d’investissement dans les actions?

Nous surpondérons les actions européennes en raison de l’amélioration des perspectives économiques, de la hausse des prévisions de croissance des bénéfices et des valorisations attrayantes. En revanche, nous faisons preuve de prudence à l’égard des actions américaines, du fait de leur cherté.

Les marchés européens et suisses sont-ils encore attractifs?

Les actions américaines affichent actuellement un rapport cours/bénéfice (PER) moyen de 20,4x (ndlr: estimations pour les douze prochains mois), alors que la moyenne à long terme s’élève à 16x, selon notre estimation de la juste valeur. Par contraste, le PER moyen des actions européennes atteint un peu plus de 14x contre 13x à la mi-février.

«Le marché suisse des actions n’est pas surévalué.»

Quant à l’indice suisse SPI, le PER se monte à 17,8x au regard 16,3x à la mi-février. Il convient de relever à ce sujet que le marché suisse revêt un caractère plus défensif que ses homologues européens, notamment au travers de ses secteurs pharma et alimentaire. Et Il ne s’avère pas surévalué, en particulier en ce qui concerne les moyennes capitalisations boursières de qualité.

La mise en oeuvre de droits douane par l’administration Trump ne va-t-elle pas faire souffrir l’Europe en particulier?

Ce n’est pas favorable, certes, notamment sur les plans de l’inflation et du libre-échange, mais il faudra voir ce qu’il en adviendra réellement. Donald Trump n’est pas à une volte-face près. Certains produits pharmaceutiques exportés aux Etats-Unis en particulier ne pourront pas être remplacés facilement. Sans oublier le fait que beaucoup d’entreprises européennes ou suisses fabriquent aux Etats-Unis.

Par ailleurs, l’Europe augmentera ses dépenses d’investissement dans la défense ces prochaines années, à savoir 800 milliards d’euros, ce qui stimulera l’économie européenne. L’Allemagne a récemment annoncé un paquet fiscal qui comprend la levée d’un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros en excluant les dépenses dans le secteur de la défense.

La Suisse va également investir davantage dans son armée. A l’instar de la Chine, les Européens vont animer la demande intérieure pour contrer une éventuelle baisse de leurs exportations.

Et l’impact d’une fin de la guerre en Ukraine?

Elle aura, le cas échéant, un impact positif sur l’économie européenne. En pareil cas, les prix de l’énergie baisseront sans doute, tandis que la confiance des consommateurs, investisseurs et entrepreneurs s’améliorera. En outre, une reconstruction de l’Ukraine pourrait commencer.

Qu’en est-il des placements en obligations?

A l’inverse des actions, nous avons réduit notre exposition aux obligations d’Etat européennes, tout en privilégiant les bons du Trésor américains dans l’anticipation d’un affaiblissement de la conjoncture aux Etats-Unis. Un ralentissement de l’économie américaine n’est pas le seul argument en faveur des bons du Trésor.

La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait baisser ses taux directeurs encore une fois, en concomitance avec la fin de son resserrement quantitatif. C’est le scénario le plus plausible. Mais cela dépendra de l’inflation ou de l’affaiblissement conjoncturel réel.

Vous attendez-vous à une nouvelle baisse des taux directeurs de la Banque nationale suisse (BNS) et de la Banque centrale européenne (BCE)?

C’est le scénario le plus probable, compte tenu de la faiblesse de l’inflation et des tensions géopolitiques.

Avez-vous modifié la structure des classes d’actifs?

Nous surpondérons les actions suisses et européennes, et nous restons neutres vis-à-vis des actions mondiales, des obligations et de la liquidité pour les raisons mentionnées précédemment. S’agissant des actions, nous avons diminué la part des actions américaines au profit des actions européennes et suisses, comme on l’a vu, ainsi que des actions des marchés émergents hors Chine. 

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