Profiter de tendances plus courtes et plus marquées est un exercice complexe et demande des compétences spécifiques.
Les phases de marché chahutées comme celle que nous connaissons depuis quelques semaines donnent régulièrement lieu à d’innombrables discours en forme de raccourcis simplistes du type «le monde a changé» ou «rien ne sera plus jamais comme avant»…Ce type de réactions face à l’augmentation de la volatilité n’apporte aucune recette magique à la construction de portefeuille et l’on aurait envie de rappeler aux esprits chagrins que le monde ne fait que changer et que par nature les marchés financiers évoluent eux aussi sans cesse.
En ce début d’année 2025, bien malin celui qui sait quels seront les prochaines déclarations, mesures et autres volte faces de l’administration Trump. Au petit jeu des prédictions, notamment politiques, il y a en général une foule de perdants et tout au mieux quelques gagnants éphémères, la vérité du jour n’étant pas celle du lendemain, notamment sur les marchés actions. Dans un environnement désormais plus incertain, la question se pose légitimement pour l’investisseur de comment adapter son portefeuille.
Nous comparons trop souvent les différentes phases de baisse entre elles. Que la valeur de notre portefeuille perde 30% à cause de la faillite d’une banque, d’un coup d’état ou même d’un astéroïde, cela ne change pas grand-chose à notre ressenti vis-à-vis de la situation. Il est pourtant crucial de bien cerner les raisons induisant les craintes des investisseurs lorsqu’elles surviennent et le contexte général qui les entoure.
Actuellement une majorité d’opérateurs est préoccupée par l’arrivée potentielle d’une phase de stagflation, voire d’une récession aux Etats Unis. Autrement dit une période durant laquelle la croissance américaine serait moindre sans pour autant voir l’inflation reculer en parallèle. Cette situation, si elle se confirmait dans les données économiques n’ouvrirait guère la porte à la FED pour reprendre ses baisses de taux et n’induirait probablement pas un rallye des actions américaines en «V» comme nous l’avions connu en 2020. De plus, quelques facteurs psychologiques bien compréhensibles viennent noircir le tableau, notamment la communication géopolitique musclée (pour rester courtois…) du président américain tant envers ses «ennemis» que ses «alliés». Sur un autre front, il n’est bien sur guère rassurant d’entendre le président français en appeler solennellement à la patrie au journal de 20h pour augmenter les dépenses militaires face à la «menace» Russe. Enfin, le thème d’investissement star sur les marchés financiers au cours des deux dernières années, l’intelligence artificielle, fait une pause dans le cœur des investisseurs. Les annonces de vastes plans d’investissement dans les semi-conducteurs ou les data centers sont désormais accueillis avec un certain scepticisme, le marché souhaitant avoir plus de certitudes quant à leur nécessité dans une telle ampleur et questionnant leur rentabilité.
La diversification géographique a permis à un investisseur en actions de limiter ses pertes en 2025, les marchés européens surperformant dans une ampleur que personne n’avait vu venir leurs homologues américains. Cependant, en admettant que la stagflation voire une récession s’installe aux Etats Unis, il parait peu probable que l’Europe prenne le relais de l’Oncle Sam en qualité de locomotive de la croissance mondiale. Un portefeuille multi actifs doit donc trouver un moyen de faire face à des marchés actions moins porteurs que durant les deux dernières années et s’adapter à une volatilité qui fait et défait les opportunités d’investissement.
Certains commencent donc à me voir venir et en lien avec le titre de ce billet, je pense bien sûr aux produits alternatifs. Cette appellation étant très générique, nous parlons bien ici de stratégies alternatives aux approches classiques «long only» et agissant sur les classes d’actifs traditionnelles liquides. La liquidité est une affaire de profil de risque et chacun y a son degré de sensibilité. Il ne s’agit pas de la sacrifier pour mieux naviguer dans l’environnement actuel.
L’évolution récente des dynamiques politiques et géopolitiques parait offrir un terrain de jeu plus propice aux fonds alternatifs que ne l’a été la période post 2008. Le modèle souvent couteux et parfois peu liquide des «hedge funds» ne s’est pas vraiment justifié en termes de performances durant de longues années, voyant d’autres tendances être plébiscitées par les investisseurs, actifs privés en tête.
Il est pourtant possible depuis longtemps déjà d’allouer du capital à des gestionnaires alternatifs proposant des stratégies liquides aux degrés de risque divers et variés sans pour autant devoir subir des structures de frais trop prohibitives. Que l’on soit à la recherche d’une faible corrélation aux marchés actions, d’une alternative à l’obligataire classique ou tout simplement d’une exposition dynamique à d’autres pans des marchés financiers, l’industrie des fonds alternatifs propose de nombreuses solutions dont les vertus pourraient bien se rappeler aux oreilles d’investisseurs dont la performance des portefeuilles multi actifs devrait être plus volatile à l’avenir (et donc moins supportable pour certains).
Puristes et nostalgiques de l’époque dorée des hedge funds peuvent arguer que les versions «UCITS» des stratégies alternatives (c’est-à-dire encadrées d’une série de règles venant contraindre les gestionnaires et limiter théoriquement les risques pour l’investisseur) sont édulcorées et peu attractives. Je ne partage en rien cet avis. Comparaison n’est pas raison dans ce cadre-là et l’ajout de stratégies alternatives liquides aux deux grandes classes d’actifs que sont les actions et les obligations fait pleinement du sens en termes de construction de portefeuille. Le but recherché étant bien ici l’amélioration du couple risque rendement en ajoutant une brique supplémentaire.
Dans un monde où tout va vite mais où investir demande du temps il n’est pas impossible que les quatre années à venir de l’administration Trump ouvrent la voie à un retour en grâce de la gestion alternative. Ces dernières doivent permettre à l’investisseur de mieux gérer les aléas de marchés dont le président américain sera probablement souvent le déclencheur en proposant des stratégies capables d’exploiter le supplément d’instabilité auquel nous semblons devoir nous habituer.
Qu’il s’agisse de mieux dormir la nuit en ajoutant à son allocation d’actifs des produits défensifs ou d’exploiter des phases de baisse abrupte des indices d’actions par l’intermédiaire de gérants prenant des positions «short», la panoplie alternative est large et sa complexité s’adapte à tous les publics. Elle requiert surtout une définition claire des objectifs qu’on lui confère.
L’administration Trump semble en mesure de modifier durablement le terrain de jeu sur lequel ont excellé les actions américaines ces dernières années et l’industrie des hedge funds donne le sentiment de pouvoir s’y sentir comme à la maison.