Le marché immobilier est fondamentalement sain

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Nicolas Krügel, CEO de la BCGE depuis un an, il n’y a pas de raison de craindre une surchauffe du marché immobilier malgré la baisse des taux.

 

Bien qu’en recul de 5,2% sur un an, le bénéfice net de 219,2 millions de francs réalisé par la Banque Cantonale de Genève (BCGE) a été le deuxième meilleur de l’histoire réalisé par le groupe, a souligné mardi l’établissement à l’occasion de la publication de ses résultats pour l’exercice 2024. Le dividende proposé à l’assemblée générale reste identique à l’an précédent avec 6,5 francs par action. Mardi, l’action BCGE a clôturé en recul de 1,9% à 257 francs dans un marché en net repli. Le point sur les perspectives pour l’exercice en cours, l’évolution attendue sur le marché hypothécaire et avec la clientèle d’entreprise avec Nicolas Krügel, le CEO du Groupe BCGE depuis mars 2024.

Pour 2025, la BCGE se montre prudente dans ses prévisions et s’attend à un résultat en retrait. Est-ce avant tout en raison de la poursuite de la baisse des taux d’intérêt attendue de la part de la BNS ou à cause d’autres facteurs?

Oui, c’est bien sûr un aspect essentiel. Nous nous posons en permanence la question de savoir quelle va être l’évolution des taux d’intérêt. Nous préparons nos budgets et nos business plan en fonction de certaines hypothèses. Est-ce que les taux directeurs se situeront toujours à 0,5%, à 0,25% voire à zéro. Ou est-ce qu’ils seront même négatifs. En fonction de ces différents scénarios nous pouvons calculer quel sera l’impact de tel ou tel taux sur nos marges de crédit, sur la rémunération de l’épargne, sur nos dépôts à la Banque nationale et puis de refaire l’équation. 

En fonction de ces scénarios, nous pouvons envisager faire évoluer les taux pour les crédits que nous proposons aux clients, tout comme c’est le cas aussi pour l’épargne. Ce sont des paramètres que nous modélisons ensuite. 

Notre souhait est de rester dans un monde où les taux sont positifs. Les taux négatifs ont des implications en termes de décisions d’investissement qui sont complètement contre-nature et qui créent des déséquilibres extrêmement néfastes d’un point de vue économique. Il suffit de penser par exemple aux avoirs déposés dans les caisses de pension par l’essentiel de nos concitoyens. Si ces avoirs sont rémunérés à zéro voire avec des taux négatifs, cela engendre des problèmes à longue échéance qui sont extrêmement importants. Un capital de retraite rémunéré de manière négative pendant de très nombreuses années peut déboucher sur des situations de retraites qui sont très défavorables. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

«Notre souhait est de rester dans un monde où les taux sont positifs. Les taux négatifs ont des implications en termes de décisions d’investissement qui sont complètement contre-nature.»

Concernant le marché hypothécaire, est-ce qu’une baisse des taux directeurs de la BNS à 0,25% voire à zéro aurait un impact négatif ou positif sur vos activités? Une baisse des taux encourage les gens à s’intéresser à l’achat d’objets immobiliers mais elle exerce aussi une pression sur les marges. Peut-on évaluer cet impact dans son ensemble?

Nous pouvons effectivement évaluer cet impact. Une baisse des taux stimule la demande pour les acquéreurs. Les personnes qui s’intéressent à acheter un bien immobilier ne basent pas leur calcul sur un taux d’intérêt moyen à 5% - elles se fondent sur le taux facial qui leur est proposé. En parallèle, des taux bas tendent à faire monter la valeur de l’immobilier, ce qui peut restreindre les possibilités pour les acheteurs et limiter l’accès à la propriété. 

Notre observation est toutefois que le marché immobilier est fondamentalement sain. Il y a toujours un écart entre l’offre de construction et la demande – la demande dépassant toujours l’offre. Les taux de vacance restent ainsi toujours extrêmement faibles ce qui créée des situations de marché qui maintiennent les prix de l’immobilier. 

Il y a aussi une approche prudentielle qui a été introduite, à l’exemple de l’autorégulation. Des contrôles sont en place pour éviter des dérives.

Vous ne craignez pas un risque de surchauffe?

Pas actuellement. Il existe toutes sortes de contrôle pour lutter contre la spéculation immobilière. On ne peut, par exemple, plus acheter un bien immobilier le matin et le revendre dans l’après-midi comme cela a parfois été fait dans les années 1990. Il y a des taux d’imposition qui sont confiscatoires pour les transactions de courte durée. De plus, il y a une rareté des biens immobiliers et des opportunités. Je ne crains donc pas que l’on se retrouve dans une situation de surchauffe.

Un ratio de fonds propres de l’ordre de 17% est un très bon niveau pour une banque comme la BCGE.

En ce qui concerne la clientèle d’entreprises, vous avez dit, dans le contexte de la reprise de Credit Suisse par UBS, que la BCGE saisit les opportunités de manière sélective. Cela signifie-t-il que vous allez vous limiter aux bons risques comme on le dit parfois?

Il faut toujours rappeler que la BCGE est une banque cantonale avec une mission universelle. Nous travaillons avec des entreprises issues de toutes les branches à l’exception de celles qui sont sous le coup de restrictions liées aux sanctions nationales ou internationales, ou celles ayant des activités qui induisent des risques de réputation inacceptables. 

Ayant dit cela, la banque se doit de respecter certains critères réglementaires ou économiques. Si un client s’adresse à nous sans documenter suffisamment sa situation, nous n’allons pas pouvoir lui ouvrir un compte. C’est aussi le cas si un client avait des attentes exagérées en matière de rendement sans vouloir prendre de risque. La réalité économique est un élément factuel qui décide si l’on va faire ou non une affaire.

Le débat sur la garantie d’Etat accordée aux banques cantonales revient à intervalles réguliers. Ce débat est-il réglé dans le cas de la BCGE?

En ce qui concerne la BCGE, la question ne se pose pas, puisqu’à l’instar des banque cantonales de Berne et de Vaud, nous ne bénéficions pas de la garantie d’Etat. Pour les autres, il est difficile de mesurer quels sont exactement les avantages obtenus grâce à celle-ci 
La BCGE est une société anonyme de droit public cotée en bourse. 72,6% de notre capital est en mains publiques. Cela nous accorde une grande stabilité qui nous donne l’avantage de pouvoir travailler dans une perspective de long terme. En parallèle, la cotation exige de nous de la rigueur de gestion, et de suivre des règles très strictes, Ces deux aspects constituent un équilibre vertueux.  

Le ratio des fonds propres réglementaires disponibles de la BCGE était de 16,7% en 2024, soit davantage que l’exigence minimale de 12,7%. Serait-il possible aujourd’hui pour une banque cantonale telle que le BCGE de se satisfaire d’avoir un ratio minimal ou le fait d’avoir un coussin supplémentaire est-il devenu une sorte d’obligation?

C’est une ligne de crête pour nous. D’un côté, il faut éviter un excès de prudence. De l’autre, il faut éviter de tomber en dessous d’un certain seuil. Il faut tenir compte des attentes de sécurité des investisseurs tout en tenant compte des exigences de rentabilité. Je pense qu’un ratio de l’ordre de 17% est un très bon niveau pour une banque comme la BCGE. 

A lire aussi...