La semaine passée est riche en événements, le marché fait la connaissance de DeepSeek, intègre une nouvelle salve de statistiques macro-économiques plutôt encourageantes, la partition jouée sans fausse note par la Fed et la BCE ainsi que des résultats trimestriels de sociétés globalement bons. Cela n’empêche pas les principaux indices d’actions américains de produire une performance hebdomadaire négative (S&P500 – SPX -1%, Nasdaq100 – NDX -1,36%). Toute autre ambiance de l’autre côté de l’Atlantique, où l’indice Stoxx Europe 600 (SXXP) atteint un nouveau record historique et le Swiss Market Index (SMI) semble ne plus savoir ce que le mot «baisser» signifie.
La séance de vendredi de Wall Street se termine au plus bas du jour ou presque, malgré la bonne tenue du jour des mastodontes de la tech, hormis Apple, qui ne parvient pas à profiter de la publication de ses résultats, jugée bonne dans un premier temps par les intervenants. Le podium du jour du SPX se compose des services de communication, de la consommation discrétionnaire et c’est tout, les autres secteurs terminent tous dans le rouge avec la palme à l’énergie qui recule de près de 3%. La volatilité retrouve des couleurs, le VIX gagne 4% à 16,43, les volumes d’échanges augmentent également et le breadth est clairement mauvais, sur le SPX et le NDX.
Au chapitre macro de cette fin de semaine, L'inflation de base du PCE pour décembre est conforme aux attentes, avec un taux de croissance annuel stable à 2,8%. Le revenu personnel des ménages est également en ligne avec les prévisions, tandis que les dépenses personnelles augmentent de 0,7% sur un mois, contre 0,5% attendu. Dans d'autres publications, l'indice du coût de l'emploi au quatrième trimestre est légèrement inférieur aux prévisions. L'indice PMI de Chicago pour janvier est plus élevé que prévu. Par ailleurs, la gouverneure de la Fed, Michelle Bowman, maintient un ton plutôt restrictif, affirmant que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour maîtriser l'inflation et suggérant que les taux actuels n'exercent probablement pas de contrainte significative. De son côté, Austan Goolsbee, président de la Fed de Chicago, se montre optimiste quant à l'évolution de l'inflation, mais indique également qu'il est prêt à ralentir le rythme des baisses de taux à mesure que ceux-ci approchent d'un niveau neutre.
Restons-en là pour le passé récent, l’actualité des marchés de ce weekend est riche, les marchés vont subir des turbulences à l’ouverture, déjà ressenties en Asie.
L’administration Trump annonce l’imposition dès mardi de tarifs douaniers de 25% sur les importations en provenance du Mexique et du Canada (10% sur l’énergie canadienne) et de 10% sur la Chine. Le Canada et le Mexique ont déjà annoncé des mesures de rétorsion. Les importateurs américains paieront ces tarifs, mais l’impact final dépendra des ajustements de prix. Certains coûts pourraient être répercutés sur les consommateurs américains, tandis que les exportateurs étrangers pourraient réduire leurs prix pour rester compétitifs. Si les entreprises américaines se tournent vers d’autres fournisseurs ou relocalisent leur production, cela pourrait entraîner une hausse des prix, bien que cela bénéficie aux travailleurs et entreprises américaines. Les biens affectés incluent les voitures, l’électronique, les jouets et des produits alimentaires comme l’avocat, la tequila ou les frites surgelées. La hausse des coûts de construction est aussi attendue en raison de la dépendance des États-Unis au bois canadien.
Contrairement à son premier mandat, Trump ne prévoit pas d’exemptions pour les entreprises et justifie ces tarifs par la nécessité d’empêcher l’entrée de fentanyl illégal aux États-Unis. Par ailleurs, ces nouvelles taxes sont plus larges que celles de 2018-2019, touchant la totalité des exportations chinoises vers les États-Unis et élargissant les restrictions aux importations mexicaines et canadiennes. Le Canada riposte avec des tarifs de 25% sur 105 milliards de dollars de biens américains, dont une première vague de 20 milliards dès mardi, visant notamment l’alcool, le café et les vêtements. Le Mexique et la Chine annoncent également des mesures de représailles, menaçant des centaines de milliards d’exportations américaines.
L’Europe est déjà dans le viseur du très en forme plus vieux président de l’histoire des Etats-Unis. La presse du weekend n’est pas tendre avec lui, notamment le Wall Street Journal qui parle de la guerre commerciale la plus stupide de l’histoire (le WSJ pense au Canada et au Mexique, pas à la Chine). L’écrasante majorité des économistes prévoit désormais un rebond de l’inflation aux Etats-Unis. Prenons un seul exemple: les avocats (ceux qu’on mange, pas ceux qui dévorent nos budgets familiaux). 90% des avocats importés par les Etats-Unis proviennent du Mexique. On peut donc envisager que le guacamole du superbowl du 9 février prochain coûtera un peu plus cher que prévu au téléspectateur américain. D’ailleurs ce matin le marché des Fed Funds prévoit nettement moins de chances d’une baisse de taux prochaine par la Fed, il indique même 11% de probabilités d’une…hausse de 25 points de base lors de la réunion du 16 septembre 2026. Tout cela reste hypothétique certes, mais si le marché sent que la Fed va le lâcher sur la durée, cela pourrait avoir un impact à terme. On notera qu’une grande banque prend le contrepied de la tendance actuelle. UBS estime que ces tarifs pourraient ralentir la croissance américaine (-0,8 pt de PIB) plutôt que provoquer une forte inflation, incitant la Fed à baisser ses taux.
Ce lundi matin le marché se réveille avec une sensation de grosse gueule de bois. Les indices d’actions asiatiques piquent du nez, on se réfugie massivement dans le dollar (la paire EUR/USD à 1,0227, prochain arrêt technique majeur la parité), le pétrole est recherché, le baril de WTI Light Crude revient à 74,26 dollars, l’or rend un petit peu de terrain mais reste fort, l’once évolue à 2795 dollars, les crypto-monnaies sont délaissées, on sent une nette aversion pour le risque en ce 3 février. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans est tiraillé entre les acheteurs qui se réfugient dans les obligations et les vendeurs qui prévoient une Fed plus «faucon». Niveau actuel du 10 ans 4,55%, le principal support reste 4,48%, c’est là que se trouve actuellement sa moyenne mobile à 50 jours. On notera par ailleurs que le peso Mexicain et le dollar Canadien sont tous deux en net repli, que l’évolution de la paire EUR/USD est aussi due à un affaiblissement de l’euro, dans le viseur de qui vous savez, que la livre anglaise boit aussi la tasse et que le franc suisse regagne en vigueur face à la monnaie unique européenne.
La volatilité va probablement décoller ce lundi matin, le VIX n’as pas encore ouvert mais de belles opportunités devraient se présenter dans le joyeux monde des produits structurés.
Et ne laissons pas cette affaire de taxes occulter le reste d’une actualité riche, notamment en termes de résultats de sociétés. Parmi les principaux noms qui publient cette semaine on retrouve Alphabet, Amazon, l’Oréal, Novo Nordisk, UBS, Walt Disney ou encore Total Energies. Nous serons aussi attentifs à la décision de la banque d’Angleterre jeudi et à l’important rapport mensuel sur l’emploi américain vendredi. Ce matin la Chine annonce un indice Caixin PMI manufacturier à 50,1 en janvier contre 50,5 en décembre et 50,6 attendus.
L'Union européenne «réagira fermement», déclare un porte-parole. La Commission européenne et les États membres tiennent une conférence ministérielle sur le commerce demain.
Donald Trump prévoit d’appeler séparément Justin Trudeau et les dirigeants mexicains aujourd’hui.
Elon Musk affirme que son équipe DOGE est en train de fermer l’USAID après que son personnel se voit refuser l'accès aux systèmes de l'agence. Il suspend également les paiements du Trésor aux contractants américains.
Le Panama promet un libre passage aux navires de guerre américains à travers le canal de Panama et annonce son retrait du programme de prêts phare de la Chine, après les critiques de Marco Rubio lors de sa visite hier. Le président panaméen Jose Raul Mulino réaffirme que son pays ne renonce pas au contrôle du canal.
Au menu macro-économique du jour, l'inflation de la zone euro en janvier sera publiée à 11h00. Aux Etats-Unis outre le PMI, les dépenses de construction et l'indice ISM seront annoncés à 16h00.
L'UE va rendre Temu (PDD Holding), Shein et Amazon responsables des produits «dangereux», selon le FT Julius Baer annonce un bénéfice net de 1,12 milliard de dollars pour 2024. Porsche Automobil a annoncé ce week-end le départ surprise de deux de ses dirigeants, signe des turbulences au sein du fleuron du groupe Volkswagen. Meta envisage de déplacer sa domiciliation juridique au Texas. Le ministère américain du commerce enquête sur l'utilisation de puces d'IA par DeepSeek à la suite de discussions entre le président Donald Trump et le PDG de Nvidia, Jensen Huang. Colgate-Palmolive réfléchit à la façon de réduire l'impact d'éventuels droits de douane sur le dentifrice fabriqué au Mexique. Les ventes de Toyota Motor en Chine chutent de 7% en 2024, entraînant les actions en baisse de 5% ce matin. BYD annonce une hausse de ses ventes de véhicules en janvier. SoftBank et OpenAI vont créer une coentreprise au Japon pour fournir des services d'intelligence artificielle aux entreprises.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en net repli. Tokyo perd 2,66% à la cloche, Hong Kong égare 0,06%, Shanghai est fermée, Séoul chute de 2,52% et le Nifty50 rend 0,58%. Le future SPX baisse de 1,7% et l’Europe ouvre en repli de 2,4%.
Lundi de déjà vu pour le VIX aujourd'hui, alors que les contrats à terme sur la volatilité repartent brusquement à la hausse, une réaction similaire à celle observée lundi dernier après l’annonce de DeepSeek. La question est de savoir si cette nouvelle poussée finira, comme d’autres avant elle, par s’estomper sans rendre la volatilité plus persistante. Selon Bloomberg Economics, étant donné que les tarifs douaniers étaient largement anticipés, la rhétorique de Trump ce week-end ne constitue ni un choc ni une surprise. BE pense que l’on peut donc s’attendre à ce que les vendeurs de volatilité interviennent à nouveau pour tirer profit de cette hausse.