Swiss Life: comment nous avons investi la gestion indicielle

Philippe Rey

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Stefan Mächler, CIO de Swiss Life, indique que la sortie de Credit Suisse s’est révélée une opportunité dans la gestion indicielle.

 

Sous la direction de Stefan Mächler, la division de gestion d’actifs, Swiss Life Asset Managers, a fortement évolué durant ces dix dernières années, notamment les affaires pour le compte de clients tiers, ainsi que les placements dans les actifs réels que sont l’immobilier et les infrastructures. Swiss Life est devenu ainsi un acteur majeur de la gestion d’actifs sur le marché. Le cours de l’action Swiss Life a progressé cette année d’environ 18%, si bien que la valeur boursière du groupe avoisine 20 milliards de francs. 

Swiss Life Asset Managers gérait à fin juin 2024 une fortune totale de 262 milliards de francs, dont 117 milliards pour le compte de clients tiers, et fait partie du top 3 des gérants institutionnels en Suisse, tout en ayant une forte présence en Europe. Stefan Mächler, qui remettra son mandat de Group CIO à Per Erikson le 1er avril 2025 et prendra sa retraite à fin mars prochain, revient sur divers aspects importants avec Allnews.

Pourquoi la hausse des actifs immobilers est-elle forte?  

Tous ces ingrédients nous ont notamment permis d’augmenter en dix ans, à savoir de 2014 à 2024, de 32 à 88 milliards de francs les actifs immobiliers à l’actif du bilan du groupe, au bilan de la société d’asset management et pour le compte des clients tiers. 

Quelle est la structure actuelle des placements de capitaux de Swiss Life?

L’allocation d’actifs au bilan de Swiss Life n’a pas fondamentalement changé lors de ces dernières années, en vertu de la gestion actif-passif (asset liability-management ou ALM) qui est menée. Avec une part pour compte propre, à fin 2023, de 50% des placements obligataires, de 28% de l’immobilier, de 8% des actions et fonds de placement actions, de 10% des prêts hypothécaires et prêts, de 3% des placements alternatifs dont 98% pour les infrastructures et 2% pour le private equity, et de 1% pour les liquidités et autres. 

Que pensez-vous en particulier des marchés actions?

Nous sommes neutres; notre exposition nette est de 4% à 4,5% au moyen d’une gestion indicielle; nous n’effectuons pas de «stock picking». La valorisation des actions américaines est élevée, bien plus que celle des marchés européens et émergents. 

La croissance des bénéfices des entreprises reste bonne. De plus, le potentiel de baisse des taux d’intérêt n’est pas épuisé. Cependant, les risques ne sont pas moindres: le marché américain des actions, en premier lieu les «Magnificent Seven» (ndlr: Alphabet, Amazon, Apple, Meta Platforms, Microsoft, Nvidia, Tesla), ainsi que la situation géopolitique. 

L’interaction de l’immobilier avec les infrastructures par le biais énergétique recouvre un gros potentiel en Europe, particulièrement en Suisse, en Allemagne et en France. 

Et s’agissant des placements obligataires?

Les conditions actuelles permettent de réinvestir à de meilleurs rendements. Nous restons relativement positifs à l’égard des emprunts d’Etat, qui permettent de couvrir sans autre l’inflation. En revanche, les obligations d’entreprise nous paraissent chères; leurs spreads (ndlr: écarts de taux) se sont réduits. Concernant les obligations en euro, notre exposition à la dette française reste limitée et nous n’éprouvons pas de vraie crainte à son sujet. 

Quel potentiel voyez-vous encore dans l’immobilier, qui paraît fortement valorisé aujourd’hui?

L’interaction de l’immobilier avec les infrastructures par le biais énergétique recouvre un gros potentiel en Europe, particulièrement en Suisse, en Allemagne et en France. Une gestion efficiente de l’énergie et une réduction des émissions de CO2 des bâtiments revalorise ces derniers. 

En Allemagne, par exemple, seulement 20% des immeubles sont conformes aux normes de développement durable. La réalisation d’une décabornisation des actifs immobiliers et sites, avec des solutions énergétiques intégrées, réévalue ces actifs. 

Nos comptons à présent des projets de développement pour 10 milliards de francs dans ces domaines, dont 6,5 milliards pour compte propre, 1,0 milliard pour le compte de clients tiers et 2,5 milliards au bilan de Swiss Life Asset Managers. De ces derniers 2,5 milliards, par exemple, 50% concernent le segment de la logistique, 25% les bureaux, 20% l’immobilier résidentiel et 5% le  commerce de détail. 

Quelle est la stratégie de Swiss Life Asset Managers?

Nous nous concentrons sur la croissance organique, mais sans exclure des acquisitions complémentaires. A la condition que celles-ci accélèrent notre croissance organique. Dans les valeurs mobilières, nous focalisons sur des investissements mondiaux pour des clients européens. Dans celle de l’immobilier, nous effectuons des investissements européens pour le compte de clients à travers le monde. 

Maintenir des relations étroites avec la clientèle est une priorité essentielle pour que Swiss Life Asset Managers soit un gérant d’actifs européen leader qui a pour ambition une croissance continue. 

Par ailleurs, Swiss Life Asset Managers joue un rôle clé dans la gestion du bilan du groupe. Nous devons mener en effet une une gestion actif-passif, qui est précise et performante. Et qui assure des revenus récurrents permettant de couvrir nos engagements, tout en protégeant nos actifs de l’inflation et de chocs externes.  

Swiss Life dispose aujourd’hui d’actifs à son bilan, qui procurent des revenus et des marges d’intérêt robustes, avec une efficience élevée du capital, au bénéfice des assurés et des actionnaires. 

Les participations que nous prenons dans ce domaine doivent amener des revenus stables, à l’image des actifs immobiliers, des obligations ou des dividendes de sociétés suisses cotées. 

Swiss Life Asset Managers jouit-elle d’un avantage durable dans une industrie très compétitive?

Je pense que nous avons effectivement quelques points forts qui nous distinguent. Une force est d’aligner nos propres intérêt sur ceux de nos clients, d’appliquer les propositions d’investissement que nous faisons à nos clients à nos placements de capitaux pour le compte des assurés. 
Une autre est de pouvoir fournir aux clients de Swiss Life Asset Managers un accès unique à des opportunités d’investissement, aussi bien des transactions à large échelle dans l’immobilier et les infrastructures que des spécialités ou niches intéressantes. Nous voulons actionner davantage le levier de notre plateforme immobilière pour une croissance durable. 

Quelle est votre approche en matière d’infrastructures?

Créée en 2011, la plateforme d’infrastructures de Swiss Life Asset Managers identifie, acquiert et gère activement, via ses fonds, des investissements en actifs et sociétés d’infrastructures (entre autres les entreprises suisses Condecta et Wascosa) dans les pays de l’OCDE pour nos clients d’assurances et nos clients tiers, avec un horizon à long terme. Les participations que nous prenons dans ce domaine doivent amener des revenus stables, à l’image des actifs immobiliers, des obligations ou des dividendes de sociétés suisses cotées. 

Quelles sont en outre les niches ou spécialités que vous évoquez?

Offrir un accès unique à des investissements spécialisés et sur mesure du marché immobilier aux clients, entre autres dans ce qui touche aux soins de la santé, à l’auto-stockage et au camping. En faisant valoir une forte présence locale et une expertise approfondie. 

Swiss Life Asset Managers est entrée dans la gestion indicielle au début de 2024 pour le compte d’une clientèle tierce sur le marché suisse. Pourtant il s’agit d’un secteur très concurrentiel…

Une gestion indicielle était déjà menée pour compte propre. Credit Suisse, UBS et Swisscanto se partagaient environ 70% du marché suisse de la gestion indicielle avant la chute de Credit Suisse et sa reprise par UBS. Nous avons eu l’idée qu’une partie des clients de Credit Suisse iraient ailleurs. C’est pourquoi nous avons voulu saisir cette occasion et pu atteindre, ce faisant, en un an une masse sous gestion de 12 milliards de francs dans les affaires de clients tiers. 

Cette décision a permis à Swiss Life Asset Managers d’avoir une offre complète de solutions d’investissement en valeurs mobilières, actifs immobiliers et infrastructures. Le marché de la gestion indicielle croît toujours. Cependant, nous devons nous montrer très efficients en termes de coûts.

La progression des actifs sous gestion pour tiers a progressé rentablement de façon continue lors des dix dernières années. A quoi attribuez-vous ce succès?

Swiss Life a su metttre en oeuvre sa vision de façon déterminée et décisive à des moments plus difficiles, s’agissant des placements de capitaux en particulier, tant pour le compte de ses assurés que pour celui des clients tiers. La détermination du management, combinée à une recherche d’excellente qualité, sous la conduite de Marc Brütsch, économiste en chef, a permis de saisir des opportunités, alors que des concurrents hésitaient dans des contextes conjoncturels et de taux d’intérêt plus délicats. 

D’autre part, les équipes de la filiale Swiss Life Asset Managers ont fait preuve d’une exécution de premier ordre. Nous disposons d’une très bonne équipe en la matière, certes avec des tempéraments différents, mais bien équilibrée en regard des risques et des chances qu’offrent les marchés. 

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