L’année 2024 restera sous le signe d’une confirmation de la désinflation dans les pays développés, malgré des mouvements parfois «erratiques» qui ont pu susciter des interrogations au sein de la communauté financière à certains moments. Cette tendance désinflationniste a été essentielle pour permettre la mise en œuvre d’un processus de relâchement monétaire par les principales banques centrales (BNS, ECB, Fed); un processus qui devrait a priori se poursuivre en 2025, même si les opérateurs sont désormais moins sûrs de l’ampleur que ce dernier pourrait prendre.
Ce développement sur les politiques monétaires a évidemment joué un rôle non négligeable dans le comportement des marchés, particulièrement pour les actifs risqués. Les actions américaines sont les grandes gagnantes, dans le sillage d’un atterrissage en douceur que la maîtrise des prix a rendu possible, alors que les valeurs européennes ont pâti d’une croissance atone malgré un reflux plus marqué de l’inflation qu’au pays de l’oncle Sam. De plus, le bon comportement du crédit, les dettes à haut rendement en particulier, résulte également de ce repli de l’inflation à l’échelle internationale.
Alors que la trêve des confiseurs approche et que les américains savourent un repas de Thanksgiving dont la cherté est plus contenue qu’au cours des dernières années, chacun peut se réjouir de voir l’inflation retrouver des niveaux plus raisonnables. Est-ce à dire que nous pouvons mettre (définitivement) derrière nous la douloureuse expérience de la perte de contrôle sur la progression des prix qui nous a tous affecté depuis la COVID-19?
Les opinions à ce sujet demeurent partagées. La réélection de Donald Trump a contribué a alimenter les débats entre les partisans du maintien de la désinflation en 2025 et les défenseurs d’un probable rebond de l’inflation, dans le sillage de mesures de relance (baisse des impôts) et/ou d’une nouvelle salve de tarifs que le président élu pourrait (devrait?) mettre en œuvre.
A cet égard, le marché obligataire des dettes souveraines ne s’y est pas trompé, lui qui a connu une tension significative des rendements en quelques semaines avant de se calmer récemment, démontrant par la-même que les opinions sur l’avenir de l’inflation ne sont pas figées mais aussi – pour ne pas dire surtout - que les incertitudes y relatives demeurent peut-être plus importantes que ce qui serait souhaitable.
Une fois encore la possibilité d’une évolution défavorable de l’inflation en 2025 concerne avant tout les Etats-Unis, en raison des mesures susmentionnées (baisse d’impôts et tarifs) dont il est difficile d’apprécier les effets. La mise en œuvre des mesures commerciales, et surtout leur ampleur, ne sont pas encore définitivement établies. A contrario, la volonté de dérégulation affichée par la nouvelle administration pourrait avoir une incidence favorable sur le comportement de l’inflation de nature à compenser, au moins partiellement, les effets de relance fiscale qui se dessinent. Dans quel ordre de priorité la nouvelle administration Trump entend-elle procéder à l’implantation des grands axes (annoncés) de sa politique? La question n’est pas anodine lorsque l’on tente de réfléchir sur les possibles développements inflationnistes aux Etats-Unis.
En ce qui concerne l’Europe, la tendance désinflationniste qui s’est affirmée au cours des douze derniers mois semble mieux établie et en mesure de se maintenir en 2025, avant tout en raison du contexte de croissance sous-optimale qui perdurera sur le Vieux Continent. De plus, le nombre important de suppressions de postes de travail qui se dessine, tant en France qu’en Allemagne, devrait permettre de modérer la progression (excessive) des salaires dont certains continuent à s’inquiéter.
Au demeurant, les déclarations récentes de Madame Schnabel, membre du Conseil de la BCE, sont venues rappeler que la vigilance «anti-inflationniste» reste bien vivace au sein de l’autorité monétaire! Au risque de précipiter une nouvelle fois l’économie européenne dans les affres de la menace déflationniste alors que la marge de manœuvre budgétaire est réduite? La question mérite d’être posée lorsque l’on voit la situation française et alors qu’une refonte éventuelle du frein à l’endettement allemand est tributaire du résultat des élections de février.
Parler de déflation nous conduit évidemment à considérer la cas chinois, où les chiffres sur l’évolution des prix sont loin de démontrer que l’Empire du Milieu affiche des signaux clairs que le retour à un climat de plus grande stabilité des prix est en ligne de mire. Tout cela pour dire que la Chine n’a pas achevé son combat contre les pressions déflationnistes, d’autant plus que les perspectives de nouvelles tensions dans les relations commerciales internationales pourraient encore compliquer la tâche de Pékin.
Au regard de ce qui précède, il est bien difficile de se faire une idée définitive sur les développements inflationnistes en 2025. C’est d’autant plus vrai que les incertitudes géopolitiques et les perspectives d’un monde de tensions exacerbées sur le front commercial rajoutent au manque de visibilité sur ce front, au même titre que des développements conjoncturels sans grande homogénéité entre les grandes régions du globe.
Ce contexte doit inciter, selon nous, à ne pas prendre des positions trop tranchées sur les taux d’intérêt et les marchés obligataires. Faire preuve d’une certaine prudence sur le front de la duration est donc justifié tant que la visibilité sur le risque inflationniste ne sera pas plus grande. Ce choix est d’autant plus vrai si l’on possède déjà une bonne exposition aux actifs risqués.