La technologie a révolutionné la manière dont l’information financière est disponible pour les investisseurs. Elle a aussi rendu plus fine la frontière entre information et opinion. L’augmentation exponentielle du volume d’informations disponibles a permis l’émergence de nouvelles méthodes d’investissement parfois éloigné de l’analyse financière.
Informer vient du latin informare qui signifie façonner, former, représenter, décrire. Une définition plus terre à terre consiste à dire qu’informer est le fait de mettre au courant et de donner connaissance d’une nouvelle.
Pour les marchés financiers et ceux qui s’y agitent, l’information est un élément clé du quotidien. Comme l’avait repris Ronald Reagan en 1989 «l’information est l’oxygène de l’ère moderne».
Cette information a bien changé en 35 ans et l’ancien président américain ne réalisait sans doute pas à quel point sa déclaration résonnerait dans le futur, à grands coups de développements technologiques, apportant des améliorations majeures et son lot de dérives.
Pour les financiers, l’information est en principe une donnée leur permettant de forger leur conviction. À titre d’exemple et de manière très simplifiée, une société publie ses résultats, l’analyste financier les consulte puis juge, en son âme et conscience, s’il doit se porter acquéreur ou vendeur des titres de la compagnie à leur niveau actuel.
Facile non?
Evidemment tout ne se passe pas exactement comme ça dans la réalité de notre époque, même si fort heureusement le mécanisme décrit ci-dessus fonctionne encore aujourd’hui.
Osons un parallèle avec le monde de la gastronomie. Un cuisinier dira sans doute qu’il aime choisir ses produits sous leur forme la plus pure. Le poisson fraichement sorti de l’océan ou le fruit tout juste récolté. Cela lui doit lui garantir les saveurs nécessaires à la création de ses plats.
Il n’en est pas vraiment autrement pour l’information financière. Là où le cuisinier redoute tout traitement / ajout venant modifier le goût de ses produits, l’analyste devrait craindre toute interprétation /conditionnement de l’information brute qu’il reçoit.
Dit autrement l’altération de l’information devrait être pour l’investisseur ce que le colorant ou le conservateur sont pour le chef étoilé.
À défaut de craindre une information partielle ou contenant des éléments d’interprétation, les investisseurs doivent à minima s’accommoder d’en recevoir de nos jours. La révolution technologique a provoqué une explosion de la quantité d’informations financières disponibles. La parole a été donnée à qui veut la prendre et cela se traduit par un déluge d’avis, d’interprétations et de discours parfois sciemment orientés.
Qu’il peut être dur en 2024 de démêler information et opinion. C’est pourtant crucial quand il s’agit d’investir.
Certainement loin de penser aux cours de bourse, Einstein déclarait «la connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information». Serait ce donc avant tout l’expérience sur les marchés qui mène aux succès boursiers?
D’un côté les résultats obtenus par des investisseurs de long terme utilisant une démarche rigoureuse d’analyse financière fondamentale pour choisir les sociétés dans lesquelles ils investissent tend à démontrer que leur méthode fonctionne. Warren Buffet et ses disciples se basent avant tout sur de l’information financière brute et adoptent un horizon d’investissement très long. L’expérience acquise année après année est évidement un paramètre de leur réussite.
À l’inverse de nombreux investisseurs, notamment issus de l’univers des fonds dit «alternatifs», réussissent régulièrement à engranger des gains conséquents en utilisant d’autres méthodes, pour certaines sans rapport avec la bonne santé financière des entreprises investies. Pour eux aussi il est probable que l’expérience acquise année par année contribue à l’amélioration de leurs modèles et à une meilleure utilisation des outils technologiques notamment.
En vérité, et contrairement à d’autres domaines plus «scientifiques», les marchés financiers ne sanctionnent pas le bon du mauvais à chaque instant. Certes, l’histoire démontre qu’à long terme la méthode Buffet est payante. Si en revanche on réduit drastiquement l’horizon temps et que l’on prend la période post Covid uniquement alors c’était bien le style Cathie Wood et les valeurs technologiques d’ultra croissance qu’il fallait détenir (puis vendre!).
En d’autres termes, on peut gagner de l’argent progressivement en ayant lentement raison durant très longtemps ou en gagner très rapidement en ayant totalement raison au bon moment. Les deux approches n’utilisent pas l’information de la même manière.
La première s’inspire du chef étoilé, elle ne tolère ni produits transformés ni exhausteurs de goût…Des chiffres bruts et rien d’autre. La deuxième au contraire raffole des colorants et autres additifs qui font adorer un produit au plus grand nombre quelques temps, peu importe sa qualité intrinsèque.
À l’heure où Donald Trump et ses déclarations risquent à nouveau d’influencer les marchés financiers, il parait sage de ne dénigrer aucune méthode de gestion quand bien même certaines ne se basent pas sur ce qui semble concret et rationnel. Certains gestionnaires gagneront probablement plus d’argent en analysant des tendances sur X ou Reddit qu’en étant de bons analystes financiers. C’est un fait de notre époque et une petite part d’entre eux aura le talent de savoir prolonger ce succès bien au-delà des quatre années à venir du mandat Trump 2.0.
Diversification des stratégies et définition claire de l’horizon temps des investissements sont des remparts efficaces quand nous avons la sensation d’être submergé par un trop plein d’informations financières parfois contradictoires et dont la substance est potentiellement édulcorée.
Garder l’esprit ouvert concernant le(s) chemin(s) à emprunter vers les succès boursiers est peut-être une manifestation de l’expérience menant à la connaissance dont parlait Einstein.